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4,18

sur 1489 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Irène Némirovsky a écrit ce roman inachevé au début de la guerre 39-45, alors qu'elle-même et sa famille se voyaient refuser la nationalité française.
La première partie, «Tempête en juin», relate comme si c'était en direct, l'exode qui jeta les Français sur les routes, fuyant devant l'avancée de l'armée allemande. On suit des Français de toutes les classes sociales dans cette fuite chaotique, et la plume élégante de l'autrice se fait grinçante, décrivant la petitesse des fuyards, alors que le sauve-qui-peut se conjugue au chacun pour soi. À travers les portraits des petits-bourgeois, banquiers, maîtresses, se glissent ceux d'un soldat blessé hébergé par une famille de paysans, Jean-Louis Marchand, et de ses parents qui le recherchent à travers leur exode. La deuxième partie, «Dolce», nous transporte dans une petite ville occupée et s'attarde à nous faire vivre cette occupation dans son aspect quotidien, où l'on côtoie l'occupant et qu'on apprend à le connaître. Chez les Angellier, famille de petite noblesse, la veuve et sa bru sont sans nouvelles du fils et mari au front et doivent héberger un officier allemand. Une relation interdite se noue à petites touches délicates entre Lucile Angellier et ce dernier, chacun se réalisant sans attache à leur conjoint lointain d'un mariage de convenance. Puis, par un concours de circonstances, la jeune femme se transforme en résistante alors qu'elle accepte d'héberger un paysan recherché par les Allemands qu'elle veut aider à se rendre à Paris. L'autrice avait prévu qu'elle y rencontrerait Jean-Louis Marchand, mais ce chapitre n'a pas été écrit, on le sait grâce à ses notes miraculeusement préservées, à l'instar du manuscrit.
L'écriture est fluide, tour à tour tendre et sarcastique, Irène Némirovsky est une fine observatrice de la nature humaine qui se révèle encore davantage, souvent laide ou parfois belle, en ces circonstances extrêmes.
C'est très bouleversant de réaliser que l'écriture de ce roman fut interrompue par son arrestation et sa déportation à Auschwitz, dont elle ne revint pas. Son mari subit le même sort funeste peu après, mais ses deux petites filles furent cachées, aidées, sauvées et avec elles, grâce à elles, le manuscrit de Suite française.
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Je redoutais quelque peu de me plonger dans cette lecture et finalement, j'ai dévoré ce roman.

Je me suis laissée porter par la plume d'Irène Némirovsky dont je redoutais pourtant le style ; je me suis “attachée” aux divers personnages (même les plus exécrables) et j'étais vraiment curieuse de découvrir leur histoire et de suivre leurs destins croisés. de les quitter, puis de les retrouver, et d'avoir ce lien qui les relie, aussi ténu soit-il. Et j'aurais tellement aimé les retrouver encore et connaître la fin de ce récit inachevé…

Car sur les 5 parties prévues, l'auteure n'aura eu le temps de n'en écrire que deux : Tempête de juin, relatant l'exode de juin 1940 et Dolce, qui conte le début de l'Occupation allemande dans un village français. Dans ces deux parties, plutôt indépendantes car nous n'y retrouvons pas les mêmes visages, Irène Némirovsky va surtout se concentrer sur ses personnages, leur état d'esprit, leurs choix et les relations qu'ils entretiennent durant cette trouble période plutôt que sur les faits historiques en eux-mêmes.

Ainsi, dans Tempête de juin, elle s'attache surtout à relater l'égoïsme et le chacun pour soi de ces bourgeois parisiens qui fuient la capitale en toute hâte, face à l'avancée de l'armée allemande. On y découvre divers portraits allant de la famille nombreuse et bien pensante, au couple modeste dont le fils unique est soldat, en passant par un odieux écrivain et sa maîtresse. Tous ont le même objectif : fuir. Mais ils ne prendront pas les mêmes chemins, ne rencontreront pas les mêmes obstacles et leur finalité ne sera pas la même tout compte fait.

Dans Dolce, Irène Némirovsky nous parle de l'occupation, assez douce bien qu'encombrante et indésirable. Les français ne fuient plus, ils attendent, retiennent leur souffle après le tumulte, chacun tentant de reprendre le cours de sa vie là où il l'avait laissée. L'auteure ne dramatise pas les faits. Elle tend même à redonner un visage humain à ces jeunes soldats étrangers qui ont, pour la plupart, le mal du pays… Elle s'attache à faire naître une histoire d'amour entre une jeune française et un officier allemand. Mais un amour interdit, tout en pudeur et retenu.

