J'ai été beaucoup moins emballée par Avant le petit-déjeuner que par En route vers Cardiff, pièces toutes les deux créées en 1916. Si l'influence de
Tchekhov était sensible dans la seconde, celle de
Strindberg est prégnante dans la première, avec - presque inévitablement - la thématique de la guerre des sexes et du couple qui se déchire.
Ce que je reprocherai à la pièce, c'est sans doute d'être tellement proche d'une situation ordinaire qu'on voit difficilement ce qu'elle apporte. C'est l'histoire d'un couple qui n'arrive pas à boucler ses fins de mois, ce qui a, de prime abord, complètement gâché leur mariage. Je comprends bien que O'Neill ait alors porté à la scène ce qui ne se montrait pas, justement, sur scène. Mais la différence entre cette courte pièce et une dispute habituelle de couple à sens unique est quasiment nulle. Et je pense que ça n'est pas assez fin pour que le lecteur ou le spectateur y trouve un point d'analyse qui lui échapperait dans la vie.
La forme est cependant intéressante, car il s'agit là d'un monologue. Ou plus exactement, d'un dialogue entre Mrs Rowland et son mari, qui ne pourtant ne dit jamais rien, et qui est même absent de la scène. Il est probable qu'il y ait quelque chose d'autobiographique ici ; on apprendra par exemple que le manque d'argent ne vient pas seulement du fait que le couple est composé de deux travailleurs pauvres ou au chômage, mais que le
mari est habité par une ambition littéraire qui ne donne rien, et ne leur rapporte - forcément - pas d'argent.
Mais les perpétuelles récriminations strindbergiennes de Mrs Rowland ont de quoi fatiguer, sans compter sur une fin (qu'on voit venir) très emphatique.