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Jacques Lalloz (Traducteur)
EAN : 9782877302616
266 pages
Editions Philippe Picquier (31/03/1996)
3.28/5   32 notes
Résumé :
Pas de scènes d'une torride vulgarité mais une bonne dose de rire. Subuyan et ses acolytes, véritables "pornographes" professionnels veillent à la santé de milliers de clients, en écoulant pour le bien de l'humanité photos, objets et films pornographiques...
Dans le Tokyo de l'après-guerre, une folle succession d'épisodes picaresques illustre la défense d'un " humanisme " à la japonaise : une bande de compères tranquilles se fait " missionnaire du sexe " et t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
(Critique commune du roman de Nosaka Akiyuki et de son adaptation cinématographique par Shôhei Imamura.)

NOUVEAU DOUBLÉ



Nouvelle occasion, après Narayama, de livrer une double chronique associant un roman et un film japonais – et le hasard veut que cela soit à nouveau avec un métrage signé Imamura Shôhei, bizarrement devenu le réalisateur japonais dont j'ai le plus parlé sur ce blog interlope… et ceci alors que je connais en fait très mal son oeuvre, j'aurai l'occasion d'y revenir.



Un film d'Imamura, donc – mais d'abord un roman signé Nosaka Akiyuki, Les Pornographes, que j'avais lu il y a très longtemps de cela, disons une quinzaine d'années, et que j'ai relu tout récemment avec un immense plaisir. Mine de rien, ce livre a sans doute compté pour moi, parce qu'il a fait partie de ceux qui m'ont fait m'intéresser à la littérature japonaise contemporaine – après sans doute quelques Ogawa Yôko, et d'abord le Musée du silence, et sans doute quelques ouvrages déjà considérés comme étant des classiques, notamment le Pavillon d'or de Mishima Yukio, roman cela dit à peine antérieur à celui de Nosaka – et Mishima aura son mot à dire dans notre histoire. Cela dit, sans vraie surprise j'imagine, ce n'était pas ma première lecture de Nosaka : j'en avais d'abord lu (forcément ?) La Tombe des lucioles, récit peu ou prou autobiographique qui a débouché, bien sûr, sur le chef-d'oeuvre animé de Takahata Isao, Le Tombeau des lucioles. Expérience des plus convaincante, mais qui appelait à davantage de développements, par exemple avec Les Pornographes, de peu antérieur, premier roman de l'auteur – absolument tout autre chose, et, bizarrement, peut-être un effet plus percutant encore…



Et Imamura ? À l'époque, je n'en connaissais probablement rien – même si je n'ai guère tardé, à vue de nez, à voir La Ballade de Narayama, et un peu plus tard L'Anguille, soit ses deux palmes d'or. Je n'avais en tout cas pas idée qu'il avait réalisé une adaptation du roman de Nosaka ! Il faut dire que je ne suis pas certain que le film ait été connu voire même simplement diffusé en France alors – peut-être, je n'en sais rien.



Mais l'occasion était trop belle, le moment tout trouvé : j'ai relu le roman de Nosaka, j'ai découvert le film d'Imamura, et je me suis régalé dans les deux cas.



NOSAKA ET IMAMURA SUR LE MOMENT



Il faut sans doute replacer les deux oeuvres dans leur contexte – en notant d'emblée que le film d'Imamura (1966) sort trois ans seulement après le roman de Nosaka (1963), alors un best-seller avec un succès de scandale sur lequel il s'agissait de surfer.