Par ailleurs, l'autrice ne fait aucun cas de ce qu'il advient des juifs. Les drames sont feutrés, on en croise mais cela demeure peu appuyé, ils se fondent dans le décor. Elle évoque les exécutions arbitraires et les ordres abjectes de l'armée allemande sans pour autant se focaliser dessus. Ce qui ressort vraiment ce sont les personnages et leurs décisions, leurs comportements. Bref, elle dépeint leur quotidien, même si ce dernier est chamboulé. Et c'est très intéressant d'avoir ce parti pris lorsque l'on connaît le destin tragique d'Irène Némirovsky.

Pour moi, ce livre est un monument. Une part de l'Histoire. Et lorsqu'on lit ce récit en gardant en tête le contexte de sa création, sa lecture ne peut que nous faire d'autant plus frémir. Irène Némirovsky a rédigé ce manuscrit quasiment en temps réel avant d'être déportée en 1942, puis assassinée à Auschwitz. Son oeuvre va demeurer cachée de nombreuses années au fond d'une valise conservée par ses deux filles, qui sont alors orphelines, et elles-mêmes recherchées par les “autorités” en place, afin d'être déportées, tout comme leurs parents...

C'est un récit touchant et captivant. Que de personnages, hauts en couleurs, chacun avec leurs failles et leurs défauts. J'avais adoré la série Un village français, et ce roman, de part sa construction, m'y a agréablement fait repenser.

Bref, lisez-le!

Challenge Multi-Défis 2023
Challenge ABC 2023-2024
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Un roman qui se déroule durant l'exode de la seconde guerre mondiale.
Une histoire qui relate la vie et les états d'âme de différentes classes sociales françaises.
L'écriture est fluide et en fait un très beau livre malgré néanmoins quelques longueurs on l'on peut se perdre facilement.

