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Françoise Heide (Traducteur)
EAN : 9782330165772
560 pages
Actes Sud (01/06/2022)
4.1/5   197 notes
Résumé :
Dans un village situé au fin fond d'une vallée montagnarde norvégienne, la femme du propriétaire de la grande ferme Hekne est morte en couches après avoir donné naissance à des soeurs siamoises. Les filles, soudées par la hanche, mais joyeuses et vives d'esprit, ont peu à peu manifesté un talent hors norme, celui de tisser à quatre mains des oeuvres somptueuses et d'autant plus appréciées que, dit-on, les images et situations qu'elles ont mises en scène se sont avér... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (50) Voir plus Ajouter une critique
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En Norvège on ne détruit pas une église médiévale impunément. le pasteur Schweigaard va en faire la triste expérience qui a vendu aux Allemands l'ancestrale église en bois debout de son village pour la remplacer par un édifice plus moderne. Car si le christianisme est arrivé tard en Norvège, et que les païens l'ont combattu, tenant à leur religion d'origine fondée sur un univers de divinités belliqueuses et une foule de légendes, ses habitants font grand cas de leurs églises. Et puis il y a ces deux cloches jumelles qui ne doivent quitter l'église sous peine de déclencher la colère divine, alors même qu'elles ont été offertes en mémoire de soeurs siamoises de la famille d'Astrid Hekne. L'imprévisible, volontaire et intelligente Astrid dont le pasteur et l'architecte allemand Schönauer aimeraient tant l'un et l'autre faire leur épouse...

Magnifique et poétique est ce roman au pays où vieilles croyances norroises et protestantisme se côtoient dans d'étonnantes églises en bois debout. Des édifices du moyen âge voués pour la plupart à la destruction, victimes au XIXe siècle de la modernisation, comme l'église des cloches jumelles vendue dans une région alors confrontée aux inondations, au mildiou, à l'alcoolisme et au gel des récoltes. Bien que pauvre et surpeuplée une fascinante région où le choix de deux hommes et une femme ne peut aller de soi entre aspirations, devoir et amour.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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« En la très chère souvenance de Halfrid et de sa mère Astrid »,
« En la très chère souvenance de Gunhild et de sa mère Astrid ».


Il était une fois en Norvège, dans la vallée du Gudbrandsdal, tapie dans le village de Butangen, une église en bois debout, véritable chef d'oeuvre édifié de la main de l'Homme, de celui que l'on appelait « oeuvrier » au temps du Moyen-Age. Au plus bas du clocher se trouvaient deux cloches jumelles, offertes par Eirik Hekne, de la ferme du même nom. Marié à Astrid, de cette union étaient nées deux soeurs siamoises par la hanche. L'accouchement, éminemment cauchemardesque, eu raison de la vie d'Astrid. La pauvre femme s'en allât rejoindre les étoiles laissant ainsi Eirick, tout seul, pour élever les jumelles, Halfrid et Gunhild.

Mais les deux jumelles, malgré leur difformité, grandissaient normalement, dans un environnement rempli d'amour. Dans l'incapacité de pratiquer les travaux des champs, leur père les avait installées devant un métier à tisser où leur renommée ne tarda pas à se répandre devant la beauté et le mystère des motifs inventés. A l'adolescence, la maladie les emporta toutes deux. Pour remercier Dieu de ne pas les avoir séparées jusque dans la mort, leur père fit fondre deux cloches qu'on appela les cloches jumelles et auxquelles on attribua le pouvoir d'avertir du danger. Halfrid et Gunhild furent enterrées sous le plancher de l'Eglise. Depuis le temps s'est écoulé, laissant ainsi le son mélancolique des cloches jumelles résonner dans la vallée pour annoncer la messe et rythmer le temps des villageois.

Jusqu'à ce jour de 1880, où un nouveau pasteur est nommé dans la paroisse et que la fidèle Klara meurt de froid au cours de l'office : on ne peut chauffer une église en bois. Il est temps de faire appel à la modernité. L'église et les deux cloches sont menacées et ce n'est pas impunément que l'on peut prétendre à disposer du sort de ce chef d'oeuvre venu de la nuit des temps.

