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EAN : 9782830915549
109 pages
Labor et Fides (27/08/2014)
4.46/5   56 notes
Résumé :
Dans ce texte mêlant le récit personnel, la méditation et une relecture spirituelle du livre de Job, Marion Muller-Colard donne à entendre la foi comme une audace. De son expérience de pasteur en milieu hospitalier, elle retient la plainte existentielle de patients soudain privés des repères d’un Dieu avec lequel ils croyaient pourtant avoir passé un contrat. Relisant sa propre expérience de la menace au chevet d’un de ses fils gravement malade, elle part en quête d... >Voir plus
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"Si Dieu est tout-puissant et bon, comment peut-il accepter l'existence du mal et de la souffrance ?" Cette grande, grosse question lancinante constitue depuis des millénaires, faute de véritable réponse, une terrible épine dans le pied, voire dans le coeur, des croyances. Elle est même la grande source d'incroyance.
Quand on imagine les générations de théologiens, prophètes, philosophes, mystiques qui se sont penchées sur le problème de toute la force de leurs convictions et de leurs intelligences, à la place de notre auteure, tout un chacun aurait pu être raisonnablement effrayé en s'engageant dans l'approche de cette équation diabolique.

Mais voilà pas de roulements de tambour dans le livre, pas d'arrogance, pas de prétention d'aucune sorte, pas de grande théorie et surtout aucun dogmatisme. Marion Muller-Colard arrive comme sur la pointe des pieds, en tremblant, avec la toute petite centaine de pages de son livre. Et elle nous pose son vécu, son expérience. Elle nous écrit avec une infinie délicatesse et une grande sensibilité ce que la souffrance qu'elle a elle-même endurée, ce que les détresses qu'elle a accompagnées au quotidien comme aumônier d'hôpital, ont fait résonner en elle, ont réussi à forger dans sa spiritualité et sa théologie personnelle. Et ainsi, une espèce de foi de convertie lui fait vouloir partager ses expériences et ses réflexions dans l'espoir de nous aider un tant soit peu à surmonter nos malheurs et surtout à ne pas nous tromper de combat dans nos épreuves.

En effet, la plus grande partie de l'ouvrage est consacrée à démolir nos croyances naturelles magiques, nos "enclos", qui nous fourvoient et nous abattent, parce qu'elles ne résistent pas à cette équation impossible.
Or, l'auteure semble nous dire qu'au bout du compte, cette problématique elle-même n'a probablement pas de sens parce que notre image de Dieu est fausse. Il n'est pas le grand magicien, le grand juge ou autres représentations qui nous encombrent. Elle nous dit donc de nous tourner vers "l'Autre Dieu", celui que nous ne connaissons pas, que nous n'appréhendons pas, qui est en dehors de la plupart de nos fois. Évidemment, elle ose à peine nous dire où regarder, qui est ce Tout-Autre que presqu'ontologiquement on ne peut concevoir par nous-mêmes. Et elle nous rappelle que nous sommes pollués systématiquement et presque en permanence par nos penchants superstitieux. Alors, elle glisse très précautionneusement sa réponse très personnelle, au fond quasi-mystique, issue de son expérience, et qui trouve écho avec l'expérience de Job, dont elle est une spécialiste, et dont l'histoire constitue le grand livre de la Bible sur le problème du mal.

