Deuxième Américain à recevoir le prix Nobel de littérature (en 1936), fils d'acteur d'origine irlandaise, Eugene O'Neill va donner les lettres de noblesse au théâtre des USA, jusque-là limité à des oeuvres peu ambitieuses. Après une jeunesse aventureuse, il va se lancer dans l'écriture pendant un séjour dans un sanatorium où il soignait sa tuberculose. Il va s'imposer à partir du début des années 20 du XXe siècle comme le grand dramaturge américain, recevant à plusieurs reprises le prix Pulitzer, avant de connaître la consécration suprême du Nobel.
Désir sous les ormes a été représenté pour la première fois en 1924. La pièce se passe en Nouvelle Angleterre vers le milieu du XIXe siècle. Les protagonistes principaux font partie de la famille Cabot. le vieux père de famille tient la ferme et ses habitants d'une main de fer, faisant travailler ses trois fils, deux issus d'un premier mariage, et le troisième, Eben, née de sa deuxième épouse, en leur faisant miroiter l'héritage à venir. Les trois fils d'Ephraïm le détestent, les deux aînés rêvent de partir en Californie pour se faire chercheurs d'or. Eben achète leur part d'héritage en échange de l'or caché par son père, espérant récupérer au final la ferme qu'il estime volée à sa mère, qui s'est tuée à la tâche. Ephraïm revient avec une nouvelle et jeune épouse, qui veut s'approprier les biens de son mari. Une attirance se noue d'emblée entre Eben et Abby, la jeune femme du vieux Cabot. Eben, plein de ressentiment, et voulant venger sa mère, repousse dans un premier temps les avances d'Abby, mais finit par céder à la passion. Un enfant naît, que le vieux Cabot considère comme son fils, et à qui il rêve de transmettre l'héritage. Suite à une querelle avec son père, Eben se met à penser qu'Abby l'a utilisé pour avoir un enfant et le spolier de la ferme. Il rompt avec elle, ce qui met la jeune femme au désespoir, et va avoir des conséquences tragiques.
La pièce est souvent présentée comme la première tragédie américaine, et revendique une inspiration antique, celle de Phèdre. Elle s'en éloigne toutefois sur plusieurs points, le plus important étant sans doute le fait que l'amour entre Eben et Abby est réciproque, l'aspect passionnel et charnel du drame est essentiel chez O'Neill. La question de l'héritage, de la possession, d'une forme de désir presque pathologique de s'approprier, étayé par la religion, est aussi un aspect important et original de la pièce. La famille est une sorte de lieu de haines, de tentatives de domination, de passions malsaines. La seule figure apaisante, aimante, est celle de la défunte mère d'Eben. le vieux Cabot trouve son assouvissement dans la possession presque vampirique de la terre, Eben et Abby dans une passion extrême et destructrice. Chaque personnage se dirige vers son destin d'une façon inéluctable, comme il se doit dans toute tragédie.
Mélange de tragédie et de drame paysan naturaliste, même si métaphorique également,
Désir sous les ormes est une oeuvre impressionnante, même si l'écriture, qui adopte le parler frustre de ses personnages ne m'a pas complètement convaincue. Mais il s'agit peut-être de la traduction qui tire la pièce vers ce registre. La pièce a incontestablement l'ambition de devenir un classique, elle en a certaines qualités, mais il me faudrait la voir jouer pour véritablement me positionner sur la question. Mais O'Neill n'est pas vraiment à l'honneur, tout au moins en France. En tous les cas, une lecture intéressante, d'un lauréat du Nobel un peu tombé dans l'oubli.