Un pas d'envergure dans ma démarche de "délepenisation" de mon esprit par la déconstruction du discours ambiant. Les mythes de "l'insécurité" - grandissante, bien entendu, de "la délinquance qui empire et qui rajeunit", de "la violence gratuite" - préférablement dans les banlieues, évidemment, du "laxisme de la justice" face aux mineurs - multirécidivistes à souhait, sont autant de lieux communs qui appellent des voeux de la vox populi les immortelles recettes de l'extrême droite.
Or, selon les principes habituels de diffusion de ce discours - instrumentalisation politique et surenchère électoraliste, intérêts économiques dissimulés, martellement médiatique du fait divers, usage des peurs collectives plutôt que de la raison - les anticorps sont rares et les réponses malaisées.
Mais l'analyse sociologique sérieuse et scientifique, comme souvent, démonte ce discours et montre des conclusions exactement opposées à celles de la vulgate. On pourrait les résumer en ces quelques points cruciaux.
1. L'augmentation supposée de la délinquance est l'effet statistique d'un processus de judiciarisation : prise en compte de comportements que les réformes pénales successives qualifient comme de nouveaux délits, ou augmentation des plaintes pour des délits autrefois dissimulés (viols, violences conjugales ou maltraitances intrafamiliales, etc.), ou "externalisation" dans le judiciaire de violences autrefois régulées de façon interne (ex. violences à l'école, etc.) ;
2. Contrairement aux apparences, le nombre et la gravité des comportements violents (ex. meurtres, blessures et coups volontaires comportant des ITT) est en baisse depuis une quinzaine d'années de même que les délits qui demeurent les plus fréquents : les vols de voitures, de deux-roues, de téléphones portables, et ce notamment pour des raisons technologiques ;
3. Les politiques de répression policière, notamment la "politique du chiffre", est globalement inefficace tout en présentant des effets de distorsion, par rapport à la ghettoïsation des banlieues et aux interpellations et gardes à vues ("contrôles d'identité" en vue d'expulsion des sans-papiers, petite consommation de cannabis, etc.) ; il en est de même pour la vidéosurveillance, extrêmement coûteuse ;
4. le "paradoxe de Tocqueville" : "Plus un phénomène désagréable diminue, plus ce qui en reste est perçu ou vécu comme insupportable" (cit. de J-C. Chesnais, p. 212) ;
5. L'interpénétration entre le discours de l'insécurité et les autres composantes de la pensée fasciste - amnésie collective, ethnicisation des conflits sociaux, dissimulation des inégalités économiques, intolérance et repérage de boucs émissaires parmi les plus faibles (immigrés, jeunes, malades mentaux, Roms, etc.) - est totalement évidente.
Table :
Ière Partie: Comment politiques et médias construisent l'"insécurité"
Ch Ier - Les mécanismes politiques et médiatiques
Ch. II - La délinquance des mineurs
Ch. III - Immigration et délinquance
2ème Partie: Violences et délinquances en France : tentative de bilan
Ch. Ier - Amnésie collective
Ch. II - Les homicides
Ch. III - Les viols
Ch. IV - Atteintes aux personnes et aux biens
Ch. V - Délinquance des pauvres, délinquance des riches
3ème Partie: Une lecture de l'évolution de la société française
Ch. Ier - de la civilisation à la pacification des moeurs
Ch. II - Pénalisation: quand l'État veut discipliner
Ch. III - Judiciarisation du règlement des conflits
Ch. IV - Compétition pour les biens de consommation
Ch. V - Ghettoïsation: le poids de la ségrégation française
Conclusion: La "guerre à la délinquance", et après ?
Annexe: Comment mesurer la délinquance ?
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Un livre intéressant, mais uniquement à charge contre les opinions issues des idéologies contraires à la sienne. Après avoir expliqué à juste titre que les statistiques disponibles sur le sujet sont très souvent à prendre avec des pincettes et difficiles à interpréter, il tombe souvent dans les travers qu'il dénonce chez les autres, et pour contredire ceux qui veulent toujours voir le verre à moitié plein il ne voit systématiquement que le verre à moitié vide. Il cherche à expliquer que contrairement à ce qu'on peut entendre dans des médias, les violences en France sont plutôt stables ou en baisse. Il m'a semblé assez convainquant pour plusieurs types de violence. Il fait par exemple remarquer que « plus un phénomène désagréable diminue, plus ce qui en reste est perçu ou vécu comme insupportable ». Il conclut en disant (à mon avis avec raison) que les fractures sociales ou ethniques sont des facteurs qui aggravent la violence dans les sociétés. Mais alors, puisque celles-ci ont tendance à augmenter, certaines violences n'augmentent-elles pas également ? Quant à la violence d'état, à la date où le livre est paru (2011) elles pouvaient sans doute être considérées comme étant en baisse, mais c'était avant les répressions violentes des manifestations depuis 2018.
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Un documentaire très intéressant, étayé de chiffres et d'une analyse assez pointu des statistiques sans contexte qu'on nous balance. le travail est rigoureux, et nous permet de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons - et de réaliser que la société n'a jamais été aussi tranquille pour l'être humain !
Certaines données sont un peu plus anciennes (le livre est de 2011), et il aurait été intéressant d'avoir l'avis de l'auteur sur le mouvement MeToo, et les gilets jaunes, tant il me semble que c'est ce qui a drastiquement changé la société en 8 ans. Mais comme j'ai aimé ce livre, je suivrai cet auteur, qui, à mon avis, doit continuer à écrire !
Bref, pour moi ça permet de poser un autre regard sur notre société, et ça a été très enrichissant !
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Interview de Pierre Chaillot, auteur de "Covid19 ce que révèlent les chiffres officiels", Préface de Laurent Mucchielli, Directeur de recherche au CNRS
Postface de Laurent Toubiana, épidémiologiste et chercheur à l'INSERM
« On peut discuter de tout sauf des chiffres » a dit un jour l'ex-ministre de la Santé Olivier Véran.
Après trois ans passés à collecter et à analyser la quasi-totalité des chiffres qui concernent la crise du Covid 19, dans les organismes officiels français et internationaux, le statisticien Pierre Chaillot peut affirmer le contraire : on doit discuter de tout et surtout des chiffres. En particulier de ceux que les responsables politiques et médicaux ont choisis délibérément de ne pas citer car ils risquaient de provoquer l'effondrement du récit officiel.
Pierre Chaillot expose donc dans ce livre le résultat de ses analyses. Les données qu'il cite sont toutes sourcées, ses calculs sont entièrement ouverts à la consultation sur son site et ses hypothèses ont été discutées et revues par des spécialistes (statistiques, informatique, mathématique, épidémiologie). Ses conclusions sont stupéfiantes. Mortalité, hospitalisations, tests, efficacité vaccinale, effets secondaires, rien ne résiste à la confrontation ordonnée de la totalité des chiffres et, devant les yeux du lecteur effaré, la propagande s'écroule.
Pierre Chaillot est statisticien.
Il a souhaité reverser tous les droits issus de la vente de ce livre à la Fondation Où Est Mon Cycle, constituée pour venir en aide aux femmes qui ont subi de graves perturbations hormonales à la suite de la vaccination Covid.
Pierre Chaillot a créé et anime la chaine @Decoderleco
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