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sur 211 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un hommage à l'art culinaire, un art que la Cheffe va féminiser et sublimer.

Un portrait de femme par Marie NDiaye est toujours un voyage dans le temps, et dans l'espace infini des coeurs, qu'un phrasé fluide et envoûtant, va porter, depuis l'enfance jusqu'au plus haut de sa quête, à son apogée, une retraite que l'on devine, après un si long périple.

Les personnages qui accompagnent la Cheffe sont ses complices, ses aides ou ses cobayes, ils sont tous liés à son aventure, Marie NDiaye ne se disperse pas, la vie de la Cheffe est scannérisée, ceux-ci vivront pas à pas son ascension, ses bonheurs, ses doutes, l'affirmation d'une ascèse, la cuisine, une discipline portée au plus haut d'un art total et universel.

Le roman s'ouvre sur son enfance sur la pauvreté subie, voulue par ses parents comme une grâce, le travail juste pour nourrir une famille où le luxe est inutile, suspect. Ses parents lui enseignent la probité, la rigueur,le dépouillement.
La cuisine de la Cheffe émergera de cette simplicité, de bannir le clinquant l'esbroufe ou le trop plein.
Ses parents l'a mettrons au service de la famille Clapeau. Auprès de la cuisinière elle va découvrir cet univers qui deviendra son Graal, observant analysant elle deviendra la petite cuisinière des Landes, celle que le couple Clapeau fins gourmets considéreront "comme leur enfant"p134.

Un scrupule, ou comme un grain de sable qui enraye la vie de la jeune femme ; elle est enceinte, n'y a t-il pas de père ? Elle donne la vie à une petite fille. Il lui faudra des mois avant qu'elle reprenne son chemin, sa quête, car comment y échapper, "dès lors que le souffle de la cuisine avait bien voulu la visiter de nouveau.p155 "

Sa fille bien aimée, restera comme un gros caillou dissimulé dans sa chaussure et qui viendra sans cesse la provoquer, l'interroger sur son amour, l'ayant confiée à ses grands parents, la Cheffe cherchera sans cesse, "avec ferveur de racheter sa défaillance,p149 ".

Le dernier personnage, le narrateur, rentré jeune apprenti, serviteur zélé de la cheffe, son assistant, voue à la cheffe un amour passionné, sans retour, c'est lui qui recueille les confidences de la Cheffe, raconte son histoire, rend palpable le niveau d'exigence de ce grand chef qui décroche une étoile.

Adulée, pour son art, critiquée pour son caractère entier, âpre,
elle repousse les honneurs, comme ces compliments scolaires, les bons points de ceux qui ont bien répondus, "non me dit la cheffe : Si on me récompense, c'est que j'ai démérité. P231"

Elle se situe ailleurs sur une autre exigence en recherche d'une pensée d'une morale ou d'une espérance P142.
La préparation de la tarte aux pêches est un moment de pur bonheur. Toute la pensée de la Cheffe s'exprime dans ce point final qui ne doit ni effacer le souvenir des autres plats, ni égratigner le palais du gourmet, ni en mettre plein la vue, juste ce qui tombe bien, la délicatesse comme le baiser d'un au revoir soulignant tous les meilleurs moments sans en oublier aucun, la Cheffe avait cette classe.

Des lettres accompagnent cette narration, celles que l'assistant adresse à la Cheffe, il est parti vivre à lloret del Mar, récit étrange en décalage dans le temps, en italique, comme pour nous signifier qu'un jalon est posé pour continuer l'oeuvre de la Cheffe.


De Marmande à Bordeaux Marie Ndiaye à sillonné ces routes, côtoyé ces restaurateurs, ces êtres habités par une religion qui touche l'âme et la sensualité du corps sans rien oublier ni des couleurs ni des arômes.

Une femme la touchée, une autre femme puissante, fragile, sensible et déterminée à exister et construire sans chercher à plaire, comme si tous ses convives ressemblaient aux Clapeau, admirateurs simplement émerveillés.