Il vous faudra bien vous couvrir pour lire ce livre qui est dépaysant à souhait, où vous grelotterez sous la neige avec des températures de moins quarante, loin de toute rationalité. Un vrai bonheur de lecture qui vous entraîne en Norvège où l'auteur nous fait découvrir de splendides paysages norvégiens. Dans un style très délicat, il nous révèle, sur fond de légende nordique, son amour du travail du bois. Il y a des passages qui relèvent d'une vraie connaissance de cette technique. On connait l'habileté des norvégiens dans la construction navale mais allez regarder ces églises en bois debout, il n'en reste que vingt huit qui ont été sauvegardées, ce sont de véritables chefs d'oeuvre. Et pour celles et ceux qui sont sensibles au symbolisme, vous y trouverez de très beaux exemples.

Dans ce récit, l'auteur nous initie à la culture norvégienne, aux croyances issues du paganisme nordique, à l'origine des langues scandinaves. Nous remontons jusqu'à la christianisation de la Norvège. Nous touchons à la très grande misère de ces territoires du bout du monde, perdus sous la neige, où les croyances, les traditions peuvent mener à l'obscurantisme. Il faut un immense talent de conteur pour nous faire découvrir un pays en partant de simples légendes. Lars Mytting nous le prouve avec ces cloches jumelles qui nous emportent ailleurs, loin de notre quotidien tout en nous proposant de mieux connaître ce qui a structuré son pays, ce qui en fait sa richesse culturelle, son âme. Sa plume est magique, je n'ai pas cherché à résister à ce très beau voyage dans la vallée d'où est originaire l'auteur.

J'avais beaucoup aimé « Les seize arbres de la Somme », là, j'avoue avoir été envoûtée. Merci @Palamede.

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Il y a de cela bien, bien longtemps, dans une ferme d'un village d'une province intérieure de la Norvège, sont nées deux soeurs siamoises. Alors adolescentes, elles se sont éteintes le même jour, achevant une tapisserie qui fut offerte à l'église et, depuis des siècles, leurs corps soudés reposent paisiblement sous le plancher de cette église. le père, dans sa douleur, fit fondre deux cloches en y mêlant au bronze les couverts d'argent de la famille afin qu'elles tintent puissamment et résonnent dans toute la vallée.

Ces cloches jumelles ont retenti, dans le ciel de Butangen, jusqu'en 1880, date à laquelle commence notre histoire.

La paroisse, nichée dans une vallée très difficile d'accès, voit très peu de monde s'aventurer jusqu'à elle. Ses habitants sont plutôt introvertis, luttent contre la misère pour se nourrir et se chauffer.
Ce jour de l'an 1880, un tout récent pasteur célèbre la première messe de l'année dans une église médiévale en bois debout, vieille de sept siècles. Une église où siègent des courants d'air glacés, dans laquelle les bourrasques de l'extérieur font dégringoler sur les fidèles le givre de la voûte pétrifiée. Malgré une messe abrégée, une vieille femme succombe de froid, renforçant ainsi la volonté du pasteur de faire construire une nouvelle église qui ne verra plus grelotter tous ses fidèles.
Ce jeune pasteur, énergique, ambitieux et décidé, désire faire entrer de la modernité dans ce coin arriéré où d'obscurs usages ont toujours cours. Son but : « éduquer l'âme populaire et ouvrir les esprits en vue des temps nouveaux. » Parfois, sa détermination se heurte à la rigueur du climat qui empêche de creuser des tombes au coeur de l'hiver, donc d'enterrer les morts qui sont alors gardés jusqu'au dégel…. La population locale, enlisée dans des coutumes ancestrales, est dure à accepter les changements. Parmi elle, une jeune fille, Astrid, descendante de la même famille que les soeurs siamoises, n'est pas insensible aux nouvelles idées du pasteur. Elle se refuse à soumettre sa vie au triste sort réservé aux femmes et rêve du monde extérieur à cette vallée.

Plus au Sud, en Allemagne, Gerhard, étudiant de dernière année en architecture à Dresde, se voit désigner par son professeur pour aller en Norvège démanteler cette église en bois debout afin de sauver ces petits bijoux architecturaux en les rapatriant dans leur ville culturelle. Arrivant par un chemin hasardeux à Butangen, il se dirige vers cette église d'où les cloches carillonnent, projetant leur son qui ricoche avec éclat contre les parois rocheuses alentour.


