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Paul Quilès (Autre)Miho CIBOT-SHIMMA (Traducteur)
EAN : 9782749165615
144 pages
Le Cherche midi (09/07/2020)
4.75/5   8 notes
Résumé :
Le 6 août 1945, à 8 h 15 du matin, une gigantesque boule de feu est apparue 500 mètres au-dessus de la ville japonaise d'Hiroshima. Avec le bombardement nucléaire déclenché par les États-Unis, « le feu du plus atroce génie humain s'abattait sur une population d'enfants, de femmes, de vieillards et d'hommes innocents », selon les mots de l'écrivain Bernard Clavel. Keiji Nakazawa habitait avec sa famille à un peu plus d'un kilomètre du centre-ville, dans un quartier o... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Keiji Nakazawa vivait avec sa famille à Hiroshima le jour où la bombe a explosé. Sur le chemin de l'école, comme des milliers d'autres enfants, il a laissé à quelques centaines de mètres derrière lui une maison détruite. Son père, un frère et une soeur, parmi ses cinq frères et soeurs, ont succombé instantanément ou presque, quand sa mère a miraculeusement survécu, donnant naissance au même moment à une petite Tomoko...qui ne survivra que quatre mois à cet enfer.

Raconté sous forme de très courts chapitres de deux, trois pages, l'auteur du célèbre Gen d'Hiroshima, nous livre dans ce témoignage quelques-unes des scènes qui n'ont jamais quitté sa mémoire, et comment pourrait-il en être autrement. Images sur le vif de corps à vif, chairs pantelantes de ces fantômes errants à la recherche de nourriture, pantins hagards qui ne tiennent debout que par miracle, déjà dévorés par les mouches et les vers, et dont on ne sait pas s'ils sont mués par un automatisme zombie ou par un dernier sursaut de volonté propre…Ils souffrent terriblement…D'autres ont eu davantage de « chance » … carbonisés, et figés sur place.

Un témoignage aux frontières de l'indicible et de l'horreur. Ces pauvres gens ne comprennent pas ce qui leur arrive, et on prendra bien soin de leur cacher la vérité autant qu'on pourra. On sent que Keiji en a particulièrement après l'ABCC (Atomic bomb casuality commission), un bureau vite installé par l'armée américaine, qui va ausculter la population rescapée sous toutes les coutures, non pas pour soigner l'un ou l'autre des nombreux problèmes de santé survenus, mais à des fins scientifiques, en étudiant là des cobayes. Il n'y a pas de compassion chez l'occupant, et les autorités japonaises qui reprendront peu à peu la main ne seront pas plus transparentes ni charitables.

Un témoignage choc, et bouleversant par sa sobriété réaliste. le style est lapidaire et limpide, et surtout pas larmoyant, non « poético-romantique ».
Il faut saluer cette réédition de 2020 au Cherche-Midi, un quart de siècle déjà la première. La saluer dans son principe même, à l'heure où évidemment il n'y a presque plus de survivants, pour sauver et cristalliser cette mémoire. La première de couverture est particulièrement réussie dans sa forme. Les informations de titre et d'auteur sont englobées dans un médaillon rouge, qui nous ramène au pays des racines du soleil, apposé sur l'éloquente photo de cette femme dans les ruines avec sa fille, femme qui esquisse malgré tout un sourire…les Japonais ont cette force de si peu se plaindre, de souffrir en silence, et de se remettre sans tarder, et inlassablement au travail.