Un roman au goût de miel sauvage, tellement féminin.


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Quelque peu étrangère à l'engouement général actuel pour la cuisine, ne le considérant pas pour autant avec dédain mais ne parvenant que rarement à dépasser l'idée de l'obligation plutôt que d'envisager cette activité sous l'angle du plaisir, j'ai choisi ce livre de manière un peu circonspecte à moins que ce ne soit par provocation.
J'ai goûté ce féminin du mot chef et ce bandeau esthétique qui pour une fois, se contentait d'être muet. J'ai tout de suite aimé la prose soignée de Marie Ndiaye et ses longues phrases structurées (que j'ai maladroitement essayé d'imiter avec mon accroche).
Mais j'ai surtout été impressionnée par la manière à la fois rigoureuse et riche dont l'auteur dresse le portrait de ses personnages, des caractères façonnés, ciselés mais sans que l'effort paraisse. Quand vous pensez avoir suffisamment de matériau, quand vous pensez bien cerner votre personnage, vous constatez alors que d'autres mots, d'autres qualificatifs, tous pertinents et jamais affétés vont venir à la fois confirmer le portrait que vous avez esquissé mais aussi le préciser, l'enrichir jusque dans les moindres détails. On attend en général que cette attention particulière porte sur le personnage principal mais dans ce roman, le même soin est accordé aux personnages secondaires comme les parents de la cheffe (pauvres, joyeux, dignes, purs) ainsi que le narrateur, son assistant, avec un portrait qui se dessine en creux tout au long du roman par des passages en italiques amenant une histoire dans l'histoire, non sans intrigue d'ailleurs. Que fait-il presque caché dans ce village de vacances "pour retraités moyens" à siroter pendant des heures des apéritifs sucrés en compagnie d'amis qui ne le connaissent pas et dont la compagnie n'engage à rien ? Qu'est-il venu fuir dans ce décor de carte postale ?
Les Clapeau, un couple de bourgeois, nourrissant un amour inconditionnel pour la bonne chère et quelque peu honteux de cette obsession inavouable sont présentés également de manière très subtile. On les voit d'abord comme de simples gloutons mais l'auteure réussit progressivement à les colorer d'humanité et de sensibilité. C'est chez ce couple, d'abord employée comme simple bonne ce qui lui permet d' observer à loisir le peu d'inspiration de la cuisinière que la cheffe comprendra à quelle point elle se sent forte, précise et créative en cuisinant.
La cheffe (toujours appelée ainsi par l'auteure même quand elle est enfant) est une personne plutôt austère limite taiseuse, qui fuit les compliments et vit son art dans un souci de perfection, presque comme une ascèse, ne cherchant jamais à flatter la gourmandise et détestant que l'on perçoive ses plats comme des occasions de délectation sensuelle. Son assistant, le narrateur, lui voue un amour inconditionnel. Il adore à la fois la cuisinière exceptionnellement douée mais aussi la femme au caractère droit et sincère, exigeante mais jamais mesquine. Partie de rien, la cheffe devient bientôt la patronne d'un restaurant renommé et récompensé, distinction qui loin de la réjouir lui fait honte, car si elle a plu, c'est qu'elle a cherché à plaire et donc démérité (hé oui, la cheffe est une puriste).
Mais cette cuisinière dévouée et admirable qui a circonscrit sa vie privée au strict minimum ne peut cependant rien refuser à sa fille, présentée par le narrateur comme un personnage perfide et ingrat. Pourra-t-elle alors s'en tenir à la même honnêteté qui inspire sa cuisine et lui donne tout son sens ?
Ce roman, structuré par un beau portrait de femme, éblouit par sa finesse, sa maîtrise narrative et la palette des qualités humaines qu'il magnifie avec sincérité.

