Préambule, médiagraphie, glossaire fourni : les auteurs avaient à coeur de réussir leur plongée dans l'univers des yakuzas qui ici emprunte tout ou presque aux classiques ultra référencés du genre... Pour quel résultat ? le parfait mélange entre "Les Tontons flingueurs" de
Georges Lautner et "Aniki, mon frère" de
Takeshi Kitano, le tout mixé sous la houlette du grimdark de
Quentin Tarantino ! Oh Yeah !!! ^^
https://www.youtube.com/watch?v=MGLqPqzBXEw
Dans "Sept Yakuzas", 6e épisode de la saison 1, le pitch est complètement archétypal : le parrain d'une mafia se fait attaquer lors d'une fête traditionnelle à l'âge canonique de 95 ans, et ne pouvant se fier à personne il recrute un commando de la dernière chance pour identifier son ennemi et assouvir sa vengeance.
Jean David Morvan parvient néanmoins à réaliser à partir de ce pitch une émouvante et impressionnante comédie humaine ! Tremblement de terre de 1923, Empire du Soleil Levant, Deuxième Guerre mondiale, bombardement d'Hiroshima, occupation et reconstruction, Jeux Olympiques de Tokyo en 1962, Exposition Universelle d'Osaka en 1970, terrorisme et guerre civile des seventies avec l'Armée Rouge japonaise, paix et prospérité des eighties avant que le miracle économique ne s'achève avec le krach boursier de 1991 dont le pays ne s'est finalement jamais remis : avec des portraits de personnages fort joliment intégrés au récit, c'est toute
L Histoire contemporaine du Japon que nous revisitions :
- Kotobuki Ichiro l'oybun est un enfant de l'entre-deux-guerres ("L'Histoire des 3 Adolf")
- Hotei Gozo l'immigré coréen est un enfant des années 1940 ("Le Tombeau des Lucioles", "Gen d'Hiroshima")
- Oguro Yogi le gangster patriote/xénophobe est un enfant des années 1950 ("Rainbow")
- Syugo Samon le trafiquant américanophile est un enfant des années 1960 ("20th Century Boys")
- Fukuda Keiroku le militant nationaliste est un enfant des années 1970 ("Unluck Young Men", "Inspecteur Kurokôchi")
- Ebisu Yoshiro le trader ruiné est détruit est un enfant des années 1980 ("City Hunter", "Sanctuary")
- Zaizen Nanami le geek egocentrique typique de la Génération Y est un enfant des années 1990...
Le relationship drama est parfaitement pensé et exécuté, mais la phase de recrutement fait 61 pages alors que le récit ne comporte que 78 pages... On compense en passant directement au dénouement tragique digne des "Sept Samouraïs" avec une confrontation finale qui nous est racontée au passé car SPOILER ! (mais remember "Lady Snowblood" un peu quand même ^^)
Mais la fin est d'un nihilisme tout autant anxiogène qu'étouffant : le passé n'a plus personne à qui léguer ses héritages et le présent n'a plus de passé vers lequel se tourner, donc tous les protagonistes du drame pleins de grandes idées sur l'honneur et les valeurs meurent violemment et inutilement pour leur leader qui après avoir tout perdu perd dans la tragédie l'espoir et l'envie de vivre... le Japon a-t-il encore un avenir ? Cela fait maintenant 26 ans que tous les Japonais se posent la question, et entre les progressistes qui veulent un pays plus ouvert sur le monde et les néocons qui veulent renouer avec les sombres démons de son passé le débat n'est pas prêt de s'arrêter !
Il aurait vraiment fallu 2 tomes pour raconter cette histoire, car malgré toutes ses qualités je reste ici sur un sentiment d'inachevé ! Un dernier mot sur les graphismes de
Takahashi Hikaru, pour moi inconnu au bataillon, assisté aux couleurs de Wang Peng et Studio9, pour moi eux aussi inconnu aux bataillons : je n'ai pas accroché plus que cela, pourtant ils collent bien au récit et ne sont pas éloignés de ceux des comics "Walking Dead" qui ont bonnes réputation...