La vie de Nosaka Akiyuki a été notoirement tumultueuse. Passé les expériences traumatisantes de la guerre, de l'immédiat après-guerre fait de larcins et de combines, et du centre de redressement, il avait été « retrouvé » par son père (qui l'avait très tôt confié à une famille adoptive – pour l'anecdote, la mère naturelle de Nosaka était morte quand il était enfant, et c'était pourquoi son père l'avait confié à une autre famille : la femme qui meurt au début de la Tombe des lucioles est sa mère adoptive) ; ledit père si longtemps absent avait voulu arranger les choses, en tirant le jeune Akiyuki de la rue pour l'inscrire à l'université, mais l'expérience n'a guère duré, le jeune homme ayant la bougeotte et lâchant les études pour enchaîner les petits boulots sans lendemain. Vers le milieu des années 1950, cependant, il songe à devenir écrivain – c'est qu'il a des choses à écrire… Cependant, son premier roman ne paraît qu'en 1963, et il s'agit donc de Les Pornographes. Après un démarrage sauf erreur assez discret, le roman connaît un engouement marqué qui doit beaucoup au succès de scandale – après du moins qu'il a bénéficié d'un soutien conséquent : l'approbation enthousiaste de Mishima Yukio. le grand auteur a des mots parfaits pour qualifier le premier livre de Nosaka : « Voilà un roman qui épouvantera le monde. C'est un roman affreusement, impitoyablement insolent, qui plus est enjoué comme un ciel de midi au-dessus d'un dépotoir... » La carrière littéraire de Nosaka connaît ainsi le meilleur départ, après quoi l'auteur livrera d'autres oeuvres notables, dont La Tombe des lucioles en 1967, et, semble-t-il la même année, La Vigne des morts sur le col des dieux décharnés. Ceci étant, cette carrière est au fond assez brève – car Nosaka a toujours la bougeotte, et multipliera encore ensuite les expériences les plus diverses, parolier (notamment pour des chansons enfantines ?) aussi bien que sénateur.



Et Imamura ? Issu d'un milieu assez bourgeois, il n'est pourtant pas si éloigné de l'auteur, peut-être : le futur réalisateur, indécis quant à son avenir au lendemain de la guerre, a ainsi que l'écrivain fréquenté des milieux un peu interlopes (il y reviendra régulièrement dans son oeuvre, en fait – et, préparant le Pornographe, par exemple, il assiste à quelques tournages orchestrés par des yakuzas...), et fait des petits boulots. On dit qu'il a enfin choisi de devenir cinéaste en voyant L'Ange ivre, de Kurosawa Akira, dont il apprécie l'exactitude de la peinture de ce milieu mal fréquenté qui était alors le sien. Quoi qu'il en soit, il ne tarde alors plus guère à devenir réalisateur, associé d'abord à la Shôchiku, où il fait office d'assistant pour Ozu Yasujirô (dont il n'aime pas le style, et il dit n'en avoir jamais été influencé…), puis à la Nikkatsu, et il livre alors plusieurs films qui attirent l'attention. Mais il a des manières d'électron libre, et une prédilection pour les thèmes passablement scabreux… Il réalise bien quelques films de commande, expérience qui l'agace au plus haut point, mais entame aussi une carrière bien plus personnelle, avec surtout le grinçant Cochons et cuirassés, puis La Femme insecte – des oeuvres dont la Nikkatsu ne sait pas forcément que faire (le premier la choque et Imamura en est même sanctionné), même si le succès, critique et/ou commercial, est là (et commence à pointer à l'international, en dépit d'un éventuel charcutage). Il semblerait que le studio ait en fait dérivé plus spécialement du second la recette du pinku eiga, ces films érotiques soft qui généreront bientôt l'essentiel de ces revenus... Ce qui agace à nouveau Imamura, comme de juste, qui n'avait certainement pas cette postérité en tête, lui qui exècre les « formules ». Il a besoin de davantage de liberté, et c'est pourquoi il fonde sa propre compagnie de production, même sans totalement rompre avec la Nikkatsu (pour la distribution, sauf erreur) : c'est dans ces conditions que sort en 1966 le Pornographe (introduction à l'anthropologie), adaptation d'un roman récent à succès, donc, mais aussi film qui raille le principe même des films d'exploitation tournés à la chaîne… C'est donc le premier film véritablement indépendant d'Imamura, et un moment clef de sa carrière.