Ce sont cette authenticité, cette sensibilité, ce vécu fort qui crédibilisent terriblement son propos et laissent penser qu'elle a touché une part d'essentiel voire peut-être de vérité. Ainsi, sur de tels sujets, avec lesquels l'humanité – dont chacun de nous évidemment – se débat en permanence, ce livre constitue, à mon sens, une de ces petites lumières dont on a du mal à faire l'économie sur nos petites routes humaines souvent bien sombres. J'ai beaucoup aimé !
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J'ai déjà lu plusieurs livres de Marion Muller-Colard, qui concernent la spiritualité pratique, celle qu'il est possible de méditer et de mettre en action au jour le jour. Tous sont courts, mais ils ne sont pas "petits" car ils nous aident à monter une marche dans notre humanité hésitante ou souffrante.
Celui-ci me semble précieux. Il se centre sur le Livre de Job dans l'Ancien Testament, qui pose le problème de la responsabilité de Dieu dans le Mal. Job est un "juste" très pieux, qui se retrouve dépossédé de toutes ses richesses et accablé d'un ulcère, à la suite d'une sorte de "pari" entre le Seigneur (Yahweh) et l'Adversaire (Satan). Tout le monde connait l'image de cet homme qui, sur son tas de fumier, se refuse à maudire Dieu. A dire vrai, le texte intégral dans la Bible me parait un peu fastidieux, mais Marion Muller-Colard en communique l'essentiel dans son propre livre. de plus, à sa manière discrète, l'auteure fait aussi référence à sa souffrance de mère, dont le fils est passé très près de la mort, alors qu'il était presque nouveau-né: elle nous fait comprendre à demi-mots que cette épreuve l'a conduite à une sévère dépression – une "dépression métaphysique", dont elle s'est relevée difficilement. Toujours proche de son expérience vécue, elle la met en relation avec le destin de Job.
L'homme a un puissant besoin de comprendre et d'être protégé. C'est la motivation du "contrat" qu'il passe avec Dieu: c'est du donnant-donnant. Et si un malheur frappe une personne, ce serait nécessairement parce qu'elle aurait fait une faute grave, pour laquelle elle doit être punie. Sinon, la justice divine serait-elle injuste ? mais... Dieu peut-il être injuste ? L'auteure dénonce ce type de problématique. Ayant médité sur cette question cruciale, elle finit par écrire: « Rien n'est injuste, car cela voudrait dire que quelque chose est juste » (p. 74). Et personnellement j'oserai ajouter: rien n'est juste, non plus, car cela voudrait dire que quelque chose est injuste. « Les voies du Seigneur sont impénétrables », disent certains. Marion Muller-Colard, qui se considère d'une certaine manière comme une « agnostique », préfère écrire: « Je sonde, chaque jour un peu plus, à quel point je n'ai pas la connaissance de ce Dieu en qui je crois » (p. 44) D'ailleurs, si je reviens maintenant au texte originel dans la Bible, je lis que Dieu demande directement à Job s'il comprend ce que c'est d'être Dieu ! Que peut répondre Job, si ce n'est reconnaitre son ignorance (et confesser sa soumission) ?
Au lieu de marchander comme un boutiquier, au lieu de raisonner comme si la vie humaine répondait à une logique stricte et basique, au lieu de se demander « pourquoi ? », il vaudrait mieux se poser une question toute différente: « pour quoi ? » (en deux mots), qui ouvre un nouvel horizon au lieu de le borner. L'Evangile suggère cette attitude. La souffrance physique ou morale n'est pas une fin, elle n'est ni juste ni injuste, et c'est surtout une occasion offerte pour "rebondir", si on peut. Ici, l'auteure s'appuie aussi sur sa douloureuse expérience personnelle: le moment intense où, au chevet de son fils près d'achever sa jeune vie, elle découvre en elle « la fulgurante acceptation qu'il puisse mourir », ce qui « était peut-être la première véritable prière de [s]a vie ». (p. 82)
Naturellement, l'homme – croyant ou non – a toujours eu et aura toujours les plus grandes difficultés à accepter les épreuves qu'il traverse. La réflexion de Marion Muller-Colard sur ce sujet grave fait du bien, mais rien ne me garantit que je peux la mettre en pratique au moment décisif: ça passe ou ça casse...
En tout cas ceci est un beau livre à lire, et surtout à relire à tête reposée. Je profite de cette occasion pour signaler le livre à la fois très sombre et très lumineux de Lytta Basset, intitulé "Ce lien qui ne meurt jamais", abordant exactement le même thème.
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Quel sens a la prière ? est elle seulement la projection d'un désir d'apaisement ? . La théologienne, elle même, interroge son approche de Dieu face à la maladie de son bébé . A l'exemple de Job, qu'elle cite abondament, elle entrevoit le passage d'une prière basée sur l'échange à une dimension de désir et de gratuité . Texte dense, enraciné dans l'expérience, non sans humour, Marion Muller Colard puise dans la Bible ce qui fait source et qui libère . Une méditation de grande qualité .
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Ce livre est le fruit de la méditation sur le livre de Job d'une femme pasteure et aumônière d'hôpital. Il traite du Dieu caché derrière le Dieu avec lequel nous négocions notre sécurité quotidienne : Job a été dépouillé malgré sa foi et son obéissance à la loi, et c'est d'avoir accepté son dépouillement qui lui a permis d'ôter la "peau" du vieux Dieu contractuel pour obtenir "la grâce" : l'acceptation du Dieu qui ne nous rémunère pas pour notre obéissance, mais renouvelle encore et toujours le miracle de la vie.
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C'est une relecture de cette théologienne que j'apprécie beaucoup. Elle a été aumônier en hôpital avant de se consacrer à l'écriture.

Cet essai est à la fois un témoignage, celui d'une mère qui a été sur le point de perdre son enfant mais aussi celui d'une théologienne qui s'interroge sur son image de Dieu. Elle prend appui sur le livre biblique de job qui pose la question de l'injustice des épreuves de vie que nous vivons.

