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EAN : 9791036001024
240 pages
L’Atalante (17/02/2022)
3.94/5   31 notes
Résumé :
Le Porteur d'eau est sombre. Ceux qui ont lu Exodes, dont cette nouvelle est un prélude, ne peuvent que s'en douter. L'espoir pour l'humanité est quasi inexistant.
S'opposent deux humanités. Il y a celle de Clara, de son cancer de la peau, de la chaleur omniprésente d'un soleil meurtrier, de la sécheresse qui amène son mari, Cédric, à faire un voyage terrifiant pour aller chercher de l'eau potable dans le village despotique voisin. Et il y a celle de Mélanie,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Quand la science-fiction soulève le voile, pour ne pas dire plus tard que nous ne savions pas…

Quelle idée de lire ces nouvelles durant cette période de festivité…mais quelle idée ! Sans doute aurais-je du attendre un autre moment car j'ai été, le temps de cette lecture, très loin des douceurs chocolatées de cette période de Noël, mis à part, peut-être, la couleur de ma gourmandise préféré…Noir à 90%...Car si la couverture semble lumineuse, juste futuriste, le contenu de ces dix nouvelles est en effet d'une noirceur absolue. Enfin, noir sous un soleil plus qu'éclatant, un soleil irradiant de ces rayons impitoyables les pauvres hères qui errent en cette canicule perpétuelle. Un noir aveuglant. Les étés à 42 degrés ne sont désormais plus que de lointains et doux souvenirs. Et malgré l'horreur que nous entrevoyons, impossible de lâcher ce livre exceptionnel. Je crois que chacun de ces dix diamants noir charbon restera ancré intimement en moi.

Jean-Marc Ligny imagine en dix nouvelles, dix légendes contées avec un talent certain, les conséquences concrètes du changement climatique via quelques tranches de vie de survivants. Pas de fin du monde apocalyptique, de fuite dans l'espace, d'invasion extra-terrestre, pas de miracles technologiques. Non, nous sommes dans le concret, le réel le plus terre à terre possible et les conséquences sont des évidences que nous pressentons déjà mais que nous nous acharnons à ignorer pour le moment : La montée drastique des températures, les paysages devenus déserts arides, terres nues parsemées de rares épineux chétifs et de squelettes d'animaux, l'absence d'eau, les mouvements migratoires, la décrépitude des femmes et des hommes revenus à l'âge médiéval au mieux, à l'âge de pierre au pire, la lutte pour la survie, le chacun pour soi, l'effondrement des sociétés et des valeurs humaines…avec cependant quelques lueurs d'espoir dans chacune des tranches de vie rencontrées….Enfin, parfois…
La science-fiction post-apocalyptique s'invite dans le réel sans que nous ayons besoin de faire un effort d'imagination très poussé, soulevant ce voile avec lequel nous tentons de tout recouvrir car jusqu'ici, tout va bien.

« Maintenant, il n'y avait que des ronces agressives, des chardons revêches et de la moisine, cette espèce de lichen vert-de-gris, mutant et hautement toxique, né probablement dans une quelconque soupe chimique ou zone irradiée et qui se répand comme un chancre sur la planète, tuant tout ce qu'il touche, sans rien pour l'arrêter. Surtout ne pas tomber dedans, car ça ronge la peau en quelques secondes. Même des chaussures en cuir n'y résistent pas, elle se désagrègent en moins d'une journée ».


Notons une écriture terriblement efficace, Jean-Marc Ligny arrive à nous faire ressentir l'émotion des personnages, l'absurdité de nos réactions lorsque des étincelles d'amour, des élans d'humanité nous guident, comme par exemple cet homme qui prend plaisir à tuer sadiquement les migrants tout en risquant sa vie pour sauver un chiot, la chute de chacune de ces nouvelles est implacable, plombante…
Il parvient avec talent à nous faire ressentir les affres de cette survie dans ce monde décimé où boire et manger deviennent la seule et unique obsession. Nos lèvres se gercent, nos gorges deviennent sèches, nos peaux se fripent, nos corps s'assèchent, quelques cloques éclatent sur nos bras devenus bâtons…
Sans parler de la plume, d'une poésie de fin du monde, qui m'a envoutée :

« Longue attente dans la fournaise qui grimpe inexorablement, au village immobile sous la chaleur qui tombe du ciel telle une chape de plomb fondu.
Longue attente dans les maisons aux fenêtres obstruées, dans les caves aux pénombres moites, sous les voutes de l'église encore un peu fraîches, à traquer la dernière goutte d'eau au fond des bidons.
Longue attente de la mort pour les vieux desséchés, des folies de la nuit pour les enfants sauvages, et pour tous les autres, du retour de l'espoir et de la fraîcheur du soir…Du retour du porteur d'eau ».