Ici, une précision personnelle : ça ressort peut-être de ces lignes guère assurées, d'ailleurs, mais je ne connaissais rien de la carrière d'Imamura à cette époque avant de voir le présent film. J'ai l'impression que l'on peut distinguer trois périodes dans les oeuvres du cinéaste : la première va de ses débuts à l'échec coûtant de Profonds désirs des dieux (1968) ; suit une décennie, en gros, où Imamura se consacre au cinéma documentaire (avec comme pierre de touche L'Histoire du Japon d'après-guerre racontée par une hôtesse de bar, en 1970) ; puis, à partir de la Vengeance est à moi (1979), il revient au cinéma de fiction (même avec une touche documentaire prononcée, à l'évidence), et cette dernière partie de son oeuvre correspondra à la véritable reconnaissance internationale, avec notamment les deux palmes d'or pour La Ballade de Narayama (1983) et L'Anguille (1997), d'autres films attirant cependant l'attention, comme Eijanaika (1981), Pluie noire (1989) ou son ultime long-métrage, de l'eau tiède sous un pont rouge (2001). le peu que je connaissais d'Imamura correspondait toujours à cette dernière période – je n'avais jamais vu de film du réalisateur antérieur à La Vengeance est à moi. le Pornographe, c'est donc tout autre chose – et véritablement une découverte, en ce qui me concerne ; mais peut-être aussi un moyen de peser davantage le rattachement éventuel du cinéaste à la « Nouvelle Vague Japonaise » (avec notamment un autre trublion, Oshima Nagisa), et d'envisager d'un autre oeil la dimension « documentaire » de ces premiers films, mettant régulièrement en avant l'assimilation des hommes aux animaux (un thème qui reviendra de manière frontale, tout particulièrement dans La Ballade de Narayama), et le vernis « scientifique » des oeuvres (entomologie dans La Femme insecte, anthropologie ici – ce qui reviendra semble-t-il aussi dans Profonds Désirs des dieux, et très certainement là encore dans La Ballade de Narayama). Noter cependant que le beau noir et blanc du Pornographe autorise déjà de très beaux plans, et d'une réalisation régulièrement virtuose, témoignant du sens du cadre ou encore du travelling.



« UN MIYAMOTO MUSASHI DE LA FESSE »



Le film d'Imamura prend des libertés avec le roman de Nosaka : on y reconnaît bien le même fond, mais le traitement varie, et, surtout, la conclusion, ce qui, rétrospectivement, amène à envisager tout ce qui précède d'un autre oeil. Je vais prendre le roman pour base, bien sûr, mais il faut garder ceci en tête.



Nous sommes au début des années 1960 (en insistant sur « l'après-guerre », la quatrième de couverture me paraît induire en erreur – même s'il y a une continuité thématique entre les deux époques). le roman semble se dérouler à Tôkyô, mais le film plutôt à Ôsaka – ce qui change pas mal l'atmosphère.



Cependant, nous partons d'un même « héros », qui se fait appeler systématiquement Subuyan dans le roman, et alternativement Subu ou M. Ogata, fonction du locuteur, dans le film. Subuyan est un homme entre deux âges, qui s'est lancé dans le commerce de la fesse pour arrondir un peu ses revenus. Cette activité d'abord assez limitée (via le camarade Banteki, il enregistre les halètements et grognements de ses voisins qui baisent, pour vendre ensuite tout cela ; il revend aussi des photos érotiques retouchées, pour avoir des visages de stars, ce genre de choses) prend progressivement de l'ampleur, avec (surtout) le tournage de films toujours plus exigeants, mais aussi des prestations à la limite (souvent franchie) du proxénétisme (comme procurer une fausse vierge à un quinquagénaire frustré de n'avoir été que « le second » pour sa femme, ou, tardivement, l'organisation de partouzes), et d'autres choses encore dans ce registre (comme la « formation » d'un homme désireux d'apprendre comment palper au mieux les femmes dans le métro surchargé…).



Mais Subuyan n'a rien d'un criminel – ou, non, disons que, du moins, il n'est pas en cheville avec les yakuzas, qui exercent un monopole théorique sur ce genre d'activités, et qui lui causent en fait bien du souci. Car le fait est que les services offerts par Subuyan, alors, ne sont pas seulement jugés « immoraux », mais bel et bien sanctionnés par la loi : Subuyan est régulièrement inquiété par la police, et fait même quelques séjours en prison… Mais c'est en fait pour fraude électorale, dit-il dans le film !



Par ailleurs, les revenus qu'il tire de toutes ces prestations s'avèrent finalement limités… Ça n'en vaudrait pas la chandelle ? Qu'importe ! C'est que, voyez-vous, Subuyan n'est pas un vulgaire commerçant – il se voit, et le répète sans cesse, comme un humaniste, un philanthrope ! Ses films, ses partouzes – tout cela vise à procurer à ses clients des satisfactions fantasmatiques ou charnelles que la société leur dénie. Quoi d'immoral à cela ? Bien au contraire : ce qu'il fait ne saurait être plus moral ! En fait, de la sorte, il suit une voie, essentiellement élevée : « […] le gus se prendrait pour un Miyamoto Musashi de la fesse qu'il ne s'exprimerait pas autrement », nous dit-on (p. 157). Subuyan est du plus grand sérieux dans ses envolées – sans doute y croit-il. Mais l'adversité est de taille, pour notre philanthrope : tout conspire contre lui et sa précieuse voie du sexe… Y compris dans ce qui, pour lui, relève de la « famille », mais ça j'y reviendrai plus loin.



