Thanatos est le troisième volet des Monologues sur le plaisir, la lassitude et la mort, après Ecstasy et Melancholia. Il n'est cependant pas nécessaire d'avoir lu les deux premiers opus pour apprécier.
Nous suivons ici Reiko, "l'actrice" réfugiée et/ou exilée à Paris, qui après avoir subi un dernier rejet de la part de son Maître, Yazaki, décide de tout plaquer pour partir sur l'île de Cuba.
Elle s'appuie alors sur un Japonais, appelé par la douane cubaine comme interprète (Reiko ne parle pas un mot d'espagnol), spectateur et victime tout à la fois de la descente aux enfers de cette femme fascinante, hypnotisante, dangereuse certainement, mais aussi une soumise (une esclave comme disent les anglo-saxons) sans réelle substance. Un "trou noir", comme disait le Maître.
Et nous assistons ainsi à un monologue à deux, haletant, prenant, avec des phrases extrêmement étirées, car elle s'accroche enfin à ses souvenirs comme à une dernière étincelle de raison (de vie ?), cet opus nous racontant à la fois la déchéance de cette femme et l'histoire du trio Yazaki-Keiko-Reiko, avant Ecstasy.
C'est aussi une réflexion et presque un essai sur ce qui fait le moi, sur le sens de la vie, de l'existence, et du plaisir, agrémenté des réflexions parfois hasardeuses mais toujours bien senties de Yazaki sur le monde, c'est-à-dire en vérité sur tout sujet qui lui viendrait à l'esprit.
Comme tous les Murakami, il secoue, on ne peut pourtant pas le lâcher. Cette troisième immersion dans le monde du sadomasochisme n'a pas pour fonction de satisfaire les fascinés du glauque et de l'horreur, mais bien de bousculer nos préjugés et de nous obliger à nous interroger sur nous-mêmes et notre rapport à l'autre. Une lecture salutaire.
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Décousu, avec un manque de rythme et beaucoup de confusion dans les propos. Il y a parfois quelques bonnes idées ou intuitions concernant la psychologie humaine mais celles-ci demeurent vagues, peu étayées et malheureusement assez vulgairement généralisées.
L'enjeu de base, entrer dans la psyché humaine lorsqu'elle est dominée par la pulsion de mort et s'exprimer dans une vie d'autodestruction (par le sexe), est plutôt ambitieux. Malheureusement, la manière dont le sujet est traité manque cruellement de subtilité et de finesse et on tombe dans un cliché pathétique.
L'écriture, confuse et déconcertante, est un reflet de la folie du personnage par lequel la narration se focalise. Encore une fois, l'idée est justifiée mais le résultat est frustrant.
Un livre frustrant qui s'est avéré être une déception pour moi.
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M'a donné envie d'aller à Cuba.
Intéressante tentative d'aborder un genre de folie, qui fuit dans le sexe, la souffrance, l'illusion, les paysages de la vie, un discours maîtrisé ou un free style qu'on parvient à retenir avec une certaine force comme un cheval qui se cabre... Toute cette histoire n'est qu'illusion, à travers les couleurs, les sons, les odeurs, les sens de Cuba, du Japon, et des touches du reste.
M'a donné envie d'aller à Cuba, oui.
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j'ai besoin de quelque chose pour supporter [ma haine], et ce quelque chose, je l'appelle tout simplement la beauté, j'ai besoin de quelque chose de beau susceptible de congeler ma haine, mais c'est stupide parce que la beauté n'existe pas, de façon éphémère peut-être, mais elle ne peut exister qu'au sein de la menace de sa propre destruction, dès qu'elle acquiert une stabilité elle disparaît
" Y a t-il quelque chose de plus terrible que de comprendre qu'on ne vaut rien ?" demanda t-elle. "Tu ne vaux rien, ça c'est bien vrai, dit Yazaki, Moi non plus, personne ne vaut rien, tout le monde est remplaçable, personne ne peux rien pour personne, et si l'on croit pouvoir prendre cela comme point de départ, on n'ira nulle part, il n'y a rien de plus mesquin que de se fixer pour but de valoir un jour quelque chose pour quelqu'un, sans compter que c'est inutile, il n'existe personne qui puisse se dire nécessaire à quelqu'un d'autre."
Puis il ajouta pour terminer : "Et c'est pour cela que nous sommes libres."
Ils me voulaient en tant qu'être spécifique et stable. Alors nous nous découvrions mutuellement, ils m'obligeaient à me formater en un moi déterminé, en dehors duquel il n'était pas possible que je sois moi. Ils me disaient tu, toi. Et il fallait que ce toi soit différent de tous les autres. Et moi, je leur disais moi. Quand je leur disais moi, il fallait que je définisse qui j'étais. Et une fois que ce moi était fixé, je ne pouvais plus en changer.
qui donc a inventé le langage ? pour la chasse ou pour se chauffer autour du feu, il n'y a pas besoin de mots, alors qui est-ce ? moi je dis que ce sont les condamnés à mort et les esclaves, ou les infirmes de naissance qui ne pouvaient pas aller à la chasse, il leur fallait une justification, une excuse, il fallait qu'ils s'expliquent, ils avaient besoin de donner une explication pour échapper à la mort, c'est eux qui sont à l'origine du langage, c'est ça l'origine des contes, des monogatari, le langage, ça vient des masochistes, les sadiques, eux, ils foutent des bâtons de rouge à lèvres dans le cul en rigolant, ils se branlent en se fendant la gueule, c'est tout
-Il n'y a aucune possibilité que vous changiez, car vous ne pouvez vivre avec personne, ni humain, ni animal, ni plante, ni microbe, vous ne pouvez rien comprendre du monde extérieur, et il ne vous intéresse pas, n'est-ce pas vrai ?
-Si c'est ça , dit l'actrice au bout d'un moment en relevant la tête. Puisque je suis une actrice.
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