Etant personnellement plutôt pessimiste, je m'étonne toujours des initiatives des idéalistes qui posent des actes dans une situation conflictuelle; ils le font même s'ils ont des raisons de croire que leur geste ne "servira à rien". En fait, ils prennent des initiatives conformément à leur conscience et ils jouent le rôle de témoin actif, face à une majorité inactive, indifférente ou hostile.
Emile Shoufani, le célèbre curé de la ville de Nazareth (Israël), fait partie des personnes qui osent se mouiller et aller à contrecourant des tendances majoritaires. Dans un pays marqué par la révolte de l'Intifada, il a été l'inspirateur d'un voyage au camp d'extermination d'Auschwitz, accompli en 2003 par des Arabes de nationalité israélienne. Son idée était simple: si l'on veut la paix, il faut d'abord savoir regarder en face les souffrances de son ennemi, avant de crier vengeance pour les souffrances qu'on a soi-même subies. Et l'étonnant voyage de ces Arabes dans la contrée maudite d'Auschwitz vise à crier à tout un chacun: « Si tu veux la paix, prépare la paix ». "Un Arabe face à Auschwitz" relate la préparation du projet et le périple de ces "pèlerins" très particuliers; il est aussi une réflexion sur les deux cultures, juive et arabe, sur tout ce qui les sépare mais aussi sur ce qui pourrait les rapprocher.
C'est un joli livre, à mettre entre toutes les mains, que j'ai acheté… à Nazareth même, une ville majoritairement arabe. Je trouve très triste que la solution du conflit soit maintenant en train de s'éloigner au lieu de se rapprocher, comme l'avait souhaité
Emile Shoufani. Son courage et son honnêteté personnels sont d'autant plus remarquables, en face des haines qui perdurent sans fin.