Publié en 1834,
Lorenzaccio d'Alfred de
Musset est une des oeuvres majeures du romantisme français. C'est avec plaisir que je relis cette pièce de théâtre, redécouvrant au passage mes notes de lecture d'il y a déjà quelques années.
Alfred du
Musset nous emmène à Florence en 1536 ; Charles-Quint et François 1er cherchent à avoir la mainmise sur l'Italie ; le régime du duc Alexandre de Médicis est menacé car il règne en tyran. Son cousin Lorenzo, accessoirement son compagnon de débauche, projette de l'assassiner…
D'emblée, on est frappé par le grand nombre de personnages, plus de quarante… Et il n'y a pas moins de trente-six scènes et trente-neuf tableaux ! Cela donne une impression d'effervescence, de turbulence, de foisonnement d'énergies contradictoires ; du point de vue dramatique, c'est original et très efficace pour rendre compte d'un sentiment général d'inquiétude et d'incertitude.
Alfred de Musset a transposé dans la Renaissance florentine l'instabilité sociale et politique, les changements de régime, les oppositions de clans, les revendications et les jeux d'influence de son époque marquée par la révolution de 1830.
L'intrigue se développe en trois directions : le projet meurtrier de Lorenzo, la sédition des républicains menés par les Strozzi et les manigances de
la marquise Cibo. Mais tout demeure centré autour d'une crise de régime et de légitimité. Les trois intrigues se nouent et surtout se dénouent d'un seul coup avec la chute d'Alexandre, qui en était toujours le centre. L'action est fragmentée en une succession de tableaux et de péripéties ce qui rend la pièce captivante et, surtout, offre de nombreuses possibilités quant au dénouement que rien n'annonce vraiment.
Lorenzaccio est un drame romantique dans tous les sens du terme : fractionnement de l'action, scènes dédoublées, psychologie virevoltante et contradictoire des personnages, suspense, fantaisie…Certains passages sont réellement comiques voire grotesques. C'est aussi une pièce historique, basée sur des faits avérés.
Le personnage de
Lorenzaccio a été imaginé en référence à
Lorenzino de Médicis (1514-1548).
C'est un héros particulièrement complexe, non seulement dépravé, débauché et hypocrite, illustration des travers d'une époque, mais aussi érudit, réfléchi, volontaire. Lorenzo est en effet un être multiple, révélé grâce aux images variées qui nous sont renvoyées de lui, à la pluralité de ses attitudes : ironique quand il prend la parole, ambivalent quand il agit, méprisé ou craint par ceux qui parlent de lui, aimé inconditionnellement par sa mère même quand elle ne le reconnaît pas… le suffixe accolé à son prénom est synonyme de mépris.
On peut penser qu'
Alfred de Musset a mis dans son personnage principal sa propre dualité, son conflit personnel entre vie de débauche et pureté ;
Lorenzaccio illustre l'état de désespérance du héros romantique, un malaise métaphysique et existentiel. On peut le voir comme un miroir de tous les autres personnages : son drame individuel intériorise le drame collectif. Pourtant, il se construit dans son isolement et s'accomplit par la violence. J'ai beaucoup aimé la manière dont il ironise parfois…
C'est
Georges Sand qui a soufflé à Alfred de
Musset le sujet de cette pièce, lui cédant un manuscrit qu'il aurait entièrement remanié. Il s'est aussi inspiré de la Storia Fiorentina de Benedetto Varchi et de L'Heptaméron de Marguerite de Navarre. Et puis, dans son univers référentiel figurent en bonne place l'oeuvre de
Shakespeare et les théories
De Stendhal…
Alfred de Musset n'a que vingt-trois ans quand il publie cette pièce de théâtre qui n'a été représentée qu'après sa mort, en 1896. de toute manière, sous le Second Empire, une pièce montrant un meurtre politique aurait été refusée par la censure et c'est bien ce qui s'est produit puisque la pièce n'a pu être montée que sous la République…
Ce n'est donc pas un texte écrit pour la scène mais une pièce destinée à être lue. Cette obligation d'une lecture privée et solitaire, « dans un fauteuil », est en phase avec le désabusement de l'oeuvre, la représentation de la psyché humaine comme dédoublée et isolée, le côté hypocrite et égoïste de certains personnages.
Ma relecture a été un peu laborieuse ; j'avoue avoir survolé certains passages, ne reprenant ici que mes annotations… Je déplore naturellement la minorité de personnages féminins… Mais j'ai retrouvé avec bonheur certains passages, notamment la diversité des tableaux : lieux célèbres, rues, jardins, églises, palais…
Une oeuvre qu'il faut connaître.
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