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Un chef d'oeuvre ! D'autant plus lorsque l'on sait que ce roman fut écrit "en direct". En effet, le recul qu'a Irène Némirovsky sur les évènements qui ont cours, sur l'humain pris dans un déferlement qu'il ne maîtrise pas, sur ses petitesses aussi... est exceptionnel. L'ensemble est de plus, servi par une écriture sublime, qui n'empêche aucunement une vraie intrigue de naître, avec rebondissements et sentiments. Une oeuvre complète - et on regrette que la suite de cette suite française n'ait malheureusement jamais pu voir le jour...
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600 pages d'une clarté inouïe.
Écrit au coeur de la tourmente, ce roman historique retrace un an d'occupation allemande à partir de juin 1940. Il y a d'abord l'exode de Paris, à travers la fuite de la famille bourgeoise Péricand, du couple Michaud, employés de banque, ou encore de l'écrivain Gabriel Corte. Viennent ensuite l'installation des allemands dans les villages français et la reprise de la vie quotidienne pour les civils restés à l'arrière. le récit captive dès les premières lignes.
Les descriptions au charme digne d'un François Mauriac et la profondeur psychologique des personnages instaurent une tension dramatique: le décor est posé avec justesse et révèle progressivement les travers les plus sordides de la nature humaine. Tout respire l'authenticité dans ce récit et si le caractère inachevé pose quelques problèmes de lien entre les parties, il en ressort une spontanéité qui fait très vite oublier ce défaut.
Il faut évidemment lire la passionnante préface qui retrace l'histoire incroyable de ce manuscrit finalement édité en 2004, plus d'un demi-siècle après son écriture et qui lui vaudra un prix Renaudot posthume, ainsi que la postface: des notes de l'auteur sur le projet du roman et un assemblage de correspondances entre le mari d'Irène et ses éditeurs.
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
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Suite Française/Irène Némirovsky /Prix Renaudot 2004
Irène Némirovsky est une romancière russe d'origine ukrainienne de langue française née en 1903 à Kiev. Émigrée en France à la révolution de 1917, elle est morte assassinée en 1942 à Auschwitz.
Elle est le seul écrivain à avoir obtenu en 2004 le prix Renaudot à titre posthume pour son roman « Suite française ».
Suite Française est un témoignage vécu sur l'Exode en juin 1940 sur les routes de France, puis l'Occupation allemande, après la Débâcle face à l'invasion allemande.
La Suite se décompose en deux mouvements : Tempête en juin et Dolce.
Plusieurs familles sont mises en scène.
Tout d'abord la famille Péricand, issue de la haute bourgeoisie parisienne, Charlotte et Adrien les parents et leur cinq enfants, Philippe l'aîné qui est prêtre, Hubert 18 ans, Jacqueline 9 ans, Bernard 8 ans et Emmanuel un bébé. Ajouter la femme de chambre Madeleine, le valet de chambre Auguste, la cuisinière Maria, le sénile père d'Adrien et le chat Albert. Tous vont devoir fuir la capitale en voiture, en vélo ou encore à pied…Une fuite épique !
L'écrivain Gabriel Corte et sa maîtresse Florence devront eux aussi fuir la capitale ainsi que la famille Michaud, le mari et la femme employés de banque avec le sieur Corbin lui aussi de la banque avec sa danseuse de maîtresse, la belle Arlette.
Charles Langelet est un collectionneur d'objets d'art, un esthète raffiné pour qui quitter son appartement, un véritable musée, est un crève-coeur.
Tous et tous les autres vont être des réfugiés aux figures lasses, livides, en sueur en ce mois de juin caniculaire, avec les enfants en pleurs, à la recherche en cours de route d'un lit et d'un morceau de pain :
« Cette multitude misérable n'avait plus rien d'humain ; elle ressemblait à un troupeau en déroute ; une singulière uniformité s'étendait sur eux. Leurs vêtements froissés, leurs visages ravagés, leurs voix enrouées, tout les rendait semblables. »
Maurice Michaud, dont le fils Jean Marie a été envoyé au front, est le seul à comprendre que l'Histoire est un éternel recommencement :
« Envers ses compagnons de souffrance, Michaud éprouvait de la pitié, mais elle était lucide et froide. Après tout, ces grandes migrations humaines semblaient commandées par des lois naturelles songeait-il… Il se souvenait que les exodes avaient eu lieu de tout temps. »
Hubert Péricand que l'inaction ronge devant cette débâcle rejoint les soldats en déroute et ne peut s'empêcher de constater que ceux qui l'entourent, sa famille, ses amis, éveillent en lui un sentiment de honte et de fureur. Il voit sur les routes les fuyards, officiers, politiciens et fonctionnaires abandonnant leurs postes et songe :
« Et dire que personne ne le saura, qu'il y aura autour de ça une telle conspiration de mensonges que l'on en fera une page glorieuse de l'Histoire de France…Le réfugiés pillaient les maisons…Partout le désordre, la lâcheté, la vanité, l'ignorance ! »
Dans la seconde partie entrent en scène les dames Angellier, la mère et la belle fille Lucile dont le mari Gaston est retenu prisonnier en Allemagne. Cette partie du récit évoque les conditions de l'Occupation et les relations des soldats allemands avec la population dans le Morvan. Il est même arrivé qu'une certaine admiration se fasse jour dans l'esprit de Lucile qui visiblement est tombée amoureuse d'un gradé allemand :
« Elle avait trouvé comique autrefois cette courtoisie surannée, un peu affectée des soldats du Reich. Maintenant, elle pensait qu'elle regretterait ce tintement léger des éperons, ces baisemains, cette espèce d'admiration que lui témoignaient presque malgré eux ces soldats sans famille, sans femme… »
Jusqu'au jour où la Russie entre en guerre en juillet 1941 : les Allemands qui avaient alors pris leurs habitudes et parfois pactisé avec la population repartent vers d'autres horizons…plus à l'est.
le récit reste inachevé : en effet Irène Némirovsky est arrêtée, déportée et exécutée à Auschwitz en 1942. Dans une annexe figure l'ébauche d'une troisième partie.
Ce livre nous montre une facette de la guerre, celle vécue par le peuple des villes et des campagnes lors du chaos de l'Exode de 1940, loin des combats. Dans un style percutant et sincère, sans aucune concession, l'auteure nous fait connaître ce que les livres d'histoire ne nous ont jamais dit.
Pour la petite histoire, il faut savoir que c'est la fille de l'auteure, Denise Epstein, qui a caché durant 60 ans les deux premiers tomes manuscrits que lui avait confiés sa mère avant d'être arrêtée et a décidé finalement de les faire publier.