Je regrette cependant un grand oublié de cette couverture, Bernard Clavel. Son texte de l'édition de 1995 a été conservé, mais il n'en apparaît cette fois aucune mention en première de couverture, et extrêmement discrètement en quatrième ! On lui aura préféré une préface d'un ancien ministre de la Défense, un politique qui voudrait nous faire croire que le traité d'interdiction des armes nucléaires de 2017 changera l'avenir de l'humanité, alors même qu'il convient que les Etats-Unis, la Russie ont renoncé à leurs engagements, que la non-prolifération a été une chimère (Iran, Corée du Nord), et que la Chine poursuit activement et sans états d'âme son entreprise de rattrapage. Et quand on sait que la France et le Japon (un comble !) se sont abstenus de ratifier ce traité d'interdiction, cela laisse peu d'espoir... On se fiera donc plus sûrement au superbe plaidoyer de Bernard Clavel pour la Paix. Cet homme n'a cessé de revendiquer son pacifisme toute sa vie et au fil de son oeuvre immense. Et il n'a pas sa langue dans sa poche pour dénoncer les vas-t-en guerre, les pacifistes de salon vite gagnés par la mollesse des politiques qui n'agissent pas et envoient des jeunes se faire liquider. Au passage, il égratigne même les femmes, dont on ne cesse de dire que si elles étaient au pouvoir, il n'y aurait plus de guerres (tu parles, il suffit de voir la terreur qu'inspire déjà la soeur de Kim Jong Un, une femme glaciale et impitoyable à la main de fer, ou encore, dans le registre du non-respect des droits de l'Homme, une certaine prix Nobel de la Paix qui depuis qu'elle participe au pouvoir les laisse être bafoués sans sourciller). Pour Clavel, elles ont longtemps été et sont encore souvent trop sensibles au charme viril de ces maris et fils en uniforme. Bref, voici un pacifiste qui pour le coup ne se privait pas de canarder, dès lors qu'il s'agissait d'une juste cause. Mais cette pugnacité n'a jamais caché un terrible pessimisme : n'en déplaise aux beaux discours sur le nécessaire « équilibre de la terreur » qui justifie la course au nucléaire militaire, les armes inventées au fil des âges ont toujours fini par servir. Un texte sans la moindre concession, qui m'incite décidément à placer également la présente critique parmi celles consacrées à la première édition, qui plaçait Bernard Clavel en co-auteur, parce qu'il le vaut bien.

En fin d'ouvrage, un mot sur les hibakusha, ces japonais irradiés qui souffraient et souffrent encore dans leurs chairs des décennies après, mais aussi dans leur âme, victimes de discriminations voire de harcèlement, comme malheureusement il en existe sous bien des formes au Japon quand on n'est pas dans la norme collective.

Enfin, un rapide mais efficace topo sur les différents types de bombes nucléaires : atomique, à hydrogène, à neutrons, très didactique. En gros, les bombes A sont à uranium (Hiroshima) ou, plus puissantes, à plutonium (Nagasaki). Mais les bombes H, mises au point quelques années après sont mille fois plus puissantes…Une seule bombe H a une capacité de destruction six fois plus grande que toutes les bombes conventionnelles larguées durant la seconde guerre mondiale.

