C'est fort, intense, profond, mais vraiment terrible.
L'atmosphère est plutôt oppressante, c'est la fin de la guerre de Sécession, les hommes en reviennent ayant vu tant de cadavres couvrant des champs entiers, et des collines... à croire que «ça ne finirait jamais, qu'on allait continuer à se tuer et à se faire tuer jusqu'au jour où il n'y aurait plus personne de vivant.». Ils sont de retour dans cette maison d'une sinistre laideur, aux airs de sépulcre, où les yeux des portraits de la famille Mannon, accrochés au mur du salon, semblent «pleins d'une intense amertume et figés par-delà la vie, la tuant sous leur mépris, tant il est inconvenant de vivre».
Il faut dire que chez les Mannon, la vie n'est pas un long fleuve tranquille (Normal, vous me direz, vu qu'O'Neill s'inspire de la malédiction des Atrides): adultère, désir incestueux, suicides, meurtres, etc - on ne peut pas dire que la pièce soit dépourvue d'une grooosse tension dramatique.
Pris dans un tourbillon de haine, violence, vengeance, culpabilité, asphyxiés par un puritanisme mortifère, les personnages rêvent tous d'îles bienheureuses, où tout serait innocence et beauté, chaleur et paix, sensualité heureuse, où ils pourraient échapper à ce «quelque chose de pourri dans les murs», à la puissance destructrice, délétère, des liens familiaux.
«Là-bas, on peut oublier les hommes et tous leurs sales rêves d'argent et de puissance.»
Mais c'est le deuil qui sied à Electre, pas le Paradis d'avant le Péché, et dans cette version Amérique puritaine de la tragédie grecque, les îles bienheureuses ne sont-elles pas vouées à rester inatteignables ou à devenir des îles perdues?
Puissant, mais vraiment pas une lecture confortable.
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Déjà, j'étais attirée par la couverture. Ensuite, je devais le lire pour les cours. Et je n'ai pas été déçue, bien au contraire ! Quelle agréable surprise, en effet ! Une pièce de théâtre qui se dévore, on veut savoir la suite, elle nous surprend, elle nous touche. Certains dialogues sont tellement violents qu'ils nous secouent, car on s'y croirait. Incroyable génie de l'auteur qui nous rend, grâce à des didascalies longues et détaillées, la demeure des Mannon aussi vivante qu'un lieu réel !La passion, la vengeance, tout ce tourbillon de désirs est merveilleusement retranscrit. La fin est assez géniale, dans son genre : Lavinia finit par devenir comme cette mère qu'elle abhorrait de toute son âme. Un complexe d'Electre, en effet : Lavinia adule son père, déteste sa mère, et selon celle-ci, essayait dès l'enfance de lui voler sa place auprès de son père et de son frère ! Prête à tout pour venger son père, à l'égard d'Electre, elle mène sa mère à la mort. En bref, probablement ma pièce de théâtre préférée.
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Après avoir lu la pièce, je l'ai vue, et bouuuuh... il faut vous armer de patience, 5h30 de théâtre c'est long :)
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Tragédie grecque adaptée dans une version théâtrale contemporaine terriblement puissante (découvert au lycée). Il vaut mieux avoir déjà un bagage culturel "classique" (connaître un minimum la mythologie) pour vraiment l'apprécier mais alors c'est un régal.
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Un très beau mélange de littérature et Histoire, une très belle façon de revisiter le mythe d'Electre.
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Brant : « Je me souviens le soir où nous avons été présentés et où j'ai entendu le nom de Mrs Ezra Mannon ! Dieu, comme je te haïssais d'être à lui ! J'ai pensé, bon Dieu, je la lui prendrai et ce sera une partie de ma vengeance! Et de cette haine est né mon amour! C'est très étrange, non? »
The Iceman Cometh, film réalisé par John Frankenheimer en 1973, d'après une pièce de théâtre écrite par Eugene O'Neill en 1939. Bande-annonce