Voici notre pornographe. le pluriel incite cependant à accorder une certaine importance à ses confrères, même si le film, avec son titre français au singulier (ce qui n'est pas le cas du titre original ou, à ce compte-là, du titre anglais) met l'accent sur le seul Subuyan. Il est vrai que ces personnages sont plus importants dans le livre, le film en ayant diminué la présence à l'écran, voire les ayant exclus à l'occasion. Banteki a un rôle important dans les deux oeuvres, toutefois – c'est l'artiste de la troupe, et son technicien en même temps. Cancrelat, personnage très fantasque du roman, ainsi nommé en raison de son amour des cafards, qu'il materne l'hiver, est un débrouillard guère étouffé par les scrupules. Lagratte, dans le roman… est un romancier érotique, dont l'oeuvre entière, anachronique et truffée de clichés, tourne autour de la répétition d'un même fantasme, et, dit-il, du désir de « venger » sa défunte mère, qui était frigide, en lui offrant enfin les satisfactions charnelles que la vie lui avait refusées – il joue au scénariste. Dans le roman, on trouve un petit con du nom de Paul, qui trahit Subuyan – aucun Paul dans le film, mais je suppose qu'il correspond alors à Koichi, dont les liens avec Subuyan sont d'une autre nature, et j'en parlerai donc plus loin. Mentionnons aussi Kabo, qui a cette fois un rôle assez conséquent dans le film – le jeune homme un peu naïf mais serviable, qui s'avère après formation un séducteur efficace, mais que le corps féminin répugne ; aussi, puceau, s'en tient-il à la masturbation, presque abstraite. Et quelques autres… Dont leurs clients.

LA PORNOGRAPHIE DE LA HAUTE CROISSANCE



Comme dit plus haut, le roman et le film ne se situent pas dans l'après-guerre, sous l'Occupation américaine (période qui a par ailleurs marqué et inspiré nos deux auteurs, c'est certain), mais au début des années 1960, autre période significative de l'histoire du Japon contemporain, marquant le pic de la Haute Croissance.



L'économie japonaise, forcément en ruines au sortir de la guerre, comme l'était le pays lui-même, a fait preuve d'une capacité sidérante à redémarrer. La guerre de Corée est déterminante, qui relance l'économie du pays à coup de commandes américaines à honorer sur place sans avoir à s'embarrasser d'entretenir une coûteuse défense nationale. le pays connaît une certaine agitation dans les années 1950, mais, à l'orée du changement de décennie, droite et gauche « de gouvernement » (le PLD en tête, comme de juste) concluent un pacte tacite mais non moins improbable remisant de côté la « saison politique » au profit de la seule « saison économique », visant au développement du pays, jugé un préalable nécessaire à tout autre débat. Et les résultats dépassent même les espérances les plus optimistes : en quelques années, le Japon en ruines devient la deuxième économie (capitaliste…) au monde, derrière les États-Unis.



Le coeur de cette prospérité correspond à la décennie 1960-1970, la « Haute Croissance » à proprement parler (les « chocs Nixon », à l'aube des années 1970, ralentiront le rythme de la croissance, mais il faudra encore attendre l'éclatement de la bulle spéculative, entre les années 1980 et 1990, pour que l'économie japonaise connaisse la crise). Et la Haute Croissance développe toute une symbolique très forte, au niveau national et même international (Jeux Olympiques de Tokyo en 1964, Exposition Universelle à Ôsaka en 1970) comme au niveau du foyer – avec le discours sur les « trois trésors sacrés de la ménagère », soit les biens que tout foyer doit être en mesure d'acquérir en témoignage de son ascension sociale et de l'accroissement de son pouvoir d'achat : la télévision (déjà, en 1959, quinze millions de téléspectateurs regardent le mariage du prince héritier Akihito et de Shôda Michiko, symbolique très forte là aussi), le réfrigérateur et la machine à laver ; je suppose que la scène du film où Subu ramène une télévision à la maison n'a rien d'innocent à cet égard.