C'est un réel plaisir de retrouver Lars Mytting, fabuleux conteur passionné par le bois et tout ce qui s'y rapporte. Ici, il nous fait découvrir l'art norrois, ces décors ciselés, hérités d'anciennes croyances païennes qui ont eu le droit de figurer sur les églises construites en nombre lors de l'évangélisation de ces terres reculées du Nord. L'auteur rend hommage au travail de cette époque médiévale en décrivant la finesse des découpes, la précision des sculptures. Têtes de dragons, serpent qui ondule autour de la porte, fourmillement de différents animaux, tout est passionnément offert au lecteur ébloui.
Cette région norvégienne, où l'hiver est plus propice aux déplacements parce que le lac gelé favorise l'accès au village, se savoure, présentée avec tout son relief et toute la glace qui la saisit dès les premiers frimas.
Pour Astrid, personnage si attendrissant, dont on a terriblement envie de voir ses rêves se réaliser, l'exotisme arrive avec Gerhard, sa langue étrangère, ses pastilles au camphre, son guide linguistique. Lars Mytting introduit avec elle le devoir envers l'histoire, envers ses aïeux. La jeune femme désire se tourner vers un avenir différent que celui qui lui est échu à la ferme tout en honorant son passé, refusant la disparition de l'héritage familial. Pour elle, les Cloches jumelles doivent demeurer à Butangen.
L'amour ricoche dans les angles formés par ce jeune trio puisque les pensées du pasteur louvoient entre Astrid et Ida, pieuse, dévouée, choisie par sa mère et qui sans aucun doute sera en accord avec ses décisions. Et pourtant, c'est avec Astrid qu'il se sentirait vivre !

Ce roman m'a soulevée par sa bourrasque romanesque captivante, sa brise historique et artistique passionnante, ses petites rafales de croyances d'antan mâtinées de légendes norroises, son souffle surnaturel attachant autour de ces Cloches que l'on entendrait presque vibrer depuis cette lointaine Norvège.
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Tout part d'une légende de soeurs siamoises, liées par la hanche. A la mort de celles-ci, leur père offrit 2 cloches à l'église, une très belle église « en bois debout » faisant partie de l'héritage architectural de la Norvège. Ces cloches jumelles sonnent…toutes seules… quand quelque chose de grave se passe.
C'était au 12e siècle, et 700 ans plus tard, la légende ressurgit.

Une jeune fille féministe avant l'heure, un jeune pasteur innovant, un jeune architecte visionnaire : tous trois se trouvent, s'affrontent et s'attirent autour du projet de démolition de l'église d'un petit village perdu dans les montagnes afin d'être reconstruite comme joyau architectural et témoignage du passé, dans la ville de Dresde.
L'histoire mâtinée d'un zeste de surnaturel (toujours ces fameuses cloches qui sonnent toutes seules et qui peut-être provoquent des accidents…) propose, outre des descriptions poétiques de la nature environnante et de l'église, une réflexion sur la destinée et la manière de s'y adapter ou de carrément la changer, une analyse de la condition paysanne et féminine au 19e siècle, celle-ci accompagnée d'un exposé précis des techniques d'accouchement difficile.

J'ai aimé être spectatrice du destin en marche d'Astrid car celle-ci est non seulement forcée de conjuguer le passé et ses croyances avec le présent et sa « modernité », mais aussi de faire face aux deux hommes déterminés à se concilier son amour.

Une légende.
Une nature imposante.
Une architecture splendide.
Une femme forte.
Une existence qui dépasse les frontières du présent.
Un roman touffu, lent et profond.
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Je n'ai pas été subjuguée comme pour" Les seize arbres de la Somme", un grand coup de coeur, mais cet autre livre de l'auteur norvégien m'a beaucoup plu.

Plongée fascinante dans une vallée de Norvège à la fin du 19ème siècle...et on se croirait encore au Moyen-âge ! Les paysans souffrent de la faim, du froid, le quotidien est âpre, presque désespérant, on meurt beaucoup. Dans cette atmosphère plombante, nous découvrons la famille Hekne, et la légende attachée à deux soeurs siamoises de son passé, qui ont laissé de magnifiques oeuvres tissées. Deux cloches somptueuses et retentissantes,où leur père a fait fondre de l'argent , à leur mort, témoignent toujours de leur existence.

le roman va graviter autour d'elles et de la vieille église en bois sculpté où elles se trouvent. Convoitise de collectionneurs allemands, ce lieu religieux sera un enjeu pour le pasteur, et l'architecte chargé d'en évaluer le patrimoine.Liée à ces cloches, il ya le magnifique personnage d'Astrid, descendante des Hekne, jeune femme déterminée, féministe, en quête d'une autre vie, et que les deux hommes vont aimer...

