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EAN : 9782742702367
211 pages
Actes Sud (01/01/1999)
3/5   3 notes
Résumé :

Quand il pense à son père qu’il n’a jamais vu, Omer Tzatza imagine un héros intouchable, pourfendeur des injustices et défenseur des faibles ; en prison, où il le voit pour la première fois, il découvre la réalité d’un homme diminué… et le mythe se casse, d’un coup.
De leur première nuit ensemble depuis des semaines, Luli — dans sa solitude de prisonnier — s’était fait un monde : mais, gagné par la torpeur et l’angoisse, il ne parvient pas même à tou... >Voir plus
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
En exergue du roman

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J'ai frôlé la mort

J'ai frôlé la mort
On a croisé nos regards, la mort et moi

Ne me demandez pas comme elle était
Ne cherchez pas son portrait !
Je peux dire seulement :
Elle était terrible
Et n'avait rien de romantique

O vie, mon amour, jamais tu ne vieilliras !
Je coucherai chaque nuit dans tes bras
Et toi au matin tu me feras des enfants
Des enfants. Beaucoup d'enfants rassemblés le soir autour de moi
Pour que je leur raconte
Comment les Troyens ont incendié le cheval de bois des Grecs
Avant même qu'il marche sur la ville
Comme Ulysse a rendu l'âme dans des cris de désespoirs et des pleurs
Pire qu'Achille
Quand a été déjoué sa ruse

Pour que je leur raconte la grande fête
Des poissons dans l'eau et des chamois dans les forêts
En voyant comment du premier coup
j'ai frappé et lissé sans souffle la bureaucratie

O vie, mon amour, jamais tu ne vieilliras
Je coucherai chaque nuit dans tes bras
Et toi au matin tu me feras des enfants
Des enfants qui détourneront la puissance atomique
Pour réchauffer leurs maisons
Des enfants qui changeront en musées médiévaux
les prisons
Et contre le SIDA découvriront un vaccin

On a croisé nos regards la mort et moi. C'était terrible.
Si terrible qu'après lui avoir échappé
La vie m'apparue plus courte

Et plus périlleuse que ce que m'avaient conté avant
Tous les cultes, démagogies et mythes inventés
Qui rendent factice la vie, déjà si courte.
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Pourtant je n'aurais pas dû oublier comme je le fis que six mois avaient suffi maintenant à aiguiser inconsciemment en moi la méfiance. Je ne pouvais détourner sa domination malgré mes efforts. Je ne me suis jamais distingué par une volonté forte. Mais je me doutais que la même crainte pût atteindre aussi les autres, ceux qui se vantaient d'être imbrisables. En prison, tous sont brisés. Tous accomplissent l'identique geste des mains quand la police leur passe les menottes. La privation de liberté fait disparaître le mythe de l'homme imbrisable. Seule l'expression de leurs visages change, et c'est l'unique marque qui permet de distinguer les héros des victimes. Briser un héros n'est pas comme briser une victime car, dans leur vie respective, rien n'est semblable. Mais à cause des uniformes identiques qu'ils portent provisoirement, et à cause du petit nombre de héros par rapport à la grande masse de victimes, leur distinction ne se devine pas au premier coup d'oeil. Elle exige de l'attention. Mais c'est très important. Autrement, un jour ou l'autre, les victimes peuvent se placer par la force ou la ruse sur un piédestal de héros et là non seulement ternir l'égard pour les deux parties, mais aussi créer une confusion, un bouleversement, un dérèglement désastreux de toute la société. (...) Parmis toutes les psychologies de groupes sociaux, il me semble que celle des prisonniers politiques est la moins connue. Ou la plus mal connue. Je n'ai pas vu étudier souvent quels changement subit l psychologie des hommes après l'emprisonnement. Est-ce par oubli ou par indifférence ? Ou plus grave ? Bref : les anciens prisonniers politiques sont nécessaires pour leur mythe, mais non pour leur réalité. On en parle beaucoup, particulièrement après le renversement des dictatures, du rôle des prisonniers politiques comme flambeau de la démocratie, développant un pathos qui met en évidence leurs mérites et décrit leurs souffrances plus terribles que les souffrances de Jésus-Christ crucifié. Mais c'est trop rare de rencontrer quelqu'un qui demande : jusqu'à quel point le cerveau humain est-il touché par la rouille que sécrète nuit et jour la cellule de prison, sur les barreaux des fenêtres,
les pieds des lits, les portes et même les aiguilles qui servent à raccommoder les vêtements ?
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La recherche silencieuse de ces expressions m'avait conduit tout droit vers des analyses politiques étonnantes, qui sûrement ne m'auraient jamais traversé l'esprit hors la prison. (...) Une des opérations les plus dangereuses que la dictature eût effectuée pour perpétuer sa domination se trouvait dans la langue nationale. Lentement, sans beaucoup d'ordres, ni de lois déclarées, je dirais en cachette, elle agissait depuis des années pour dépouiller le langage quotidien des mots qui touchent et dévoilent l'âme. Les discours pompeux du DIRIGEANT avaient envahi les uns après les autres les chansons, poèmes, les rédactions scolaires des enfants. Et c'était la voie la plus appropriée pour investir, sans attirer trop l'attention, les conversations entre parents et enfants, entres amants, entres amis. Leurs sentiments les plus personnels, la compassion, l'amour, la tristesse, leurs tourments les plus profonds. Tout ce qui fait de l'homme un homme deviendrait peu à peu muet. Et mourrait, comme meurent tard en automne les fleurs, de l'étiolement du soleil. Juste le temps de passer une génération à l 'autre et l'homme ne serait plus muni en lui-même des moyens nécessaires à l'épanouissement de ses sentiments. Ce serait l'homme nouveau. La catastrophe. On n'entendrait plus, tard dans la nuit, les voix désolées des femmes qui murmuraient dans le silence des petits appartements "s'il te plaît soit un peu plus rêveur!" Les voix des femmes seraient autoritaires, sévères : Fais ton autocritique je te dis!
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J'ai maintenant une raison encore plus forte d'être indésirable par la police et les procureurs : je me connais moi-même. Il est donc naturel que les jugements des autres ne concordent pas. La tâche était de savoir me construire dans le future une existence sûre en accord avec ma morale, tout en louvoyant avec l'opinion des autres. Définir de qui je devais me défendre par le silence, qui je devais attaquer impitoyablement, et à qui je pouvais ouvrir mon coeur.
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