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EAN : 9782072746598
208 pages
Gallimard (18/01/2018)
3.7/5   15 notes
Résumé :
Qu'ont en commun Marine Le Pen, Donald Trump, Viktor Orban, Beppe Grillo, tous régulièrement qualifiés de populistes ?
Cette accusation est aujourd'hui utilisée à tort et à travers, contre les adeptes de la démagogie et de la violence verbale, mais aussi parfois simplement pour discréditer un adversaire.
La critique des élites suffit-elle à définir le populisme ? Le populisme a-t-il une couleur politique ? Doit-on exclure les populistes du débat démo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Je remercie notre ami "frconstant" sur Babelio pour la découverte de ce livre et son billet, car quoique l'on puisse finalement retenir comme définition, le populisme moderne constitue un phénomène qui me turlupine et m'angoisse, puisqu'il fausse dans une inquiétante mesure les règles habituelles en démocratie.

Contrairement aux politiciens traditionnels, qui défendent le programme de leur parti politique, le populiste se démarque par sa concentration sur la partie de la population la plus facile à manipuler, par de belles paroles (souvent en l'air), de promesses mirobolantes qu'il sait ne pouvoir tenir et un langage cru, pour ne pas dire parfois vulgaire. le petit rigolo qui est à l'heure actuelle ministre de l'Intérieur en Italie, Matteo Salvini, en est un exemple caricatural. Cet homme semble voler d'une scène de show télévisé - dont les Italiens ont le secret - à un autre, accompagné de belles présentatrices ou d'anciennes miss comme Elisa Isoardi. Si son intérêt personnel y est incontestablement évident, celui du "popolo" qu'il affirme représenter nettement moins.

Dommage qu'il faut du temps pour démontrer noir sur blanc les torts de ces énergumènes qui sacrifient l'intérêt de leur peuple à des succès de gloire personnelle le plus souvent d'ailleurs sans lendemain ou de courte durée.

Les articles de presse intégralement faux, dans une certaine presse populaire britannique (les "tabloïds"), au moment du référendum sur le Brexit en 2016, constituent d'autres exemples dangereux de populisme moderne. La promesse que la contribution du Royaume-Uni au budget européen serait consacrée intégralement au service de la santé britannique, a sûrement persuadé maints vieux retraités - en toute confiance - de voter pour l'exit, or il s'agissait d'un mensonge cyniquement fabriqué par des députés peu sérieux comme Nigel Farage du parti UKIP ("UK Independence Party").

Trouver une définition du populisme acceptable pour tout le monde me semble exclu. Je ne crois pas non plus qu'il soit absolument indispensable d'en trouver une. Personnellement, je pense qu'il est plus utile de chercher les traits spécifiques et communs aux personnages et mouvements politiques considérés comme populistes.

1) Une première caractéristique consiste à défendre une idée dont on sait qu'elle est populaire parmi une large partie de la population : soit "l'invasion" des étrangers qui mettent en péril nos conquis sociaux, soit les riches qui exportent une partie de leur richesse vers les paradis fiscaux. En Europe, c'est avant tout un populisme de droite qui menace le jeu démocratique, contrairement à l'Amérique latine, le Venezuela par exemple, où Hugo Chávez a défendu un populisme de gauche, jusqu'à sa mort d'un cancer il y a 6 ans.

2) Un souci frénétique de retrouver son nom dans la presse et de vivre quasiment en permanence en campagne électorale. C'est le cas de Salvini qui trimballe des journalistes partout et des fanatiques des réseaux sociaux qui passent leur temps à nous bombarder de messages visant combien efficaces ils sont. Trump en est le champion mondial et chez nous il y a l'ancien secrétaire d'État à l'asile et la migration, l'honorable Theo Francken qui apparemment passait plus de temps à rédiger des messages-pubs sans importance sur Twitter qu'à faire son boulot.

3) Une manie de lancer à tout bout de champ des ballons d'essai, critique pour un parti politique qu'il soit dans la coalition gouvernementale ou dans l'opposition ou dirigé contre l'une ou l'autre personnalité politique, et de jouir - après coup - des réactions dans la presse. Une spécialité du président de la Nouvelle Alliance flamande de Wever.

4) Sortir un bouquin 3 semaines avant les élections qui n'a, officiellement bien entendu, rien à voir avec ces élections, comme le même de Wever à propos de sa theorie de l'identité, avant-hier, le 3 mai dernier.

5) Essayer de mobiliser tout un pays contre un ennemi de son propre choix, quand bien même si cet "ennnemi" est à l'origine d'avantages pour une catégorie de ses concitoyens. C'est ce qui se passe en Hongrie avec les étudiants victimes de l'animosité pour des raisons obscures d'Orbán pour George Soros, financier de l'Université d'Europe Centrale à Budapest. En fait, ce que Jan-Werner Müller voit comme un aspect déterminant d'un parti populiste : "leur revendication morale d'un monopole de la représentation".

6) Une tendance à vouloir récupérer politiquement certaines manifestations ou actions spontanées de la base, comme Marine le Pen avec les gilets jaunes, qui en sont, entretemps, à leur XXVe acte.