La nouvelle que j'ai préférée est celle du Porteur d'eau de laquelle j'ai extrait la citation précédente. Un road movie lancinant, haletant. Un homme, le maire d'un petit village, se voit contraint de partir seul avec une vieille mule pour aller chercher les 60 litres d'eau dont le village a droit à 15 km de là, la batterie de leur unique véhicule ayant rendu l'âme. Sa femme se meurt d'un cancer de la peau. Elle attend avec espoir un laisser passer pour Davos, ville où vit sa soeur, ville placée sous un dôme géodésique en Altuglas haute densité, au centre d'un vaste parc naturel enchâssé au sein des Alpes suisses, réservée à une certaine élite. Là elle pourra être soignée. Là elle pourra boire à sa soif et ne plus être irradiée par ce soleil devenu fou…Le texte entrelace la quête de l'eau du mari qui se transforme en une épopée terrifiante et l'attente à la lisière de la mort de cette femme, il entremêle l'avancée laborieuse et l'immobilisme dans une chaleur si accablante, si parfaitement décrite qu'elle en est palpable pour le lecteur. Ce d'autant plus que des scènes de vie sous le dôme nous sont dévoilées et le contraste est d'autant plus saisissant, l'espoir d'autant plus insoutenable…


Le format Nouvelles apporte beaucoup à cette sensibilisation écologique car il permet de découvrir une diversité de situations liées aux ravages du changement climatique, et ce dans des tons et des nuances de noirceur très variées. Certaines nouvelles mettent ainsi le focus sur l'émergence du fanatisme religieux dans ce monde à bout de souffle où les survivants sont prêts à suivre aveuglément n'importe quel gourou, d'autres se focalisent sur la survie en pleine nature en solitaire, l'homme étant un loup pour l'homme, quand d'autres montrent comment de petites communautés arrivent à organiser un semblant de vie, certains récits mettent sur le devant de la scène les tornades et tempêtes provoquées par ce changement climatique. Dans plusieurs nouvelles nous retrouvons la présence et l'importance du chien, soit seul compagnon vers lequel notre humanité s'exprime encore, de façon quasi-déespérée, soit horde plus forte que l'espèce humaine vouée à disparaitre.
Au gré de cette diversité de textes, les personnages abordés sont multiples, impossible de ne pas être touché par certains qui pourraient être vous, vos proches, vos amis, vos voisins…