Ce qui est très appréciable est que l'auteure prend le temps de développer sa pensée à travers trois étapes : la Plainte, la Menace et la Grâce. Elle nous achemine petit à petit vers cette découverte : croire en l'Autre Dieu, c'est tout simplement être dans la reconnaissance pour chaque vie, la nôtre ou celle d'un autre. L'Autre Dieu c'est celui qui n'est pas le dieu juge qui nous punirait par une épreuve ou le dieu pervers qui ne serait bon avec nous que si nous le sommes avec lui.

La théologienne inscrit son discours théologique dans sa propre expérience spirituelle authentique ce qui fait toute la force de persuasion de son image de Dieu.

Un ouvrage à conseiller à tous ceux qui ont le sentiment que la vie est injuste avec eux, que Dieu est responsable des épreuves de leur vie.
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Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
La réponse de Dieu à Job transcende toute théologie. Nombreux sont les théologiens déçus qui estiment que Dieu répond à côté. Mais n'est-ce pas précisément pour nous entraîner ailleurs que là où nos questions nous font stagner ?
Elle ne dit rien de ce qu'il faut penser du mal, elle laisse vacante la réponse à cette immense question qui nous obsède non sans raison. Elle n'est pas une explication, encore moins une justification. Elle est la plus belle invitation que j'ai jamais reçue. Cette invitation à revisiter, avec le Créateur, les fondements inébranlables de la Création. (p. 85)
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Je ne sais pas comment Dieu s'arrange avec mes petits arrangements. Je crois simplement entendre, dans le livre de Job, la supplication muette d'un Dieu qui cherche un homme pour le sauver. Le sauver de la relation contractuelle dans laquelle la religion le ligote si souvent.
En Job, Dieu cherche l'homme qui croit en lui pour rien, comme le dit perfidement le Satan. Et à la fin d’un long chemin, il trouve un homme qui croit en lui pour tout. (p. 101)
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Fâchée avec mon Dieu imaginaire qui avait rompu sans préavis mon contrat inconscient de protection, je manquais de secours spirituel. Je ne trouvais pas de prière qui puisse être autre chose qu’une immense contradiction, une négociation régressive avec la peau morte d’un Dieu qui ne tenait pas.

Pourtant, lorsque je caressais, du bout des doigts, le visage bleu et enflé de cet enfant presque étranger, dans le roulis devenu rassurant de l’oxygène qui lui parvenait machinalement, j’étais parfois saisie par une sérénité démente. Il arrive que l’impuissance ouvre sur des paysages singuliers.
La détresse m’avait dilatée et, en quelque sorte, elle avait élargi ma surface d’échange avec la vie. Et près de ce petit corps, se superposait à ma supplication muette pour qu’il vive, la conviction profonde que, ‘quoi qu’il arrive’, ce qui était incroyable et sublime, c’était qu’il fût né. Et que cela, jamais, ne pourrait être retiré à quiconque. Ni à lui, ni à moi, ni au monde, ni à l’histoire.

Je mis du temps à comprendre que cette clairvoyance fulgurante était peut-être la première véritable prière de ma vie.
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« Je ne juge personne », dit Jésus, parce qu’il sait combien profondes sont nos ténèbres et terrifiante cette vie crue à laquelle nous sommes nés. Il sait aussi que nous avons plus d’aptitude à consolider nos malheurs qu’à les consoler. Il sait que les enclos fermés de nos systèmes nous projettent plus loin dans nos enfers que le malheur lui-même, que nous sommes la seule espèce vivante qui double sa peine à se sentir maudit en plus que d’être malade. Il sait – et n’est-il pas d’ailleurs venu pour cela ? – que les significations perverses que nous donnerons aux événements nous feront plonger en désespoir plus sûrement que les événements eux-mêmes. Il sait notre faculté à nous mettre au ban, à ployer sur le regard imaginaire d’un Dieu totalitaire. Il connaît nos incompressibles relents de religiosité, notre compréhension pathétiquement binaire et notre quête folle d’un coupable.
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La grande vieillesse est souvent une disgrâce qui s'étire nonchalamment jusqu'à la mort sans se presser - c'est bien ce qu'on lui reproche. Si l'on a réussi l'exploit de rallonger la vie, ce n'est décidément pas par son bon bout. On en vient à gaver d'existence des hommes et des femmes qui ont atteint depuis plusieurs années leur seuil de satiété. On n'imagine pas la peine qu'il y a à vivre sans appétit. La très ancienne bénédiction biblique, qui reposa finalement sur Job après bien des tourments - mourir 'rassasié de jours' -, a viré au supplice. Il faudrait pouvoir mourir en sortant de table, après avoir rendu grâce. Au lieu de quoi on nous ligote à notre chaise et nous voilà punis, condamnés à rester à la table d'un interminable repas. Si bon qu'il fût, on est écœuré à la seule vue des restes.
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