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3,7

sur 171 notes
Encore du grand Oates avec ce "Maudits" qui nous plonge dans le Princeton de 1905 sécoué par d'étranges évènements. Annabel Slade enlevée le jour de ses noces, alors que quelques jours auparavant l'ancien président Groover voit sa fille morte sur le toit de sa maison, comme si le "malin" s'acharnait sur cette communauté presbytérienne qui jouit d'influences et de pouvoirs sur l'ensemble des États-Unis.

Dans ces États-Unis, la religion influence et pour ainsi dire dirige l'ensemble de la vie, qu'elle soit personnelle, sociale ou politique. Elle irrigue la société entière, cette société nouvelle créée par les premiers colons libérés du joug britannique, cette société émancipatrice à condition d'être blanc, anglo-saxon et protestant. C'est cette société, bâtie selon les préceptes de Dieu, qui au début du XXème est heurtée de plein fouet à l'intérieur (par la libération des esclaves notamment) et par l'extérieur (par l'arrivée massive d'ouvriers immigrés illettrés, catholiques d'Italie ou d'Europe de l'Est) alors que naît et croît un mouvement socialiste qui cherche à ébranler les fondements mêmes de cet édifice divin.

Car Princeton, à ce moment là, est un concentré de l'histoire américaine, avec son université influente dirigée par Woodrow Wilson, les luttes intestines entre les professeurs ambitieux, les vieilles familles conservatrices et les porteurs des idées nouvelles (London, Twain, Sinclair).