Ce livre est un cri d'alarme. Un livre absolument nécessaire. Une SF engagée, sans être militante, une SF qui montre juste, en imaginant à peine. Une SF superbement écrite pour une cause qui concerne tout le monde. Une SF humaniste qui raconte la fin de l'humanité.
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Elodie, le premier personnage de ce livre, "dix légendes des âges sombres", aurait pu être sa dernière lectrice.
Elle est assez vieille pour ça. Elle a 72 ans.
Et, elle a connu l'ancien monde, celui d'avant, d'avant que le changement climatique ne vienne bouleverser l'ordre des choses.
Car c'est bien de cela qu'il va être question dans le livre de Jean-Marc Ligny, du changement climatique et du bouleversement de notre monde.
"Dix légendes des âges sombres" est un recueil de nouvelles.
Toutes sont préalablement parues dans diverses publications entre juin 2000 et décembre 2020, sauf la dernière, "la horde" qui est ici inédite.
Il y a dans ces pages, vingt ans de maturation, d'observations et de réflexion.
Pris dans son ensemble, l'ouvrage pourrait être le roman complet et indivisible d'un monde en perdition.
Pourtant chacune de ses dix nouvelles est un récit achevé qui peut se lire indépendamment des neuf autres.
Le ton est donné.
La tragédie s'invite à la table de l'humanité.
La science-fiction s'en moque bien, elle en a connu des fins du monde, des invasions d'êtres venus d'ailleurs, des fuites dans le temps et dans l'espace, des tragiques effondrements et des quêtes pleines d'espoir ...
Mais ici la science-fiction a posé un pied dans le réel !
Du reste, la meilleure des sciences-fiction n'est-t-elle pas toujours une page de notre quotidien à venir ?
Les personnages de ce livre pourraient être vous, moi, ce voisin auquel personne ne prête jamais attention ...
Les personnages de Jean-Marc Ligny sont plus vrais que nature.
Ils dégagent de l'émotion, vivent intensément, accentuent la cruauté des situations et insufflent pourtant l'espoir.
C'est au bord de mer que tout commence à Hyères, puis en Bretagne ...
La poste a fermé. le boulanger a mis la clef sous la porte.
Même le bistrot a baissé son rideau.
C'est dire, en Bretagne, si tout espoir semble avoir été jeté aux orties.
Le récit de Ligny s'ancre dans une vie quotidienne qui aurait viré au cauchemar.
C'est bien écrit.
C'est efficace.
C'est plombant, aussi parfois.
"Mais qui, à part les fous et les idiots, ne songe jamais à l'extinction du genre humain ?"
Cet atavisme est vieux comme le monde !
Ce recueil est un puissant cri d'alarme, comme seule peut l'être la littérature, la meilleure lorsqu'elle se mêle de nos vies.
Ce livre vient juste de paraître, aux éditions de "l'Atalante", superbe maison de Nantes dont plusieurs volumes honorent déjà ma bibliothèque.
Je les remercie pour cet envoi.
Je remercie aussi, bien sûr, l'auteur de ces pages édifiantes et passionnantes, Jean-Marc Ligny, dont j'avais déjà dévoré "Exodes".
Et, j'espère un jour, peut-être, le croiser aux "Utopiales" pour lui dire tout le bien que je pense de sa littérature ... pourquoi pas ?
Un grand merci, aussi à la Masse-Critique qui toujours élargit notre imaginaire ...

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Livre reçu grâce à la dernière opération Masse Critique, merci à Babelio.
* Alors là, pour finir ce recueil de 10 nouvelles des légendes des âges sombres, il faut s'accrocher, car le futur que nous dévoile Jean-Marc Ligny n'est pas franchement gai. Il est particulièrement torride, atroce, horriblement chaud, vide de tout espoir, apocalyptique, désert, peuplé de pillards et autres zombies, mais peuplé par endroit de quelques survivants qui font ce qu'ils peuvent pour faire face à leur très pauvre situation, et qui y arrivent de temps en temps malgré le peu qu'ils possèdent.
Les détails apportés par Ligny sont d'une précision redoutable, et au sein de chaque histoire, on est totalement pris dedans. On souffre avec les gens, tellement c'est cru et réaliste.
* L'ouragan : ce que l'homme va trouver lorsqu'il part à la pêche de ce qui peut rester dans l'océan, ressemble plus à une prise d'horreur qu'à autre chose.
* Lettre à Elise : on y croit jusqu'au bout... mais non.
* La route du nord : résistance d'une petite fille recherchant son chien, alors qu'elle est seule et perdue dans la fournaise. "Nous survivrons, pas vrai?"
* le porteur d'eau : sur une mule à travers les horreurs. On espère...mais non.
* Mission divine : les chiens aussi sont affamés...
* le désert : idem.
* 2030 / 2300 : 50 à 60° à l'ombre, mais il n'y a pas d'ombre. En revanche, il y a du gaz.
* La frontière : on tue des migrants, on s'en fout, mais on sauve un petit chien.
* L'aéroport : construire une montgolfière pour s'échapper, mais où?
* La Horde : la dernière et la plus longue des dix nouvelles. face à une horde de 300 "zombies" dirigée par un illuminé féroce, que peuvent faire quelques survivants d'un petit village ? Il reste le courage et la ruse, car encore une fois, il faut faire face à la chaleur, à la faim, à la soif, aux violences. aux éléments déchainés, au cannibalisme. Et pour une fois, cela se termine sur une note d'espoir, dans tout ce maelstrom de souffrance.
* On ressort quelque peu secoué par ces écrits d'un futur très très chaud et très très sombre qui pourrait nous attendre si on ne fait rien pour le climat.
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Cela fait plusieurs années que Jean-Marc Ligny a décidé de focaliser l'essentiel de ses scénarios de science-fiction sur le réchauffement climatique et ses conséquences pour notre planète et ses habitants à plus ou moins court terme. Dernièrement, l'auteur a notamment publié une série de romans « climatiques » abordant tour à tour la question de la pénurie à venir en eau dans certaines régions du monde (« Aqua TM »), celle de la quasi disparition de l'humanité à long terme en raison de la raréfaction des ressources et du réchauffement du climat (« Semences ») ou encore celle de l'espoir d'une amélioration des conditions de vie humaine grâce à la coopération avec une espèce de fourmis intelligentes (« Alliances »). On lui doit également un grand nombre de nouvelles sur le sujet, précédemment publiées dans diverses revues ou anthologies et dont dix d'entre elles viennent d'être réunies par les éditions l'Atalante dans un recueil qui propose également un texte inédit. le cadre est le même que celui des ses précédents ouvrages, à savoir une Terre où les humains subissent de plein fouet les effets du réchauffement climatique : exodes massifs de population, canicules sans fin, pluies diluviennes et orages monstrueux, pénurie d'eau, apparitions d'espèces endémiques nocives et en passe de venir définitivement à bout de la biodiversité… Difficile à la lecture de ces nouvelles de ne pas être saisi par un impérieux sentiment d'urgence, et c'est heureux, dans la mesure ou les rapports du GIEC s'accumulent et se montrent de plus en plus alarmistes (le dernier en date donne quelques années seulement à l'humanité pour redresser la barre, autant dire qu'on est plus que mal barré). Pour planter le décor de cet environnement de plus en plus hostile, Jean-Marc Ligny s'est penché sur une abondante documentation faite de rapports d'experts et d'études scientifiques qui esquissent des scénarios glaçants pour le futur.