Lien : http://leschroniquesdepetite..
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Voici le dernier roman de Marie Ndiaye qui est un véritable ravissement pour les amateurs de belle littérature et de gastronomie.
Ce roman raconte le destin hors du commun d'une gamine de Sainte-Bazeilles qui deviendra un chef reconnu. Avec beaucoup de pudeur, nous découvrons son parcours extraordinaire à travers le regard anonyme de son commis qui est à la fois son plus grand admirateur et son prétendant.
Très jeune, elle a fait ses classes en tant que bonne au service d'une maison bourgeoise du côté de Marmande, chez les Clapeau. Ce couple amateur de viande, de bonne chair, invitait régulièrement des amis pour partager leur table à l'occasion desquels la cuisinière de la maison préparait une farandole de mets aussi beaux que goûteux.

A cette place, elle commençait sans le savoir son éducation gastronomique, ses patrons laissant son personnel se régaler des mêmes plats qu'eux. Très rapidement, elle exerce son goût et développe une expertise culinaire. Elle évalue ce qu'elle pourrait améliorer, et rectifier dans chacun des plats servis. Peu à peu, elle met au point ses propres recettes. La vie, lui donna sa chance. Alors qu'à seize ans, elle n'avait encore jamais touché une casserole de sa vie, ses patrons lui proposèrent la place laissée vacante par l'ancienne cuisinière. Ce seront ses premiers pas encore hésitants de cuisinière, découvrant son nouveau terrain d'expression pour le plus grand bonheur de ses employeurs et des convives.
Sans diplôme, avec peu de référence et sans expérience dans le milieu de la restauration, elle tente le tout pour le tout et arrive à se faire embaucher dans divers retaurants qui se chargeront de lui parfaire sa formation avant qu'elle n'arrive à son but : l'ouverture de son propre restaurant La Bonne heure.
L'auteure nous dévoile l'histoire de cette femme avec beaucoup de pudeur et parfois de non-dits qui se mêlent eux-mêmes au récit. A aucun moment, nous ne connaissons son nom, simplement désignée par La Cheffe. Aucun nom ne figure également pour le narrateur qui nous livre la vie de cette femme qu'il a connue. Comme si les individualités, leur histoire s'imbriquaient et s'enlaçaient pour ne plus faire qu'un avec l'art culinaire. La gastronomie semble avoir rongée, dévorée cette femme en son entier, lui imposant des exigences, une rigueur et un rythme de vie quasi monacal pour permettre à son génie d'exploser dans le temple de la création culinaire : la cuisine. Lieu dans lequel le narrateur ne peut se lasser de l'observer, d'admirer la justesse et la précision de chacun de ses geste qui conduisent à la réalisation de son célèbre agneau en habit d'herbes. Elle avait des principes et mettait un point d'honneur à sublimer les saveurs plus que l'aspect de ses préparations visant à flatter l'oeil de ses clients.
L'on comprend que cette vie est dirigée par la passion et le feu sacré de la création pour ravir toujours plus de clients asservissant La Cheffe. Cette vie est un sacrifie sur l'autel des arts culinaires. La Cheffe s'astreint à évacuer tout ce qui la détournerait de sa trajectoire, supprime au passage tout semblant de vie personnelle. Les mots se mêlent avec les mets, et avec les personnages. La plume époustouflante de l'auteur embarque le lecteur dans le tourbillon de la quête infinie de la perfection.
Au fil des pages l'énigmatique image de la Cheffe s'effrite peu à peu laissant le lecteur devant une ultime interrogation : de quelle personnalité s'est inspirée l'auteure ?


