Le major Tsham Sakayonsa aurait dû prendre les gris-gris trouvés devant sa porte un peu plus au sérieux ! Lui « qui charriait la gent fétichiste, les marabouts et les maraboutés, les tronches vouées au maraboutage » aura beau faire intervenir un aumônier papiste, un exorcisme en règle ne l'empêchera de se trouver peu de temps après nez à nez avec un poids lourd des FAZ. Ni sa mini-Austin, ni lui n'en réchapperont !
Voici donc Kizito, dit Zito, personnage principal du roman et frère du défunt, obligé de quitter Paris pour Kinshasa afin d'assister aux obsèques. Avec l'idée de repartir sitôt cette formalité accomplie. C'est bien mal connaître l'Afrique, où tout ce qui touche de près ou de loin à la mort n'est jamais simple. Aspiré dès son arrivée à l'aéroport dans une succession de déboires et de maraboutages, Zito, « Euroblack » rationaliste, va devoir faire appel à la SOGA-7, une société de sécurité et de surveillance dirigée par un « expat » anglais plus vrai que nature, pour enquêter sur la mort mystérieuse du major et la disparition de ses économies.
Mais il est bien difficile de se faire aux moeurs et aux usages du pays après quinze ans d'absence. Zito a beau se méfier de tout et de tous, il n'en revient pas de toutes les tuiles qui lui tombent dessus : racket organisé (fonctionnaires divers et de tous grades), extorsion sous la menace (voyous en tous genres), intimidation (femmes vénales). Dans ce monde zaïrois de pouvoir et de fric, il est bien difficile de trouver son chemin, surtout quand la sorcellerie s'en mêle.
Portrait sarcastique sans concessions du Zaïre des années 90 et du cynisme de ses dirigeants « kleptocrates » (les choses sont-elles différentes dans la RDC d'aujourd'hui ?),
Sorcellerie à bout portant est une plongée dans le mode de vie d'une population en très grande difficulté pour qui le fatalisme reste l'ultime rempart contre la dureté du quotidien. Un monde de violence où survivre à tout prix entraîne corruption généralisée, magouilles de toutes sortes, racket et violence. Question style le lecteur est gâté : le mélange d'argot français, de verlan et d'expressions kinoises (glossaire fourni en fin de volume) donne naissance à une langue imagée et fleurie. Un peu trop peut-être quand
Achille F. Ngoye se laisse emporter pas son propre lyrisme aux dépens de l'intrigue (comme chez
San Antonio parfois). Mais l'on passe un très on moment avec
Sorcellerie à bout portant, qui n'est pas seulement un bon polar « à l'africaine » mais un excellent polar !
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http://www.polars-africains...