Les nouvelles présentes au sommaire peuvent être réparties en deux catégories : l'une regroupant des textes consacrés aux effets concrets du réchauffement sur l'environnement et les conséquences sur le mode de vie des humains ; l'autre consacrée aux différents types de comportements adoptés par ces derniers en réaction au bouleversement. Dans la première catégorie, on trouve « L'ouragan », nouvelle chargée d'ouvrir le recueil et qui met en scène une vieille femme attendant le retour de son compagnon, parti pêcher en mer, lorsqu'elle apprend qu'une tempête monstrueuse va bientôt atteindre leurs côtes. le texte est court, mais permet déjà de cerner ce que pourrait être notre avenir à moyen terme, avec l'immersion d'une partie des terres côtières, le basculement d'une large part de la population dans la misère et l'errance et le délitement presque total de l'état. Dans « Lettre à Élise », l'auteur détaille sa vision du futur tout aussi brièvement mais de manière bien plus inquiétante. La nouvelle prend la forme d'une lettre de six pages adressée par un homme à son ex et lui demandant d'intercéder en sa faveur afin de le faire entrer dans une enclave, zones à peu près préservées des aléas climatiques dans lesquelles la classe dominante s'est barricadée quand tout à commencer à partir à vau-l'eau. le texte a l'effet d'un uppercut, tant le sort du personnage, sans domicile suite à la destruction de sa maison dans un raz-de-marée et enfermé dans un camp de réfugiés à Rennes, paraît dramatiquement inextricable. La chute, simple mais efficace, vient renforcer le sentiment de désespoir qui saisit le lecteur à la lecture de ce destin tragique qui pourrait bien être celui qui attend nos enfants et petits-enfants.