Lien : http://lectures-gourmandes.f..
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Le roman de Marie NDiaye : La Cheffe, roman d'une cuisinière s'empare d'abord du lecteur par sa matière première : les mots et les phrases, qui se déploient dans la profusion et pourtant sans heurts, mais jamais comme on pouvait s'y attendre. Puis l'intrigue, en harmonie avec cette écriture, nous plonge dans un univers âpre et étrange. le lecteur s'accroche alors à la voix du narrateur, voix dont il est, semble-t-il, le destinataire, à moins que le « vous » ne recouvre plus vraisemblablement l'autre imaginaire, à qui se confie le personnage, dans son monologue intérieur. Ce personnage raconte une femme, évoque son amour infini pour elle, façon de combler la perte de l'objet de cet amour. Son absolue subjectivité nous force à la vigilance : tout comme il tente de reconstruire le parcours de la cheffe à partir du souvenir des paroles de celle-ci, nous devrons nous construire notre propre portrait du personnage central, un pas à côté de celui décrit par la voix du narrateur.
Cette voix se fait bientôt romanesque ; commence alors l'initiation de « la cheffe ». Par la féminisation affichée dès le titre de deux noms habituellement au genre masculin, par la différence de registre de ces deux termes, l'auteure donne à la littérature une héroïne féminine et donne à lire la grandeur et l'humilité du personnage. de l'opacité des origines va donc naître l'artiste. Marie NDiaye aborde ici tout à la fois les questions délicates du geste artistique, de sa motivation, autant que des sacrifices et de l'éthique imposés par une telle vocation. L'artiste selon NDiaye élève son public plutôt qu'il ne se l'attache par toutes sortes de démagogies, refuse le bluffe, fuit l'exposition médiatique.
La voix se développe en spirale pour s'éteindre en un endroit précis. La fiction romanesque ne perd ainsi jamais ses droits sur le raffinement du style et la mise en abyme de l'écriture, offrant plusieurs niveaux de lecture. Hagiographie d'une humble, histoire d'amour et portrait indirect de l'amoureux névrosé, portrait de l'artiste dans sa cuisine. Les digressions du narrateur, des voix qui le traversent, son ressassement, créent un suspens délicieux.
Malgré sa clôture, des pans entiers de l'intrigue demeurent cependant irrésolus, mystérieux ; des insuffisances du narrateur surgit le malaise, auquel nous ont habitué les précédents livres de l'auteure. Ainsi, la relation intime entre les êtres oscille entre un amour et une haine dont les proportions les rapprochent de la folie.
Ce roman, qui fait la part belle à notre imagination, est donc une expérience de lecture savoureuse... ne serait-ce que par la poésie du langage de la cuisine en lui-même.
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On est d'emblée au coeur du sujet, sans préambule, puisqu'on écoute un narrateur, qui répond à un interlocuteur dont on ne saura rien – un journaliste peut-être ou un auteur qui souhaite écrire un livre sur la Cheffe. le long récit oral que nous allons entendre n'est pas découpé en chapitres, il est raconté d'une traite par un homme qui a travaillé avec la cheffe et l'a aimée, sans retour. Embauché à dix-huit ans comme commis, alors que la réputation de la Cheffe commençait à attirer dans son restaurant les notables bordelais, il restera presque toute sa vie professionnelle avec elle et ne se targue que d'une qualité, « celle d'avoir connu la Cheffe mieux que quiconque ». Il fut son confident unique.
C'est donc à travers son regard amoureux que nous découvrons la vie de la Cheffe : « Je veux que la Cheffe soit connue comme une femme admirable ». Il y a chez lui le désir de rétablir la vérité, les gens se méprenaient sur la Cheffe – « Elle aimait qu'on fasse fausse route à son sujet ». Elle n'aura vécu que pour la cuisine, mais se refusant à l'appeler un art, mal à l'aise avec les compliments, éprise d'ascèse, de probité. La gloire ou en tout cas la renommée est venue malgré elle, même si elle voulait être quelqu'un, « laisser dans la mémoire des mangeurs une réminiscence éblouie ». Remplaçons mangeurs par lecteurs et nous pourrons voir dans ce beau portrait celui de la romancière.
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Elevée dans une famille très modeste du Lot-et-Garonne, elle est engagée jeune fille chez les Clapeau, de petits notables comme bonne. Alors que la cuisinière de la maison s'absente, elle doit remplacer cette dernière aux fourneaux, dans la propriété de Marmande. Elle est libre alors de se révéler dans sa maîtrise des aliments, et des plats, de s'adonner à une passion qu'elle vit comme un sacerdoce nécessaire, comme un devoir de la chair. Plus tard, elle volera de ses propres ailes, toujours dans la solitude extrême, due à son caractère très singulier, en ouvrant son propre établissement à Bordeaux. L'ascension vers la première étoile au Michelin, puis le grain de sable familial qui enraye tout, tout cela c'est son assistant, son fidèle admirateur et amoureux transis, qui l'observe.



