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EAN : 9782493823137
200 pages
Belleville éditions (17/05/2024)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Hans van Rooyen est un ancien officier de policier, qui a été élevé par deux femmes ayant survécu à la seconde guerre des Boers de 1899. A 80 ans, il vit désormais dans une maison de repos. Mais il est terrassé par le souvenir des crimes qu'il a commis durant l'apartheid. Fille de militants du combat pour la liberté, Zoe Zondi est son infirmière de nuit. Elle le convainc de révéler ses secrets.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
🌱Chronique🌱

« Mes démons auraient plus vite fait de venir me chercher avec leur démarche grotesque à la Thriller de Michael Jackson pour me traîner dans la tombe. »

Ses démons sont coriaces, mais si vous voulez mon avis, je dirai qu'il l'a bien cherché, et maintenant qu'ils se précipitent à son chevet, que ça sent la terre remuée, est-ce que ça doit aller vite ou doucement? Madala ou pas, s'ils venaient le prendre, ça ne serait qu'un juste retour de karma. Mais à 80 ans, est-ce qu'on craint vraiment de voir cette danse désarticulée de zombies? Je crois que Hans appréhende les fantômes de son histoire personnelle. Je crois qu'il est seulement en train de comprendre le mal qu'il a pu accomplir durant sa vie, et d'en mesurer l'étendue. En racontant sa version des faits à Zoé, l'infirmière qui veille sur ses nuits agitées, il nous retrace l'Histoire de l'Afrique du Sud. Celui du côté des oppresseurs. Et s'il n'y a rien de bien joli derrière ses innombrables actes de violences, on comprend mieux la teneur de ses angoisses. Il en est là, avec cette menace du Covid qui tente de passer les portes de cette maison de repos, à confier, espérant peut-être l'absolution de cette femme aux gestes tendres, presque incapable d'édulcorer son implication dans les ignobles crimes d'apartheid. Tour à tour, nous avons l'histoire de l'un et de l'autre, dans un contraste saisissant, qui nous rappelle, tout de même, que leur côté humain les rapproche bien plus qu'ils ne le pensent…L'essentiel est dans leur moment présent. Ce moment présent et ce qu'ils choisissent d'en faire. L'essentiel est dans ce qui est dit, dans leurs échanges, dans leurs confiances qui s'éveillent. C'est ensemble qu'ils apprennent à se parler, à se comprendre, peut-être même à (se) pardonner. C'est ce qu'il faudra retenir de leurs échanges, la Vérité nue, qui ne les a pas emporté. La vérité nue d'un homme et d'une femme. La vérité nue des horreurs commises dans ce pays. La vérité nue de ceux qui massacrent et de ceux qui prennent soin. La vérité nue de ceux qui dominent et ceux qui subissent la domination. La vérité nue, comme ultime possible. Car à la fin, il ne reste que cela. Les démons auraient bien pu manger, danser, déguiser tous les mensonges, ils ne peuvent rien contre la Vérité. Alors, est-ce qu'on a peur, au final, des démons ou de la Vérité nue?
Je suis ravie d'avoir lu et de m'être totalement immergée dans ce roman venu d'ailleurs. L'Afrique est fascinante, et il y a tellement à découvrir d'elle. Je me plais tellement à faire ces voyages grâce à la littérature. Bien sûr que cela raconte des traumatismes et des douleurs atroces, mais il est nécessaire que ces histoires nous arrivent, pour qu'enfin, les blessures puissent espérer se refermer, avec le temps. Et guérir? Est-ce les écrivain.es ne seraient pas nos aides-soignants de l'Histoire? J'adore la plume et la puissance des histoires de Futhi Ntshingila. Encore une fois, l'émotion est au rendez-vous. C'est bouleversant et captivant. Très dur, aussi. Tres doux, également. Elle arrive à combiner ces deux extrêmes pour raccommoder les coeurs. Je suis convaincue que c'est une autrice à suivre, à choyer, à encourager avec ferveur. Mon coeur vous le dit comme il le ressent: Alors toi aussi, tu vas le lire et l'aimer sans retenue?
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La romancière sud-africaine Futhi Ntshingila est déjà l'autrice d'un premier roman paru en poche en 2021 chez les Editions 10/18, Enrage contre la mort de la lumière, qui fut un vrai coup de coeur pour moi. Je m'attendais donc à une lecture puissante et je n'ai pas été déçue. Ce second roman, paru chez Tropismes Editions, diffère du premier dans le sens où il se penche sur la condition des femmes mais aussi sur la condition masculine sous et après l'Apartheid, la ségrégation raciale qui a transformé ses hommes en monstres. le duo autour duquel se développe l'histoire, Zoé Zondi, une jeune infirmière noire, Hans van Rooyen, dit Madala, un vieil afrikaner blanc en maison de retraite, est improbable, car ils sont tout deux représentants de deux parties de la population qui se détestent, se sont fait la guerre, et dont l'une d'elles a fait subir les pires exactions à l'autre.