Dans « le désert », c'est l'enjeu vital que va constituer l'eau qui se trouve au centre du texte. Là encore le texte est court, et le protagoniste a peine esquissé, mais le récit permet là encore d'imaginer les extrémités auxquelles pourrait nous réduire, à court terme, la raréfaction d'eau potable. Dans « 2030/2300 » (nouvelle déjà publiée dans l'anthologie « Nos futurs » éditée par ActuSF), Jean-Marc Ligny s'interroge cette fois sur les effets futurs de certaines de nos choix actuels concernant la lutte contre le réchauffement climatique. Ou comment une décision prise aujourd'hui pourrait avoir des répercussions sur nos descendants des siècles après notre disparition. le texte est composé de deux parties : la première met en scène un ingénieur tenant un blog dans lequel il informe ses lecteurs de l'avancée d'un projet d'enfouissement sous le sol de gaz carbonique, projet jugé prometteur en terme de réduction des émissions carbones ; la seconde est consacrée à une petite communauté vivant sur les lieux près de trois cents ans plus tard et frappée d'un mal mystérieux. La construction est bien pensée et permet de faire passer le message de manière efficace. Enfin, « L'aéroport » est sans doute la nouvelle la plus positive du recueil puisqu'elle met en scène un homme qui, pour échapper à un environnement toujours plus hostile et violent, s'est lancé dans la fabrication d'une montgolfière. Un texte sans doute trop court mais qui a pour mérite d'apporter une touche d'espoir bienvenue dans cet océan de noirceur.

Les cinq autres textes du recueil se penchent pour leur part plutôt sur les diverses réactions possibles des humains à plus ou moins long terme face aux effets du réchauffement et à la disparition de notre mode de vie occidental. Dans « La route du nord », Jean-Marc Ligny met en scène une jeune fille prenant la route avec ses parents afin de gagner une zone un peu plus préservée des aléas climatiques que leur petit village, en proie depuis des années à des éléments de plus en plus violents. Cette mise en sûreté impliquant de traverser la très surveillée frontière séparant le Nord du Sud, la famille fait appel à des passeurs qui se refusent à emmener avec eux le chien de notre héroïne. A la première escale, celle-ci prend alors la fuite avec pour objectif de retrouver son village et son compagnon canin, laissé sur place. Mais la route est périlleuse, et pas seulement à cause des effets de la chaleur et du manque d'eau. L'auteur approfondit ici un peu plus des aspects de son anticipation déjà évoqués auparavant, à savoir ces communautés nomades qui se sont crées suite aux bouleversements et qui réagissent par la violence (quoi que pas toujours de la même manière) à l'agonie du monde. Il en va de même dans « le porteur d'eau », l'un des meilleurs textes du recueil (sans doute car comptant parmi les plus étoffés en nombre de pages) et qui met en scène le maire d'un petit village entreprenant un périlleux voyage à pied pour apporter de l'eau à sa communauté au point de distribution quotidien. Là encore, l'auteur imagine un mode de vie totalement différent du notre en raison notamment de la pénurie d'eau et de la canicule permanente (soixante à l'extérieur !) et qui contraste avec celui à peu près préservé des habitants des enclaves, dont il est à nouveau question ici.

Afin d'accentuer l'idée que, bientôt, l'homme risque fort bien de véritablement représenter un loup pour l'homme, Jean-Marc Ligny n'hésite pas à mettre en scène des personnages détestables se rendant coupables des pires atrocités. C'est le cas dans « La frontière », nouvelle mettant en scène un soldat placé à la frontière séparant le Nord, un peu moins impacté, des régions du sud qui subissent de plein fouet le dérèglement climatique (on comprend d'ailleurs très vite que cette frontière se situe bien plus au nord que celle qui sépare aujourd'hui tacitement les pays nordiques et ceux du sud). Confronté à un afflux de réfugiés climatiques de plus en plus important, l'homme ne fait preuve d'aucune empathie, d'aucune humanité, jusqu'à ce que se présente aux pieds des murailles un être qu'il estime cette fois digne d'être sauvé. Là encore le texte est rude et la sensibilité dont finit par faire preuve le personnage le rend finalement encore plus terrifiant que le reste. On retrouve le même sentiment dans « Mission divine » qui met en scène un homme pris de délires mystiques et décidé à « purger » sa communauté. Court mais percutant, avec sans doute un peu trop de violence gratuite. La dernière nouvelle, « La horde » est une inédite et revient elle aussi sur la menace que risquent de faire peser sur les survivants des cataclysmes qui nous attendent celles et ceux qui seraient séduits par une religion promouvant des mesures extrêmes. le récit met en scène un petit groupe de seniors ayant parvenu à créer une petite communauté où il fait plutôt bon vivre et menacé par le passage d'une horde de pauvres erres suivant une sorte de messie. Un couple de vieux est alors envoyé au devant de la troupe afin de tenter de lui faire changer de trajectoire par la ruse. Là encore, on s'attache aux personnages et on se laisse facilement prendre par la tension qui imprègne le texte. Tout juste peut-on regretter un final comportant une incohérence un peu trop grosse.

