On trouve dans cet ouvrage un délicieux style suranné. Que les auteurs écrivaientbien à cette époque...
Ce livre est un recueil de nouvelles dont la trame de fond est la guerre Franco-Prussienne de 1870.
Écrit à la toute fin du XIX siècle, il témoigne admirablement de la haine que se vouent ces deux peuples, du courage et de l abnégation de nos soldats mal commandés et de quelques héros civils, de la veulerie d une autre partie commerçant volontiers avec l ennemu, collaborant même, et ajoutant du déshonneur à la défaite.
Commenter  J’apprécie         40
Très belle évocation de la guerre de 1870 , Léon bloy nous livre ici des nouvelles qui passent par tous les sentiments , parfois drôles , cruelles ou tristes malgré les évènements qu'elles décrivent ...
Commenter  J’apprécie         20
Il y avait surtout, et l’histoire en est surprenante, une fille protégée par un vieux tringlot gardé, je crois, par pitié, et qui pourrissait à vue d’œil. L’aspect seul de ce chevalier de la couperose et de l’eczéma, muselé de croûtes perpétuelles eût dû être, pour les amateurs de sa compagne, le plus efficace des prophylactiques.
La vue même de cette compagne semblait, tout d’abord, ce qu’on peut imaginer de moins excitant. Visiblement consumée de phtisie et la face en tête de mort, on l’appelait l’Épitaphe, dénomination singulièrement expressive et presque géniale, après laquelle une tentative de portrait serait ridicule.
Mes petits cochons, gueula Proserpine, le sergent-major de la 2e, vous savez qu’on va rigoler cette nuit. Il paraît qu’ils sont quarante mangeurs de choucroute dans une maison pas bien loin d’ici. C’est un chemineau qui est venu le dire au commandant. On va leur faire un bout de visite passé minuit. C’est le lieutenant qui conduira le cotillon. Moi, j’ai dit que je trouverais bien une soixantaine de lapins de bonne volonté. On ne force personne. Ceux qui ont la chiasse sont même priés de ne pas venir.
Il était raté comme on est cocu, quand on manque de résignation.
L'avenir ne le croira pas. On ne pouvait faire un pas sans enfoncer à mi-jambe. On eût dit que des mains flasques et puissantes saisissaient, au fond de chaque ornière, les sabots des misérables que les fournisseurs et l'intendance, persuadés de l'insolvabilité du camp, s'obstinèrent à ne pas chausser.
[…] On voyait des êtres jeunes et robustes, les plus intelligents peut-être, dont on eût pu faire des soldats, s'arrêter privés d'énergie, enfoncés dans la boue jusqu'aux genoux, jusqu'au ventre, et pleurer de désespoir.
[…] Ces "humains au front sublime" comme disait Ovide, faits pour contempler le ciel, étaient moins rongés par la famine que par l'ambition de revoir enfin leurs pieds...
- De quoi ? de quoi ? hurla-t-elle de cette voix lente et rauque des infécondes brûlées d'alcool, - voix affreuse à décourager les saintes Milices et qu'on croit entendre venir des lieux souterrains, - marmiton ! qu'y met-on ? tontaine et tonton. C'est donc toi le fiston des vaches, qui dégueules sur les putains. Voilà-t-y pas que je le dégoûte, ce vieux ponton. Oh ! là ! là ! Y faudrait p't'être ben lui servir des duchesses sur une pelle à m..., à ce pané-là. Dis-donc, hé ! mufle, tu serais pas l'ami des Prussmards, quéquefois, pour mépriser le pauv' monde, avec tes belles frusques de pas grand'chose et tes escarpins vernis. Combien qu'y t'ont payé, les salauds, pour te foutre des Parisiens, espèce de badingueusard ? Hé ! va donc, vendu, sale Judas, espion prussien ! prussien ! prussien !
Mot terrible, en ce temps-là, que ce dernier mot ; plus à craindre qu'une volée de mitraille et qui produisit l'effet d'un tison dans une poudrière. Les vociférations crapuleuses de cette chamelle en délire emplissaient maintenant la rue, inondaient la place voisine, montaient jusqu'aux toits, faisaient tressaillir profondément le populo.
http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Le 29 novembre 2015 - pour l'émission “Les Racines du ciel” (diffusée tous les dimanches sur France Culture) -, Leili Anvar s'entretenait avec François Angelier, producteur de “Mauvais genres” à France Culture, chroniqueur au Monde, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels on peut citer le “Dictionnaire Jules Verne” (Pygmalion, 2006) et le “Dictionnaire des voyageurs et explorateurs occidentaux” (Pygmalion, 2011). Il vient de publier “Bloy ou la fureur du juste” (Points, 2015), essai dans lequel il revient sur la trajectoire de Léon Bloy, qui ne cessa, entre la défaite de 1870 et la Première Guerre mondiale, de clamer la gloire du Christ pauvre et de harceler sans trêve la médiocrité convenue de la société bourgeoise, ses élites et sa culture. Catholique absolu, disciple de Barbey d'Aurevilly, frère spirituel d'Hello et de Huysmans, dévot de la Notre-Dame en larmes apparue à La Salette, hanté par la Fin des temps et l'avènement de l'Esprit saint, Léon Bloy, écrivain et pamphlétaire, théologien de l'histoire, fut un paria des Lettres, un « mystique de la douleur » et le plus furieux invocateur de la justice au coeur d'une époque dont il dénonça la misère sociale, l'hypocrisie bien-pensante et l'antisémitisme. Bloy ou le feu roulant de la charité, une voix plus que présente - nécessaire. Photographie : François Angelier - Photo : C. Abramowitz / Radio France. François Angelier est aussi l'auteur de l'essai intitulé “Léon devant les canons” qui introduit “Dans les ténèbres”, livre écrit par Léon Bloy au soir de sa vie et réédité par Jérôme Millon éditeur.
Invité :
François Angelier, producteur de l’émission « Mauvais Genres » à France Culture, spécialiste de littérature populaire
Thèmes : Idées| Religion| Leili Anvar| Catholicisme| Mystique| Douleur| Littérature| François Angelier| Léon Bloy
Source : France Culture
+ Lire la suite