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Un roman sur la seconde guerre mondiale d'une justesse et d'une clairvoyance impressionnante. Les personnages sont humains, avec leurs qualités et leurs défauts. Et ce quel que soit leur côté de l'Histoire.
L'auteure a un recul sur les Hommes et sur les faits qui est impressionnant quand on sait que ce roman a été écrit au coeur de cette guerre. Mais également quand on découvre l'histoire et le destin de cette femme, qui ne reviendra jamais de déportation.
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Quelques semaines après avoir vu un document à la télévision sur le sujet, je me suis plongé dans Suite française qui traite du même grave sujet : l'exil des Français vers le Sud, en 1940, alors que les Allemands s'apprêtent à prendre Paris et tout le Nord de la France. Avec finesse sur la construction narrative (chaque chapitre s'intéresse à des familles différentes, habitant en ville ou en campagne, de milieu aisé ou plus modeste, personne seule, couple ou grande famille, banquier ou employé ou paysan), Irène NEMIROVXSKY nous traîne sur les routes engorgées lors d'un « sauve-qui peut » massif devant l'ennemi qui approche. Elle nous fait toucher du doigt les interrogations quotidiennes des exilés qui se posent alors : qu'emmener avec soi ? que cacher ? faut-il fermer son logement ? que manger ? où loger ? où trouver de l'essence ? faut-il être solidaire des compagnons d'infortune rencontrés ici ou là ? que demander aux habitants des villes et villages traversés ? On suit avec grand intérêt les tribulations des bourgeois aisés Péricand (grand-père, mère, enfants, nounou), du couple d'employés de banque, M. & Mme Michaud (aux prises avec un patron, Corbin, imbuvable, qui les licenciera pour ne pas avoir réussi à gagner Tours), du devenir de leur fils Jean-Marie parti à la guerre, blessé, soigné dans une ferme auprès de Madeleine & Cécile qui ne sont pas insensibles à son charme mais sont promises à d'autres hommes partis au front, de l'artiste Gabriel Corte (qui déteste cette populace qui se traîne à ses côtés sur les routes) et de sa femme, de l'abbé Philippe Péricand (fils des premiers nommés) chargé d'emmener de jeunes garçons de l'orphelinat dans le Sud, de son cadet Hubert, jeune impétueux de quinze ans parti se battre à Moulins. Cette galerie déjà très riche de portraits qui se débrouillent, volent, achètent à prix d'or, s'entraident, fuient, meurent, survivent, sont blessés … suffirait déjà à un roman mais Irène NEMIROVSKY décide aussi, avec bonheur, de poursuivre l'aventure avec l'arrivée de ces réfugiés à destination et surtout la période de l'Occupation où les soldats allemands réquisitionnent vélos, bétails, fusils, denrées, chevaux, vin, etc. en plus de se faire loger chez l'habitant (notamment dans la commune de Bussy). Là encore, l'auteur décrit avec intelligence les enjeux locaux : comment les habitants doivent accueillir ces occupants ? faut-il les haïr et le leur montrer ? faut-il juste se montrer poli ? faut-il être cordial avec eux car ce ne sont ni plus ni moins que des pères de famille qui ne rêvent que de retour à la maison comme de nombreuses femmes françaises rêvent de récupérer leurs maris disparus, blessés ou prisonniers ? Chacun épie son voisin, le jalouse, le dénonce à la Kommendatur. Les bourgeois du bourg jalousent les paysans pour les aliments que les fermes possèdent. Les paysans jalousent les bourgeois du bourg pour les biens et l'aisance financière qu'ils leur prêtent. Je m'arrête là car il y aurait tant à dire encore … Ah non ! Quand même ! J'allais oublier : les annexes livrent une correspondance émouvante entre Irène NEMIROVSKY et son éditeur (dans laquelle elle s'inquiète de son sort, israélite apatride car ayant fui l'URSS bolchevique) jusqu'à sa déportation en juillet 1942 puis entre Michel EPSTEIN (son mari) et leurs amis influents (notamment l'éditeur ALBIN MICHEL) pour tenter de savoir ce que sa femme passée par le camp de transit de Pithiviers (Loiret) est devenue [elle sera en fait déportée à Auschwitz où elle mourra du typhus] … avant que lui-même soit déporté et que la correspondance se poursuive entre une amie de la famille qui a bien voulu prendre en charge leurs deux filles et ces mêmes amis influents qui l'aident financièrement à s'en sortir. Irène NEMIROVSKY nous livre aussi ses notes où l'on apprend que Suite Française n'est en fait que la réunion des deux premiers volumes achevés sur les cinq volumes prévus. C'est l'une des deux filles, Denise, qui fera paraître ces deux volumes alors que sa mère est déjà morte. Avec un tel contenu magnifique, des coulisses d'écriture aussi tragiques, une valeur historique inestimable, ce roman, vous l'avez compris, m'a emballé !!
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J'ai lu, j'ai relu, et je relirai Suite Française. Pour moi, ce livre est à l'exode de 1940 ce que "La Peur" de G. Chevallier est à la guerre de 14/18. Un témoignage saisissant de ce que furent ces heures sombres. Plus qu'un roman, un document d'un réalisme époustouflant sur le comportement des hommes propulsés dans le chaos de la fuite. Ou confrontés à l'Occupation dans leur quotidien. En un an, Irène Nemirovsky avait compris ou pressenti toutes les ambiguïtés, toute la fausseté des rapports entre occupés et occupants. Elle raconte les tentations ou le refus de la collaboration bien avant que le mot ait pris le sens qu'on lui connaît aujourd'hui. Cette prescience est bouleversante quand on a à l'esprit, ce que fut le sort d'Irène Némirovski, dans les mois suivant l'écriture de ces textes.
Et pour connaître l'incroyable parcours du manuscrit jusqu'à sa publication, et celui, terrible, des filles d'Irène Nemirovsky, le témoignage de Denise Epstein : https://entretiens.ina.fr/memoires-de-la-shoah/Epstein/denise-epstein