Toujours dans l'objectif de documenter et d'imaginer ce que pourrait être notre avenir à court, moyen et long terme en raison du réchauffement climatique, Jean-Marc Ligny multiplie les romans et les nouvelles plus réalistes, et par conséquents plus glaçants, les uns que les autres. Qu'il se consacre aux effets concrets sur l'environnement liés au manque d'eau, à l'amplification des catastrophes naturelles ou à l'installation d'une canicule sans fin, ou qu'il décide de mettre l'accent sur l'héclécticité des réactions humaines au bouleversement, l'auteur pousse, texte après texte, un cri d'alarme auquel on ne peut rester insensible et qui renforce chaque fois un peu plus la prise de conscience du désastre à venir (et même déjà là). Désespérant mais, paradoxalement, mobilisateur.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Ce recueil regroupe dix nouvelles écrites entre 2000 et 2021. Plus de vingt ans que Jean-Marc Ligny suit sa ligne, immuable, pour parler du dérèglement climatique, en dépeignant le monde d'après, à travers ses romans de SF.

Avec sa vision post-apocalyptique de la montée drastique des températures (la terre, version fournaise), de la raréfaction des ressources (l'eau, en premier), des mouvements migratoires (des bons européens), de l'effondrement général (de la société, des valeurs). Obsessionnel.

Cette vision peut paraître jusqu'au-boutiste, sauf qu'au fil des ans on se rapproche, à petits pas mais inexorablement, de l'environnement qu'il imagine.

Ces nouvelles ont été publiées de manière éparses sur deux décennies, sauf la dernière, la plus longue, qui est inédite. On y retrouve parfois un lien direct avec certains de ses livres (dont le formidable Exodes). C'est une vraie bonne idée de les regrouper au sein d'un même recueil.

Le style évolue, mais la vision ne dévie pas d'un iota depuis toutes ces années ; cohérence du propos et des idées. La légende est en marche.

L'écrivain n'oublie jamais de nous remettre à notre vraie place, l'Homme comme une péripétie. de faire son office de lanceur d'alerte. Mais aussi et surtout d'être un bon conteur d'histoires.

Ces dix légendes sont autant de tranches de vie de survivants. de femmes et d'hommes qui tentent de subsister et d'exister dans un monde transformé en enfer, où boire et manger sont les objectifs journaliers. Où la loi du plus fort a pris le pas sur le reste.

Et pourtant, parfois, une faible lueur d'espoir vivote encore ; force du désespoir.

En quelques pages, l'auteur sait planter son décor au point qu'on en vient à ressentir les affres du climat, et il dessine ses personnages avec autant de simplicité que de soin. En racontant des petits bouts de leurs parcours, qui mèneront vers d'autres bouts (ou pas).

Ces personnages pourraient bien être vos enfants, comme le dit l'auteur dans sa préface. Parce que l'aveuglement et l'égoïsme nous entraînent tout droit vers ce monde-là.

Ces petites histoires frappent et heurtent autant qu'elles fascinent. Il en reste irrémédiablement quelques chose après avoir lu ces 240 pages de poussière et de sang. A s'attacher à certains protagonistes et à leur volonté de résister. Par la force d'un épatant raconteur.

Ce qui frappe, c'est donc la clairvoyance de l'auteur, qui assène les même vérités depuis 20 ans. Ces premiers textes sont toujours d'actualité et cohérents dans la description de l'environnement vicié où se déroule l'action.

D'ici vingt autres années, on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas, et que Jean-Marc Ligny n'avait pas vu l'avenir…

Ces Dix légendes des âges sombres sont autant une vision ténébreuse et réaliste de notre futur pas si lointain, que de remarquables histoires humanistes.