Entre superstitions locales , rêves prémonitoires, et dure réalité d'une époque, le livre déploie avec force et poésie une intrigue prenante. Mais quelques longueurs gâchent un peu l'élan du lecteur. D'autre part, les destins se révèlent bien sombres.

C'est en tout cas une lecture fort intéressante, dépaysante, pour qui aime découvrir de façon romanesque un pan de l'histoire norvégienne.
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critiques presse (1)
LaCroix
24 décembre 2020
Cet envoûtant conte nordique convie auprès d’une église en bois dont les cloches protègent un secret de famille.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (58) Voir plus Ajouter une citation
Le froid.
Elle le sentait déjà, invisible et implacable, dur et tranchant comme l’acier. Elle s’efforça de se recroqueviller à l’intérieur de ses vêtements, mais le courant d’air montait, passant entre les lames du plancher, se cherchait un chemin jusqu’à ses genoux, ses doigts, ses orteils engourdis.
Elle savait à quoi s’attendre. C’était le genre de froidure qui pénétrait plus loin que la peau et les muscles, qui vous glaçait jusqu’à la moelle, littéralement. La moelle, pareille à celle qu’on fait cuire pour la suçoter, quand on a abattu le cochon. Une fois qu’il s’y était infiltré, le froid gagnait tout le squelette et s’y installait, lui imprimant une raideur dont on mettrait longtemps à se débarrasser. 
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L'église fut achevée sous le règne de Magnus V et l'on grava la date 1170 sur une poutre de soubassement. Pour les piédroits et la charpente, on avait utilisé les immenses pins qui poussaient alors dans le Gudbrandstal et comme le voulait la coutume du pays, on avait abondamment décoré l'édifice de motifs légués par les vieilles croyances païennes, ce qui donnait une sorte de christianisme repeint, façon demeure de viking. Il avait fallu aux menuisiers un été entier pour sculpter les serpents de mer et autres enjolivures qui avaient fait leurs preuves depuis l'époque norroise. L'extérieur du porche était agrémenté sur toute sa hauteur de figures léonines aux longs cous et un énorme reptile se contorsionnait autour de la porte d'entrée. De chaque côté du retable se dressaient des colonnes de bois dont les chapiteaux avaient pris la forme de masques barbus, effigies de vieilles divinités qui roulaient des yeux sans pupilles. Tout ceci avait pour but de défendre la paroisse contre les forces du mal, telles que les Norvégiens les avaient combattues depuis des centaines d'années. Les artisans avaient pris soin d'intégrer tous les dieux à leur œuvre et de leur rendre justice à égalité, pour le cas où Thor et Odin auraient pu conserver quelques pouvoirs.

page 21/22
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Faire pousser des merisiers à Butangen n’était pas chose facile, mais le propriétaire connaissait la méthode ancienne pour les semer comme il fallait. Sa famille avait été habituée à voir grand, aussi avait-il fait creuser quatre-vingt-dix trous de part et d’autre de l’allée, puis intimé l’ordre à ses gens de mélanger des baies de merisier à leur bouillie d’avoine. Les baies, légèrement toxiques, avaient un effet laxatif, et les domestiques couraient se soulager dans lesdits trous avant de les reboucher. On leur avait servi cette bouillie particulière jour après jour jusqu’à ce que la totalité des cent quatre-vingts trous eût été ensemencée et fumée de cette manière, et dès l’été suivant, on avait vu pointer les arbres. 
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Les rumeurs sont les graines d’où sortent les mythes. Légères, elles s’envolent avec le vent, se dispersent, et sont promptes à ger­mer. Avant que la vérité ne prenne racine, elles ont fleuri depuis longtemps, devenant vraies à leurs propres oreilles, car même les inventions les plus échevelées ont pour elles d’avoir été racontées par quelqu’un, et le fait de raconter quelque chose est en soi véridique, même si l’objet du récit ne l’a jamais été. 
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Elle vibrait ici, cette autre dimension que jamais aucun enseignement de l’Académie des beaux-arts de Dresde ne saurait résumer. Sous les voûtes flottait un élément que l’air ne pouvait diluer, ni qu’on eût pu décomposer en constituants rationnels. C’était l’âme impalpable du bois consacré, l’émanation ectoplasmique de siècles d’espoirs et de chagrins. La somme des désirs de centaines d’humains disparus depuis longtemps, des désirs si forts qu’ils en avaient été insoutenables, et qui, désormais libérés par la mort, emplissaient ensemble l’atmosphère de l’église.
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Lars Mytting - Norwegian Wood
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