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Quelle découverte, cette écrivaine !
Dans le contexte de la situation geo-politique actuelle en 2022 dans l'est de l'Europe, j'ai trouvé ce livre « par hasard ».

J'ai lu uniquement la première partie, Tempête en Juin. Jamais je n'ai « lu » une fresque historique relativement récente sous forme de roman, peinte quasiment en direct avec autant de précision, de finesse et de lucidité, d'ironie et même d'humour!
Les mots d'Irène Némirovsky sont de véritables coups de peinture ! Un pinceau très fin, des couleurs à l'infini ; ce roman réaliste composé de 4 tableaux autour de quatre personnes et familles parties sur les routes en quittant Paris, en juin 1940, est une galerie d'art…

Une galerie d'art dans le décor réel d'un monde tragique, celui du début de la 2ème guerre mondiale.
Comment cette écrivaine, d'origine juive née à St Petersbourg dans une riche famille bourgeoise mais ayant vécu et étudié en France dans un grand confort matériel et spirituel, a appris à avoir un regard aussi acéré, juste, tendre, lucide, sans pitié, ironique mais aussi poétique sur les êtres humains et leur environnement ? Son intelligence, son sens de l'observation ?

Grande bourgeoise elle-même, dans ce premier volet l'auteure observe et brosse les portraits très riches en couleur et en psychologie des gens qui se lancent sur les routes pour fuir Paris :
Les Péricand, une famille bourgeoise avec un grand-père en fauteuil roulant et 2 fils -dont l'un est prêtre et l'autre, Hubert, qui veut se battre dans l'armée en quittant la famille pendant leur fuite. Leurs domestiques ; le riche écrivain Gabriel Corte, imbu de lui-même, et sa maîtresse Florence ; les Michaud, couple d'honnêtes employés de banque de situation un peu modeste. Leur fils est déjà enrôlé dans l'armée; Charles Langelet, célibataire égoïste raffiné et pédant qui aime les belles collections, vivant hors du temps.

Oui, ces personnes ont des caractères, des pensées, des réactions, des peurs, des ressentis, des espoirs, tous rendus d'une façon magique. Dans les épreuves, on sent que certaines changent, deviennent moins égoïstes, plus humaines. D'autres font semblant de rien, ne voient rien et espèrent que tout ira bien pour eux pour toujours. Oui, on a de la sympathie pour certain-e-s d'entre eux !

Ces récits se joignent ici et là, il y a des rebondissements inattendus et réussis. Parmi les pépites…Deux pages consacrées uniquement à l'observation d'un chat dans un jardin dévasté, un régal de poésie. La description de ce mois de juin si doux, si fleuri et printanier. Et le jeune garçon Hubert, dans sa naïveté et sa jeunesse, on ne peut que l'aimer. Et puis, les derniers instants du vieux Péricand entouré d'un notaire et de 2 nonnes …épique ! La fin surprise de ce Langelet. le retour inattendu du jeune Hubert présumé mort. de grands moments de lecture !

La mosaïque humaine que peint Némirovsky est d'une grande finesse et justesse. Sans jamais juger, l'auteure témoigne d'une très grande maturité personnelle. Némirovsky a senti arriver l'horreur avec lucidité et ne s'est pas trompée. Elle a eu 100 fois raison d'écrire ce printemps 1940 sous forme de roman. Mais voulait-elle absolument témoigner ? Pas si sûr…
Ecrire passionnément, telle était sa mission…

Un très grand talent qui malheureusement s'est éteint à l'âge de 39 ans dans les camps nazi.
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