Ce volume comprend quatre pièces écrites entre 1923 et 1925 :
Enchaînés
Tous les enfants du Bon Dieu ont des ailes
Désir sous les ormes
Marco Millions
Appartenant à la période de maturité du dramaturge, elles illustrent la variété des thématiques et sources d'inspiration de O'Neill.
Enchaînés.
Un couple s'affronte. Elle est actrice, lui auteur de théâtre. Ils ont tous les deux connu le succès avec ses pièces. Il revient de la campagne où il a terminé sa dernière oeuvre. Il voudrait qu'ils repartent sur de meilleures bases. Un autre homme, le producteur survient. Une scène de jalousie fait rage après son départ. Les deux protagonistes s'en vont chacun de son côté, voulant faire payer l'autre par une infidélité. Ils ne peuvent y arriver, et reviennent ensemble, uni par un sentiment d'amour-haine, dans lequel l'autre n'a que peu d'existence.
J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans cette histoire de couple, qui n'arrive qu'à se déchirer, se torturer ; cela m'a semble au final très artificiel. Néanmoins, avec des comédiens habités par leurs rôles cela doit mieux passer sur scène.
Tous les enfants du Bon Dieu ont des ailes.
Un groupe d'enfant dans un quartier de la ville ; certains sont Blancs, d'autres Noirs. Un attachement fort existe entre une petite fille blanche, Ella, et un petit garçon noir, Jim. Les autres se moquent d'eux, et Ella finira par rejeter Jim, pour vivre une histoire avec un garçon blanc, brutal et séducteur, qui l'abandonne avec son enfant. Après la mort de ce dernier, elle se décide à épouser Jim, et ils partent tous les deux pour la France, pour échapper à l'hostilité que provoque ce mariage mixte. Mais ils n'échapperont pas à leurs démons, et reviendront aux USA. Ella se consume, déchirée entre son attachement à la personne de Jim et son mépris et haine des Noirs.
J'ai trouvé la pièce un tant soit peu démonstrative, même si elle pose une problématique essentielle, et qu'elle essaie d'introduire différents aspects de la question. Entre ce que les gens déclarent et ce qu'ils éprouvent vraiment, l'intériorisation du rejet de l'autre, une violence sociale étouffée, un racisme ordinaire allant de soi, O'Neill s'attaque de front à des vrais sujets.
Marco Millions.
Une pièce assez étonnante, qui a pour personnage principal Marco Polo en personne. Une pièce à grand spectacle, puisque l'essentiel de l'action se passe pendant le fameux voyage. Nous suivons Marco, qui fait ses adieux à la jeune fille qu'il aime, et qui lui promet de l'attendre, puis dans ses voyages jusqu'en Chine. Là, il provoque une sorte d'amusement indulgent de Koubilaï, le Grand Khan, qui lui confie la gestion d'une ville. Mais l'inattendu se produit, la petite fille du Grand Khan, Koukatchine, tombe amoureuse du Vénitien. Qui ne se doute de rien, uniquement préoccupé, comme son père et oncle, à gagner de l'argent. Même pendant le voyage de deux ans, qui doit mener la jeune fille à son futur mari, Marco Polo en charge de sa sécurité ne se rend compte de rien, pendant qu'elle dépérit. Elle va suivre son triste destin, plongeant son grand-père dans le désespoir, alors que Marco va revenir éclatant de santé à Venise, et épouser sa promise, plus vraiment jeune ni fraîche, mais tellement familière.
J'ai trouvé cette pièce assez amusante, avec ses voyages, changements de décors, la mélancolie et poésie chinoises, opposées au goût du gain des marchands italiens. Personne au final ne comprend personne, et le dialogue entre cultures est une sorte de jeu de façade, derrière lequel il n'y a pas de véritable échange, ni de véritable changement par l'autre. C'est peut-être un peu trop systématique, mais c'est sans conteste une bonne pièce qui joue avec nos représentations d'un personnage très célèbre.