Le roman et le film sont donc contemporains de ces événements – ce n'est plus l'après-guerre, envisagée avec un certain recul mais pas moins de (res)sentiment, c'est ce qui se produit, là, maintenant. Ceci étant, il y a bien une filiation entre les deux époques – les deux auteurs établissent à leur façon un lien entre les magouilles du marché noir sous l'Occupation américaine (ils ont pu y prendre part) et le capitalisme frénétique de la Haute Croissance ; la place même des Américains dans cette histoire et cette culture est éclairante à ce propos. Car le regard de Nosaka et d'Imamura est sans doute très critique, même si avec des connotations éventuellement différentes (ainsi quand le réalisateur insiste sur le thème de la « machine »). Les deux oeuvres décrivent un Japon jeté à corps perdu dans la réussite économique considérée comme étant la seule valeur cardinale, situation anomique propre à évacuer les repères notamment moraux de tout un chacun. C'est un Japon américanisé, par ailleurs, car le départ des soldats n'a certes pas suffi à « libérer » le pays de cette domination culturelle, même avec les manifestations monstres contre l'Anpo (le renouvellement du traité de sécurité nippo-américain, en 1960) et bientôt contre la guerre au Vietnam (dans laquelle le Japon, Constitution pacifiste ou pas, fait office de « porte-avions » américain). Nosaka comme Imamura sont impliqués dans tout cela, dans un contexte politique ambigu en raison des impératifs de la « saison économique », mais où les intellectuels comme les étudiants disposent d'une plus grande marge de manoeuvre, en même temps que d'un goût plus prononcé pour la critique politique active, en face d'une élite politico-économique sclérosée et corrompue (le « Mai 68 » japonais en témoignera très vite, bien plus ample que le mouvement français).



Mais, dans le roman comme dans le film, c'est plutôt la satire qui prime, faisant l'économie (aha) d'un discours ouvertement hostile et explicite (même dans les prétentions « anthropologiques » en fait amusées d'Imamura) pour prendre le parti d'en rire. Subuyan, petit entrepreneur persuadé de la haute valeur morale de son travail et assuré de ce qu'il paiera un jour, représente pourtant le versant le plus sympathique de cette société malade à force de succès – ses clients, autant de cadres supérieurs égotistes et frustrés, aux fantasmes de domination parfaitement délétères, inspirent bien davantage un vague dégoût, qui se reporte sans peine sur le salaryman moyen prêt à tout sacrifier pour atteindre ce statut supérieur autorisant en prin
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Difficile de parler de ce roman parce qu'il est touchant. Il parle de sexe ? Pas tant que ça. Certes certains passages ont parfois été difficiles pour moi. Mais il reste émouvant car il parle de solitude, de souffrance de familles pauvres, déchirées après les bombardements. L'histoire se déroule dans les années soixante au Japon. Les personnages, réalisateurs sans moyen de films porno (proches de l'art remarquez bien), vendeurs de photos coquines, écrivains érotiques ou encore rabatteurs, ont eu une enfance de guerre, une enfance de feu, des parents brûlés, retrouvés enfouis sous des décombres, dont les os s'envolaient en fumée. C'est sans doute ce qui m'a le plus frappé dans ce livre. Parce que devenus adultes, ces hommes sont paumés, et ils nous montrent cette société japonaise des années 60 également en perte de repère. C'est fort malin d'avoir pris le parti de parler de la société sous l'angle de la sexualité, par le petit bout des choses Akiyuki Nosaka arrive à nous faire sentir sa vision du Japon. Il montre aussi l'importance que prenait les femmes dans ces années en matière de liberté sexuelle, la volonté de s'affranchir de règles alors même que les hommes n'en prenaient pas conscience et restaient sur un modèle ancien. L'auteur fait aussi parfois sourire, une histoire de zizi qui déchante ou des prises de vues épiques. le sexe est important, l'auteur le résume si bien : « Ah, l'âme va donc se fourrer jusque là ? »
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Osaka, après-guerre.