La Cheffe, roman d'une cuisinière est un roman éblouissant et très bien construit. Au delà du récit d'une vie fermée dans le monde de la restauration, avec ses codes, ses inspirations, ses engagements, et le portrait d'une femme tout en souffrance tue et en talent reconnu, ce livre, par le fait d'être la narration d'un homme, en fait un double portrait. Cet homme aussi, qui a côtoyé la Cheffe pendant plusieurs année en l'assistant dans son restaurant, est celui qui la connaît le mieux, ayant été le réceptacle de ses rares confidences, et l'interprète unique de ses sourires en biais. Cet homme aussi nous décrit un amour éconduit, un amour inaltérable pour cette femme sans charme apparent, sans aura sociale, sans volonté de plaire.

Il y a aussi le thème de la filiation contrariée avec cette fille que la Cheffe n'a pas entièrement élevée, n'a pas su assister sans éviter les vengeances, l'humiliation, le désamour, la dictature. La filiation également avec la fille de l'assistant, autant de secrets, de liens familiaux non naturels.

Bien sûr il y a l'écriture de Marie Ndiaye, qu'on ne saurait ignorer. Une plume exigeante, érudite, retorse, difficile d'accès. Des phrases interminables comme en témoigne l'extrait ci-dessus. le texte s'étale, s'étire, se déplie sous nos yeux, lentement, mais de manière assez fluide lorsqu'on en saisit le rythme. Une respiration singulière, comme l'alternance d'un flux, comme l'étalement des vagues successives sur la grève.

C'est sans aucun doute à mes yeux le meilleur roman que j'ai pu lire de Marie Ndiaye, tout d'abord parce que c'est le premier que j'ai vraiment compris, su apprécier de la première à l'ultime page. le roman d'une Cheffe de la littérature qui a totalement réussi à m'embarquer dans sa construction, ses inserts de monologues, ses flashbacks, ses phrases soutenues, son rythme lent, mais sa virtuosité chantante.
Lien : https://chezlorraine.blogspo..
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Le narrateur, un ancien commis de cuisine dont on ne connaîtra jamais le nom, éperdu d'amour et d'admiration pour sa patronne, raconte la vie et l'ascension de celle-ci. Née dans une famille pauvre, elle est placée comme bonne dans une famille bourgeoise, son rôle sera d'aider la cuisinière. Elle est plutôt mal reçue dans cette famille, ou plutôt avec indifférence : on ne la regarde pas, on ne lui adresse la parole que pour lui donner des ordres. Alors, elle observe, elle goûte les plats confectionnés par la cuisinière puisque les repas sont les mêmes à la cuisine qu'à la salle à manger. Et le soir, dans sa tête, elle refait les recettes : trop de crème dans ce plat, pas assez de couleurs dans celui-ci, celui-là est trop gras, trop lourd, il faudrait remplacer certains ingrédients. Lorsque la cuisinière s'absente pour passer quelques temps dans sa famille, elle prend sa place et va pouvoir enfin montrer de quoi elle est capable. Ses employeurs sont séduits par les plats qu'elle leur propose et ne peuvent bientôt plus se passer d'elle. Elle partira quand même pour voler de ses propres ailes et ouvrira son restaurant à Bordeaux. Celui-ci aura beaucoup de succès, obtiendra une étoile au "guide", et puis tout s'effondrera.