Deux camps opposés qui se rencontrent et qui arrivent même à tisser une relation de tendresse, une rencontre entre deux individus qui vont s'épancher l'un à l'autre. D'un côté, il y a Has van Rooyen soigné par Zoé Zondi, de l'autre côté, fille de militants, ils vont à tour de rôle raconter leur histoire personnelle, et familiale, deux faces d'une même pièce, celle de l'histoire divisée de l'Afrique du Sud, colonisée, envahie, martyrisée, dirigée par les colons néerlandais puis les anglais. On touche du doigt à la complexité du pays d'Afrique australe, composé par les générations successives de colonisation et les populations indigènes locales – les koikois, zoulous – c'est à la fois très instructif, et passionnant de décomposer par la lecture des différents bouts de récit le tableau identitaire du pays, entre ces fermiers franco hollandais, les Boers, d'une colonisation néerlandaise qui devient britannique au début du XIXe siècle.

Madama, de son surnom zoulou, fait le bilan de ses quatre-vingts années de vie, c'est un constat amer d'une réalité qu'il a tenté de fuir, mais qui l'a rattrapée, le constat d'être devenu l'assassin sanguinaire, l'homme insupportable, qu'était son père, et qui a fait que sa femme et son fils s'éloignent de lui. C'est un homme entièrement consumé par les regrets d'un bourreau qui a massacré un nombre incalculable d'individus de toutes les façons possibles, les membres de sa famille inclus. Un homme revisité, une dernière fois, par ses fantômes qui ont tout l'air de démons. du côté de Zoé, les hommes de la lignée familiale ne sont pas non plus en reste question monstruosité, l'inceste a fini de fracturer des familles, au sein desquelles les femmes portent souvent seules la charge des familles, et endossent trop fréquemment les fautes des hommes. Si Madama parle des mauvais traitements – et on entend par là les violences sexuelles – infligées aux femmes, la population, mais aussi leur propre épouse, Zoé en vient bien vite à évoquer cet état d'hypervigilance dans lesquelles sont engluées les jeunes femmes, elles ont vite compris que leur vie ne serait pas épargnée, cette société en état d'urgence, dès lors que leur attention se relâcherait.

C'était pesant de regarder dans les yeux une femme dont j'avais peut-être tué le fils, un gamin dont j'avais peut-être tué le fils, un gamin dont j'avais peut-être enjambé le corps agité de soubresauts pendant la guerre. Ensuite elle vint droit sur moi, cette petite femme menue, étendit ses mains et attira mon visage à sa hauteur, puis embrassa mon front, exactement comme l'avait fait Kristina des années auparavant.

L'autrice joue sur les parallélismes et les antagonismes des vies de l'un et de l'autre. Malada aurait pu être le policier blanc qui a abattu ses amis, comme il a abattu bien d'autres activistes anti-apartheid, Zoé aurait pu être l'une de ces jeunes filles violées par l'homme : c'est dans ce point commun qu'ils se retrouvent pourtant tous les deux, les regrets et remords de l'un rencontrant la résilience de l'autre, celle de pardonner, mais encore davantage, celle de témoigner de l'affection envers celui qui aurait pu être son propre bourreau. Ce texte montre comme l'homme au départ animé des meilleures volontés glisse vers la monstruosité dès lors que l'influence exercée sur lui est suffisamment forte pour laver son cerveau et le conditionner, tout le monde n'a pas la même faculté à résister. Ces parallélismes naissent également des tentatives d'inversement de la domination, c'est-à-dire lorsque des mesure plus égalitaires et favorables à la population noire autochtone ont été mises en place, et que les blancs ont du céder du pouvoir : ce réagencement, un nouvel ordre social qui s'installe, en apparence tout du moins, et laisse place à ce que les blancs appellent du « racisme à l'envers ».

C'est un formidable roman pour appréhender l'histoire de l'Afrique du Sud, et les conflits sociaux qui en ont découlé, le problème d'une double colonisation qui ont, l'une après l'autre, apporté leur lot de répressions, de violences et de guerres, de haine, de rancunes et rancoeurs, forcément l'une après l'autre, de prendre la mesure du clivage de cette société où le racisme a encore bien du mal à être endigué : l'autrice, par la voix de Zoé, c'est la voix de la sagesse. Zoé est une jeune femme posée et lucide, son rôle est ici de montrer cette troisième voix, un chemin séparé des Boers et Afrikaners colonialistes et de ce qu'elle appelle des « nationalistes grossiers », une sorte de moyen terme, tout le contraire de l'Apartheid, entre communautés noires et blanches, une remise à zéro, une entente comme celle qui se fait entre le vieil homme ancien bourreau et la jeune infirmière, militante.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il faut qu’on s’accroche. Bientôt, on entendra parler de la troisième force, et c’est une force bien plus grande et puissante que les nationalistes grossiers des années quatre-vingt-dix.
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Tout ce verbiage à propos de ce virus et des rumeurs de confinement me donne l’espoir de contracter ce fichu truc et de quitter ce monde avant d’avoir à affronter mon passé. Je sais que c’est un vœu terrible, mais les liens entre nos histoire ajoutent encore au poids des briques que je déverserais sur Zoe avec mon récit.
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Une fumée noire voilait le soleil, transformant le jour en nuit. L'astre était bien content que les atrocités soient cachées à ses yeux. Le Mal n'aime pas la présence de la lumière; il prospère dans les ténèbres.
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