Une bande de trois lascars se proclament pornographes et décident de tout mettre en oeuvre pour satisfaire les plaisirs de leurs concitoyens mâles. Mais attention, l'amateurisme n'est pas pour ces messieurs. Ce sont de véritables professionnels ; leur mission : proposer un service adéquat à ce genre de prestation sans jamais s'acoquiner avec la mafia, trop risqué, trop dangereux - ceux qu'on appelle dans les films de Kitano les yakusas. Nos trois compères pépères ne sont pas là pour faire du fric à tout prix, pour arnaquer leurs clients et ramasser le pognon sans scrupule. Non ils ont une morale ET une conscience. Ce sont avant tout des Missionnaires du sexe (avec un Grand M – respect), des Humanistes au grand coeur (avec un grand H – double respect). Car réussir dans ce métier n'est pas donné à tout le monde. Cela ne s'apprend pas dans les écoles, cela nécessite avant tout d'avoir la Passion de la chose, cela implique d'avoir l'esprit tourné (et non pas torturé), voir obnubilé (et non pas obsédé) sur un seul état de fait : le plaisir et son assouvissement. Rien d'autre ne compte pour ces messieurs que l'érection et l'éjaculation que quelques clients de la « bonne » société japonaise. Pas de violence, simplement du plaisir et de la rigolade tout en restant honnête et professionnel parce que le respect du client est primordial. Mais pour rester au sommet, il suffit d'une seule motivation, celle d'être leader dans son marché ! Celle d'être un WINNER ! D'innover sans cesse et d'apporter les solutions au bonheur de son prochain…

Dans un autre style que son plus grand succès – « La Tombe des Lucioles », ce roman de Akiyuki Nosaka est, certes, un peu vieillot mais croustillant et grivois à souhait qui amène en plus du plaisir le sourire. Ce n'est pas le but du sexe, non ?
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Difficile de croire que "Les pornographes" et "La tombe des lucioles" ont été écrits par le même auteur. le premier est un roman truculent qui met en scène un quintet d'escroc décidés à faire son trou dans l'industrie du sexe. le second est un petit chef-d'oeuvre de sensibilité et d'émotion sur fond de seconde guerre mondiale. Et pourtant, en y regardant de plus près, c'est bien des mêmes personnes qu'Akiyuki Nosaka nous parle, des mêmes quartiers modestes et du même petit peuple. Comme les deux malheureux gamins qui tentent de survivre aux privations qui suivent la capitulation du Japon, ses pornographes cherchent aussi à se sortir de la mouise. Ils vivent d'expédients, de petits boulots, d'arnaques lamentables. Ils habitent dans des cahutes insalubres ou squattent le logement de leur bonne amie. Ils jonglent avec les dettes et la peur de la prison.
En s'intéressant aux activités louches de ces professionnels de la démerde, l'auteur nous montre ses compatriotes sous un angle sans doute plus réaliste que celui des médias qui nous proposent toujours les mêmes images d'un Japon de tradition et de technologie. Sans fausse pudeur, il nous dévoile les phantasmes et la sexualité de ceux qui font appel aux bons soins de ses pieds-nickelés du sexe. Ouvrières d'usine, salarymen, chefs d'entreprises ou étudiants se croisent donc au gré des désirs des uns et de l'argent escomptés par les autres.
En ce sens, "Les pornographes" est presque un reportage sur l'état des moeurs de la société japonaise dans les années soixante. Une société qui change, qui s'occidentalise mais qui n'est pas tendre avec ceux qui ne veulent ou ne peuvent s'adapter. C'est aussi un chouette témoignage sur la condition de la femme à cette époque. Malmenées par une société très patriarcale, elles commencent néanmoins à s'émanciper, notamment sur le plan sexuel. Elles n'attachent plus aucune importance à leur virginité, couchent avec qui bon leur semble et entendent faire ce qu'elles veulent de leur corps. Une attitude qui semble désarçonner les hommes, conscients que leur longue domination vient de commencer à vaciller.

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Ce fut une lecture compliquée. Il ne fait que 267 pages, mais j'ai eu l'impression que ça n'en finissait pas. J'ai bien failli abandonner avant le fin du premier chapitre. J'ai cru que je n'arrivais jamais à bout des 55 pages qui le composent. Pourtant, j'ai continué parce que l'auteur est Akiyuki Nosaka et qu'il a écrit la tombe des lucioles, roman que j'ai adoré. Raison pour laquelle je lui ai donc donné une chance.