7) Une attitude franchement hostile à l'égard de l'Union européenne pour des motifs divers : soit pour élargir les compétences régionales, voire locales, (les leurs) au détriment d'une communauté qui a assuré la paix depuis plus de 60 ans dans l'ensemble du continent et seule capable de défendre nos intérêts face aux grandes puissances comme les États-Unis de Trump, la Chine de Xi Jimping et la Russie de Poutine, soit par pur opportunisme. Feu, l'ancien populiste de droite autrichien, Jörg Haider, en était un parfait exemple avant sa mort violente à bord de sa bagnole, sous l'emprise d'alcools et roulant à une vitesse meurtrière (142 km/h ou plus du double de celle permise) en 2008. En dépit de nombreux scandales liés à son nom, son parti FPÖ (Parti de la liberté) fait toujours partie de la coalition gouvernementale à Vienne.

Ma liste n'est pas exhaustive et il existe sûrement d'autres caractéristiques que je n'ai pas mentionnées ici et que vous pourrez ajouter.

C'est surtout le point 7 qui m'inquiète sérieusement lors des élections européennes à la fin du mois. Outre le danger qui vient des mouvements populistes, principalement de la droite et l'extrême droite, il y a la politique des nouveaux États-membres d'Europe centrale, comme la Hongrie, la Pologne et la République tchèque... qui préconisent certaines mesures guère compatibles avec les principes fondamentaux de l'UE en matière de droits humains et de justice notamment. le rétrograde Jaroslaw Kaczyński en Pologne en est un "bel" exemple. Quoiqu'en Occident il restent des showmen dangereux comme Geert Wilders aux Pays-Bas et Filip Dewinter de l'extrême droite flamande (Vlaams Belang maintenant, Vlaams Blok avant), qui oeuvrent pour l'indépendance des Flandres et que la majorité des Belges rejettent.

Comme l'a noté le grand sociologue germano-britannique et commissaire européen, Ralf Dahrendorf (1929-2009) : "Le populisme est simple, la démocratie, elle, étant complexe". (page 35). C'est ce qui explique malheureusement pour une large part son succès !
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Qu'est-ce que le populisme? Cette question, cruciale pour notre temps, Jan-Werner Müller se la pose avec discernement. Refusant de mettre sous cette étiquette tout et n'importe quoi, il balise la réflexion, montre combien le concept de populisme peut être ambigu, signifiant parfois, selon le continent où l'on observe, des attitudes diamétralement opposées.

Salutaire donc ce petit essai, abordable dans sa lecture, qui nous rappelle la précarité d'un raisonnement qui désigne l'autre - et souvent le réduit - à un mot sans prendre le temps de définir ce dernier et d'en établir les caractéristiques.

Le danger du populisme, notamment dans son refus de toute opposition, réside dans ce droit exclusif de penser et de décider pour le peuple, droit que son leader, souvent auto-proclamé, ne reconnaît qu'à lui-même.

La perversion du système populiste est là. Dans cette non reconnaissance de la pluralité des idées, des points de vue et des intérêts de chacun. Là où la démocratie en appelle au compromis raisonnable, le populisme impose la pensée unique au peuple. Et puisque, par croyance, le peuple pense unanimement la même chose (le syndrôme des majorités silencieuses est même ici dépassé), le peuple n'a plus à être consulté! Son leader est sensé être apte à décider seul ce qui est bon ou non pour ce peuple qui ne penserait et ne parlerait que d'une seule et même voix.

A l'heure où plusieurs pays dits démocratiques basculent dans les extrémismes, il est urgent de lire l'essai de Jan-Werner Müller et de se construire une grille de lectures des événements politiques et des déclarations des uns et des autres. Ne laissons pas le populisme nous déposséder de la gestion de nos démocraties qui, même malades parfois, valent mieux que les manipulations de la dignité humaine qu'exerce le populiste dans nos états.

A lire, réfléchir afin de se construire un cadre critique de réflexion politique!
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Le populisme ne peut être rattaché à des électeurs bien particuliers, à des profils sociologiques bien déterminés ou à un certain "style politique" [...] Les populistes ne sont pas seulement hostiles aux élites, ils sont aussi fondamentalement anti-pluralistes. [...] Mais le populisme montre une logique interne spécifique et identifiable: nous - et seulement nous - représentons le peuple véritable. Et leurs distinctions politiques se ramènent inéluctablement à une distinction binaire, à caractère moral, entre le vrai ou le faux. Le populisme est synonyme de polarisation.
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Les populistes conçoivent le rapport de représentation comme un mandat impératif: la volonté clairement identifiable du peuple doit tout simplement, et elle seule, être mise en application.[...] (Or,) une telle volonté unique du peuple n'existe pas. Pour les populistes, la représentation du peuple est symbolique. Le véritable peuple doit au préalable être extrait de la totalité empirique des citoyens. Ce qui signifie, par exemples,que 'seuls les travailleurs du cru, seuls les chrétiens-nationaux... sont le peuple authentique. Les populistes jouent systématiquement cette construction symbolique du 'peuple' contre les institutions existantes.
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" Tout pour mes amis ; pour mes ennemis , la loi. "

Traduction d'une expression anglaise - valable pour monsieur Erdoğan par exemple - " Everything for my friends ; for my enemies, the law ! "

(page 91).
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(...) une "attitude anti-establishment" ne suffit pas à définir correctement le populisme. A l'anti-élitisme doit encore s'ajouter un anti-pluralisme. La revendication fondamentale de tous les populistes consiste à affirmer constamment ceci, à peu de choses près : "Nous - et seulement nous - représentons le peuple véritable."

Ch.1 - "Le populisme, en théorie..."
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" Tout pouvoir vient du peuple. Mais où va-t-il ? "

Bertolt Brecht : "Trois paragraphes de la Constitution de Weimar", dans "Poèmes" tome III (1930-1939), L'Arche 1966.

(page 81).
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