Dans un monde où la souffrance et la violence sont devenues la norme, les étincelles d'humanité prennent d'autant plus de force. Jusqu'à l'absurde parfois, mais la vie qu'on mène l'est tout autant, la nature nous le fait savoir de plus en plus violemment.
Lien : https://gruznamur.com/2022/0..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C’est une vallée désertique, terre pulvérulente, arbres moribonds, pelade d’herbes jaunes et sèches. Sur les flancs ravinés des collines, des souches calcinées, de la caillasse, des broussailles épineuses et agressives, de la poussière qui volute au moindre souffle de vent. Les tracés d’anciens champs, des vestiges de clôtures. Au creux de la vallée, quelques fermes en ruines gisent le long de routes défoncées, dont l’asphalte est réduit à l’état de plaques éparses. Sur les rives pierreuses d’une rivière asséchée s’étend un village dont le centre est enclos d’une grossière palissade de tôles. Hors de l’enceinte, les maisons sont abandonnées, écroulées ou incendiées. Une zone artisanale en friche arbore les carcasses dénudées de bâtiments industriels, entourés de vestiges de parkings envahis de moisine, où achèvent de pourrir deux ou trois épaves de voitures sableuses et mangées de rouille. Au milieu du village, un pont effondré, rafistolé de bric et de broc, enjambe la rivière. Quelques panneaux solaires décatis s’étalent sur les toits des maisons. Quatre éoliennes tournent en grinçant. Surgissant au-dessus des collines pelées, le soleil se lève sur cette désolation, énorme, enflé. La journée s’annonce torride, comme d’habitude.
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Le thermomètre affichait 34 °C, un peu chaud pour un début février. Élodie avait quand même gardé son gilet (celui bleu électrique et vert pomme, qu’elle avait tricoté elle-même), noué son vieux foulard de soie sur ses cheveux gris, enfilé des collants de laine sous sa jupe de coton décolorée. En février, il est censé faire froid : on doit être habillé. Du moins c’était comme ça avant, et à 72 ans, la force de l’habitude…
(Incipit)
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Elle décroche sa gourde de sa ceinture, s’humecte les lèvres, s’accorde une microgorgée qui calme un peu l’irritation. Elle se retient de s’asperger le visage bien qu’elle en meure d’envie, ce serait un gaspillage insensé par les temps qui courent. Depuis quand ne s’est-elle pas lavée correctement ? Elle a conscience de dégager un relent de fauve, qu’elle ne sent plus vraiment sauf le matin au réveil, avant que son nez ne s’habitue. Paraît que jadis, il coulait assez d’eau dans les maisons pour que les gens s’en arrosent des minutes entières sans même la récupérer ! Elle n’arrive pas à imaginer un tel gâchis. Sûrement une légende.
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Puis suivait la horde informe et loqueteuse, en haillons, couverte de crasse, trainant des pieds parfois nus et crottés, mue par l'hébétude et l'habitude...
Ils avançaient les bras ballants et les yeux perdus, tout comme leur âme déjà voué à Dieu.
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Curieusement, les ravages des hommes et du temps n'ont pas trop abîmé ce temple dédié à des dieux morts : Transport, Vitesse, Technologie. Hormis les vitres grêlées d'impacts et rayées par les tempêtes abrasives, hormis le sable qui s'accumule dans les lieux exposés aux courants d'air, hormis les boutiques vides, dévalisées jusqu'au dernier gadget duty free, l'infrastructure tient le coup, la décoration en stuc-verre-alu brossé arbore encore un modernisme arrogant, et si plus rien ne fonctionne, rien non plus n'a été volontairement démoli. Comme si les derniers humains à survivre dans les environs considéraient que c'est vraiment un temple, un hymne immobile à la gloire enfuie des hommes tant que l'aéroport restera debout, lhumanité aussi.
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Vidéo de Jean-Marc Ligny
Désormais l'eau de pluie est devenue impropre à la consommation humaine, polluée par les particules chimiques éternelles jusque dans les endroits les plus reculés du globe, tandis que la fonte des glaciers compromet l'abondance ou la régularité des précipitations. Nous atteignons la limite de l'eau. Bientôt, sinon dès aujourd'hui, les réfugiés de la soif se masseront aux frontières des nations épargnées alors que nous peinons à recycler nos eaux usées. L'or bleu est déjà coté en bourse et les multinationales tentent de se l'approprier au détriment des populations. L'eau, bien matériel de l'humanité ?
Avec : Jérôme Harmand, Jean-Marc Ligny, Marguerite Imbert Modération : Nicolas Martin
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