Subuyan vend des films pornographiques qu'il tourne avec Banteki en épiant des voisins, entre autre. Leur petit business ne suffit pas pour vivre. Ils décident donc de se professionnaliser, d'agrandir leur équipe quitte à augmenter les risques pris. Ça se fait tout seul, comme une évidence.
Au fil des pages, on découvre le passé des personnages, mais également ce qu'ils vivent au quotidien. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ont chacun leurs casseroles… et leurs problèmes sexuels, ils sont quand même bien tordus chacun à leur manière.

Ce qui m'a fait sourire est que pas mal de scènes m'ont fait penser à bon nombre de scénarios hentai, c'était étrange pour un roman datant de 1966, que ce soit le dépucelage des vierges par de vieux libidineux, les attouchements dans le métro ou les premières poupées gonflables mécaniques. Quelque part, c'est normal, on y retrouve dans l'un comme dans l'autre des fantasmes typiquement japonais, il ne manquait plus que les poulpes et les tentacules 😀

C'est une lecture en dents de scie. Certains passages m'ont plu, notamment ceux un peu sombre et glauque à souhait, mais d'autres m'ont ennuyée, principalement les discussions des pornographes.
Bref, au final c'était assez moyen et ça m'a paru long.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
- Le « spécial » ?
- Le « spécial », j’ai rien contre. Non, c’est le fait qu’on peut toucher qui me plaît pas. Y a pas, un bain turc, cela doit être un bain turc et pas autre chose.
Ce que je veux dire, c’est que les filles qui bossent dans un sauna c’est des techniciennes, quoi. Leurs dix doigts, ils doivent leur servir à exciter les zones sensibles des mecs pour leur procurer du plaisir, c’est comme ça que ça devrait se passer, normalement. Seulement voilà, elles se font titiller, hein, et ça je dis que c’est une façon de camoufler leur manque de savoir-faire, tiens, c’est comme qui dirait un cuisinier qui non seulement n’utiliserait pas de bonite séchée ni de laminaires pour son bouillon mais qui te ferait passer tout ça à coups d’assaisonnements chimiques. Une fois qu’elles se sont laissées mettre le doigt, c’est au tour du gars à réclamer plus et d’une chose l’autre, on en arrive à quoi, dis-moi ? Eh oui, à la baise, ni plus ni moins. Non, ça va pas, alors pas du tout, j’admets pas que le « spécial » devienne un machin dans ce genre, sinon qu’est-ce que ça voudra dire « un bain turc », je te demande un peu ? Y’a des putes pour ça ! Non, voilà, tu t’allonges sur la table de massage, là, u peu comme un bébé si tu veux, et tu laisses faire l’autre sans jamais intervenir, les yeux fermés, sans penser à rien : la tête qu’a la fille ? A quoi elle pense ? rien à chiquer. Sentir ses doigts qui se promènent à la découverte d’un point vital viril que tu te connaissais pas – que même ta bobonne ou une autre n’a peut-être jamais remarqué-, les sentir qui te câlinent… Voilà ce que j’appelle le vrai plaisir du « spécial ». Pour tout te dire, tiens, dans le « spécial », c’est l’homme seul qui doit prendre son pied, la femme, elle doit rien éprouver.
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- L'humanisme, oui, est-ce que c'est pas ça, faire semblant d'aider les gens et en réalité se démerder pour s'en trouver bien soi-même ?
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Ce que je veux c'est frapper un grand coup, leur balancer en pleine poire un feu d'artifice, à nos affamés du calebar, qu'ils voient ce que c'est que l'érotisme bien compris !
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Toujours est-il que Subuyan entendait sortir un film par mois, en Cinémascope autant que possible !
- Ce Cinémascope, à croire qu'on l'a inventé exprès pour nous ! Tout en largeur, on peut pas rêver mieux pour montrer sur un écran un couple dans une partie de jambes en l'air ! Pour le son, on a Kabo que voici, qui m'a dit avoir fréquenté un cours de formation artistique, et pour l'enregistrement de la partie féminine, on aura qu'à payer des filles qu'il a connues là. Les scénarios, Lagratte, tâche de bien y réfléchir. T'as vu les films du docteur du Rokkô, hein ? eh ben, c'est pas les trouvailles qui devraient manquer. Je veux chaque fois quelque chose de neuf, que nos gars en soient babas d'admiration et leur truc transformé en mât de cocagne.
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Revenu de bien des choses, Subuyan ne put toutefois se défendre d'un sentiment d'émerveillement : il était encore bien petit garçon devant ces sacrées bonnes femmes !
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