Au-delà d'un témoignage capital sur la première tragédie nucléaire de l'Histoire et ses conséquences, cet ouvrage qui se lit très rapidement constitue une synthèse utile et intelligemment agencée sur le sujet.
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Lecture d'actualité, comme le sont toujours les mémoires de gens ayant vécus des catastrophes et les horreurs de la guerre !
Ce livre est le récit d'un petit garçon qui vivait sa vie d'enfant à Hiroshima durant la guerre, qui se battait contre la famine et en subissait la douleur, jusqu'à ce terrible matin d'été. La bombe a été larguée sur une ville quasiment épargnée jusque là. Un test grandeur nature à quelques instants de la redition du pays pour les uns, ce qui a permis la capitulation du pays pour les autres... Mais pour cet enfant l'horreur et l'incompréhension. Son récit m'a bouleversé.
A lire absolument !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Ma mère, réveillée elle aussi, réagit : "Pauvres gens ! Va chercher de l'eau pour eux." Nous dormions à côté d'une pompe. Nous faisons plusieurs tours à l'aide d'un vieux casque et d'un bol cassé pour donner de l'eau aux malades. Quand nous approchons, certains se lèvent brusquement, comme s'ils sentaient l'eau. Ils avalent quelques gorgées à toute vitesse puis retombent. Ma mère demande à l'un d'eux ce qui lui arrive, et le secoue en lui parlant. Il est mort. La même scène se reproduit plusieurs fois. Les gens supplient pour obtenir un peu d'eau, boivent et meurent. Ma mère et moi nous sentons perdus devant ce phénomène.
Une nouvelle rumeur nous apprend bientôt qu'il ne faut pas donner d'eau aux brûlés car ils meurent tout de suite après avoir bu. Nous cessons donc d'en donner, croyant qu'elle est empoisonnée. Mais les blessés en réclament toujours en s'accrochant à nos jambes. Nous leur disons de s'abstenir de boire sous peine de mourir ! Nous nous recouchons. Les gémissements durent jusqu'à l'aube. Aujourd'hui, je m'interroge encore. Peut-être aurait-il mieux valu adoucir leurs derniers instants avec un peu d'eau.
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En octobre, la terrible nouvelle arrive. Ma mère nous a quittés. Je file à Hiroshima. Mon frère m'attend à la gare, tremblant de colère. ABCC a encore voulu effectuer des prélèvements sur le corps de ma mère. Mon sang ne fait qu'un tour. Ils sont venus avec des fleurs et de l'argent...mon frère raconte comment on lui a expliqué qu'il s'agissait de recherches importantes pour la médecine, que l'on ne toucherait que l'intérieur, que le corps serait rendu "propre" après les prélèvements, et rempli de coton...Il a refusé l'autorisation nécessaire. Je les aurais, moi, chassés avec des claques.
Je ne pardonnerai jamais à cet organisme. Je suis scandalisé une fois de plus par cette façon d'arriver, bien informé, quelques heures après la mort d'un irradié. Leurs fichiers sont d'ailleurs à jour car je reçois, moi aussi, leur courrier, à Tokyo.
Avec le temps, le Japon a pris en charge le centre ABCC, conjointement avec les Etats-Unis, mais je me demande toujours à quoi il sert réellement !
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Mon frère creuse là où se trouvait l'entrée de la maison. Je gratte, quant à moi, les morceaux de tuiles avec un bout de bois à moitié brûlé. Sous l'effet de la chaleur intense, la terre, telle de la cendre, est devenue toute blanche. Soudain, je dégage une partie de boîte crânienne d'enfant. Je crie : "C'est Susumu"...
Mon frère aîné se précipite, ramasse le crâne et me le met dans les mains. Je n'oublierai jamais ce moment-là. Le crâne de Susumu est tout blanc. Je le trouve beau. Le soleil chauffe très fort mais j'ai froid et je tremble. J'ai l'impression d'avoir des glaçons dans le dos et que mon sang coule à l'envers. J'imagine mon petit frère coincé par une poutre, brûlé vif en appelant maman.
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Le nuage noir file vite vers l'ouest, et le ciel s'éclaircit. Nous ignorons, évidemment, que cette pluie noire contient des éléments radioactifs dangereux pour les cellules vivantes. Je n'avais même jamais entendu prononcer le mot radioactivité auparavant ! Au nord-ouest de la ville, à l'opposé du quartier où nous sommes réfugiés, cette maudite pluie noire tombera abondamment. J'ai eu beaucoup de chance ce jour-là ! Quelques mois plus tard, des leucémies aiguës se déclareront chez les personnes fortement contaminées par cette pluie noire.
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Je reprends ma marche vers la maison. Sur le côté gauche du boulevard, des gens noircis, quasi nus, restent assis, les yeux fixés vers le ciel, hagards. Je ne peux pas distinguer si ce sont des hommes ou des femmes. Sur la droite du boulevard, du matériel de lutte contre les incendies semble en bon état. Des personnes visiblement peu blessées s'affairent autour et le mettent en marche. Quand j'arrive, l'eau commence à couler. Un groupe de damnés se précipite. Des femmes se versent de l'eau sur la peau, et entreprennent de s'extraire les éclats de verre. Le sang coule. Les plus brûlés, à demi nus, cherchent désespérément à atteindre l'eau en se traînant sur leurs genoux déchirés. Tous se déplacent machinalement, sans bruit, sans un cri de douleur. Ils me font penser à des larves d'insectes. Quand l'horreur franchit les limites de tout raisonnement possible, dépasse l'entendement humain, je me demande si les gens ne deviennent pas insensibles à la douleur. N'est-ce pas déjà l'au-delà ?
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Videos de Keiji Nakazawa (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Keiji Nakazawa
"Nos Temps contraires", manga de science-fiction de Gin Toriko et Senta Nakazawa, vient de remporter le Prix Seiun 2021, catégorie manga. Ce prix est décerné annuellement par les membres de la Convention nationale japonaise de science-fiction. A cette occasion, nous vous dévoilons un trailer pour vous plonger dans l'univers de cette oeuvre d'actualité !
Découvrir le premier chapitre en lecture gratuite : http://www.akazoom.fr/nos-temps-contraires-t1
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#NosTempsContraires #InstantShôjo
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