Marie NDiaye brosse ici le magnifique portrait d'une femme qui a tout sacrifié pour assouvir sa passion : la cuisine. Et ce n'est pas pour un plaisir personnel, c'est pour les autres qu'elle confectionne ses plats, visant à toujours plus de simplicité. Elle veut que tous puissent en profiter, refusant de faire des réservations : les premiers arrivés seront les premiers servis, elle calcule ses prix au plus juste. Sa passion est telle qu'elle l'isole du monde extérieur, des autres avec qui elle ne communique plus qu'à travers son art. Elle va ainsi se tromper dans l'éducation de sa fille qui en grandissant va devenir sa pire ennemie et précipiter sa chute.

J'avais déjà lu "Trois Femmes puissantes" de Marie Ndiaye que je n'avais pas du tout aimé ; je crois bien que j'avais expédié le dernier tiers du roman en diagonale. J'avais été rebutée par le style de l'auteur, lourd, redondant, surchargé. Ici le style est le même : des phrases à n'en plus finir avec des qui, des que à répétition, pas de chapitres, seulement un long monologue. J'avoue que, échaudée par ma première rencontre avec l'auteure, je n'aurai jamais acheté "La Cheffe, roman d'une cuisinière" de moi-même, mais je l'ai reçu dans le cadre d'un swap.......Armée de courage, je me suis plongée dedans et bien m'en a pris puisqu'au bout de quelques pages l'impression désagréable causée par ces longues phrases et ces nombreux adjectifs a disparu. La plume de Marie Ndiaye servant au contraire à enrichir le récit et j'ai été emportée par l'histoire de cette femme entière, inspirée, se donnant corps et âme à son art.
Lien : http://memoiredelivres.canal..
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Magnifique roman presque mystique sur la cuisine.
Marie Ndaye crée un personnage âpre, exigeant, attachant, hors du temps et des modes. La Cheffe est aussi une histoire d'amour de sublimation et de transmission.
Marie Ndaye a un style d'écriture très particulier. On savoure sa langue comme un plat cuisiné !
J'ai adoré !
Lien : http://clubdelecture.tubize-..
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Je n'ai jamais été gênée par les phrases longues et enveloppantes de Marie Ndiaye, bien au contraire... Dans ce livre, bien loin de les ressentir comme des phrases- "constrictors " (c'est la métaphore utilisée en 4ème de couverture, et qui n'est pas totalement fausse, j'en conviens...), moi je les ai ressenties comme une sorte de système galactique: pendant les 15-20 premières pages j'étais comme en orbite autour du roman, ni attirée ni repoussée, mais pas totalement dedans. Je n'arrivais pas vraiment à croire au personnage du narrateur, ce vieil admirateur énamouré. Et puis quelque chose s'est passé, et brusquement j'ai été comme happée par un champ magnétique irrésistible . Impossible de lâcher ce petit roman, si original, si austère, avec son personnage de "cheffe" quasiment janséniste, son approche de la cuisine au rebours de l'approche conventionnelle ( Sensualité, Erotisme des papilles, et tutti quanti...).
Sous ses allures puritaines, pour moi, un très grand roman!!
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Comment une jeune femme devient-elle une cuisinière de génie ?
Peut-on parler de grâce ? de vocation ? Pour mener cette enquête, Marie Ndiaye confie la narration à l'ancien assistant, et amoureux, de cette cheffe énigmatique. Ainsi, le lecteur est placé au plus près de l'exploration d'une destinée. C'est déjà extraordinaire. Mais ce n'est pas tout. La question de la filiation, à travers les personnages des filles - celle du narrateur et celle de la Cheffe - est questionnée en parallèle. Voilà l'intérêt encore aiguisé pour les personnages ; s'y ajoute le délice d'une écriture virtuose ! On perçoit bien l'empathie - voire une communion - entre l'artiste écrivain et son personnage, artiste cuisinier. Un vrai coup de coeur, autant littéraire que gastronomique !
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