Joyce Carol Oates nous offre un roman multiple, où les visages du mal sont eux aussi multiples, parfois cachés dans les détails mais souvent décrits à grands traits. On navigue entre réalité sociale et malédiction satanique dans une profusion lyrique, une construction millimétrée et une puissance narrative époustouflante.
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Je viens de terminer la lecture de "Maudits" de Joyce Carol Oates, auteure prolifique que j'aime beaucoup. Etant habituée à lire des romans d'elle qui sont d'une veine plus sociale, comme le magnifique "Nous étions les Mulvaney", j'ai été surprise par ce livre. Princeton, 1905. La prestigieuse université est présidée par Woodrow Wilson qui craint qu'on ne lui vole son poste prestigieux. Autour de lui vivent plusieurs familles puissantes et bien sûr, des étudiants. Conscients de représenter l'élite d'un pays, les "princetoniens" du livre ont les préjugés de leur temps : les noirs, libérés de l'esclavage, ne sont pas des êtres à part entière, les femmes sont par essence d'une nature faible qui les rend inaptes à la vie politique, l'éducation des jeunes filles de la bonne société est stricte et tout mouvement social reflétant des revendications ouvrières est insalubre. le décor est planté et le Mal peut s'introduire. Il frappe particulièrement la famille du pasteur presbytérien Slope qui perd ses trois enfants. le diable prenant tantôt une apparence masculine tantôt une apparence féminine, personne n'est à l'abri. le mari se retourne contre sa femme, la femme contre son mari, les enfants sont déchirés et, sous forme d'apparitions fantomatiques, de voix intérieures ou d'immondes serpents, le mal pervertit et détruit. En parallèle, le personnage d'Upton Sinclair, qui défend des idées socialistes semble, bien que sa vie soit difficile, exempt de toute attaque du Malin...
Dire que j'ai saisi dans son ampleur le propos de Joyce Carol Oates serait mentir. Je lis souvent ses livres deux fois. Remarquablement construit, le livre alterne les points de vue et les options. Il peut être tantôt réaliste tantôt fantastique. A ce titre, le récit fait des vacances aux Bermudes où des enfants meurent d'être attaqués par des méduses, est époustouflant comme le sont les deux passages sur l'enfer. Celui que rencontre Annabel Slope quand elle est envoûtée et celui dans lequel déambule de son plein gré le jeune Todd Slope. Ne serait-ce que pour ces incursions dans le Fantastique et le Gothique, le roman mérite d'être lu. Mais il existe bien sûr de nombreuses autres raisons de le faire.
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Ouf je suis arrivée à la fin de ce pavé étrange de Joyce Carol Oates dont c'est le premier roman que je lis… Oui vraiment quel livre étrange que celui-ci !! Il ne va pas m'être aisé d'en parler.
Recommandé sur la page de couverture par le Maître, j'entends par là Stephen King, qui le trouve « stimulant, provocateur, terrifiant, drôle. Il faut le lire ! », une amie connaissant mon admiration pour Stephen King me l'a offert gentiment…. Et elle a eu bien raison.
Aurais-je lu sinon cet « OVNI » ?
Cette histoire se déroule à Princeton dans le New Jersey aux Etats-Unis au début du 20e siècle, dans le milieu bourgeois et très puritain de cette ville dont la fierté est son Université.
Le récit se dit être écrit par un historien qui se révèlera plus tard le fils de l'un des Maudits de cette histoire. « Chronique rédigée en 1984 par un certain M. W. van Dyck, historien de son état » Magazine littéraire.
Ce chroniqueur n'est pas un romancier. Il essaie « tant bien que mal » de nous relater les faits qui se sont déroulés dans cette communauté, les faits les plus « objectifs » avec à l'appui des documents, des témoignages etc. Cela donne un ton, un style bien particulier à son récit qui par ailleurs est entrecoupé d'extraits du journal de « la pauvre Puss » comme elle se surnomme, Adélaïde Burr, une des habitantes de Princeton, style bien différent, journal dit codé… on vit les évènements au travers de différents personnages et en parallèle, régulièrement, sans que l'auteur nous prévienne, on bascule dans le fantastique, le gothique, l'irrationnel… ça en fait un roman vraiment atypique et très singulier. D'autant que de nombreux personnages de cette histoire sont réels, ils ont bien existé dans ces lieux, avec certains évènements relatés dans l'histoire…. Ça rend le tout assez troublant. Je pense que le contexte de la société américaine est également puisé dans le réel, c'est d'ailleurs de mon avis personnel, tout aussi effrayant que le surnaturel… ce puritanisme extrême, ce racisme dégoutant (l'abolition de l'esclavage est encore récent et cela se sent), les conditions de vie des femmes, leurs places dans la société (la misogynie est la règle)…. C'est juste hallucinant et honteux. C'est aussi pour cela que j'ai lu avec grand intérêt ce roman. Je ne suis pas une spécialiste de la société américaine, donc de nombreuses références m'ont échappé mais ce n'est pas vraiment gênant.
Revenons quelques instants aux personnes réels qui se mêlent aux personnages fictifs de ce roman… les évènements de leur vie sont véridiques (j'ai effectué mes petites recherches, merci internet) mais je ne sais pas si les personnalités, les caractères qui sont décrits dans ce livre sont vrais… si c'est le cas, c'est « fou »…. Par exemple, on croise Jack London que j'aime beaucoup comme auteur…. Il n'apparait pas ici sous son meilleur jour ! Il en est de même pour Woodrow Wilson, président de l'université de Princeton au moment des faits, qui deviendra ensuite par deux fois, président des Etats-Unis, d'Upton Sinclair, écrivain socialiste, de Groveler Cleveland qui fut deux fois président des Etats-Unis, sa femme Frances, ex première dame…
Quant à l'histoire par elle-même, la fameuse malédiction de Crosswicks qui s'abat sur une famille au départ, les Slade, le jour du mariage d'Annabel, la petite-fille du très respecté Révérend Wilson Slade, et qui petit à petit touche tout le petit microcosme princetonien sans qu'on sache vraiment si tout cela relève du diable, de la folie collective, de ragots, de délires… Et comme dit précédemment, des passages nous plongent au coeur des démons, des vampires, des fantômes, de lieux malfaisants et surnaturels… Parfois on s'y perd un peu, beaucoup, mais il faut tenir jusqu'au bout pour entrevoir le fin mot de l'histoire, et l'épilogue à lui-seul vaut vraiment le coup !
Petites anecdotes complémentaires : pourquoi l'université de Princeton pour cadre de cette malédiction ? Elle est reconnue comme l'une des universités les plus prestigieuses au monde, comme l'université Harvard ou l'université Yale. Joyce Carol Oates a décroché un poste de professeur en création littéraire à l'Université de Princeton, au New Jersey. Elle a enseigné dans cette institution jusqu'en 2014. Par ailleurs, j'ai découvert (je ne m'en souvenais plus) l'histoire de la série Dr House (que j'adore) se déroule à Princeton dans un hôpital imaginaire, appelé Princeton-Plainsboro, et les scènes d'extérieur montrent le centre du campus Frist de l'université Princeton.
Alors que dire en résumé…. Livre étrange, incroyable, intéressant, parfois un peu long, mais tellement particulier, tellement époustouflant, qu'il vaut vraiment le coup de s'y plonger.
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Joyce Carol Oates vient d'atteindre avec Maudits un degré de perfection digne du Prix Nobel de littérature, prix qu'elle recevra sans aucun doute dans les années à venir. Si vous avez aimé l'ensemble de ses romans, celui-ci va bien au-delà des autres : servi par une excellente traduction, un format très agréable, une couverture splendide : tout est fait dans la forme pour vous plaire. le fond est juste sublime.

L'histoire nous happe immédiatement au travers de cette mystérieuse malédiction qui va plonger une petite ville dans une sorte de confinement angoissant... le récit est raconté comme si l'on se trouvait dans une enquête historique et cela donne à l'ensemble un aspect entre le thriller et le roman : mélange que j'affectionne toute particulièrement.

Joyce Carol Oates utilise cette ambiance macabre pas seulement pour donner un souffle d'intrigue percutant mais aussi pour dépeindre la société de l'époque : puritanisme, l'obscurantisme même parfois ou encore la ségrégation. le fait d'utiliser comme narrateur un vieil historien met en exergue la recherche de crédibilité de l'ensemble.

Vous apprendrez le quotidien des citoyens américains de l'époque mais vous allez aussi découvrir la grande Histoire au travers d'une suite de présidences marquantes, de faits historiques importants. le récit est à la fois le personnage principal et le prétexte pour aller au delà de l'intrigue : ce livre est telle une peinture : il y a les petits détails indispensables et les grands coups de pinceaux explicites.

L'écriture est toujours aussi magnifique : poétique, riche, déconcertante et originale. Elle permet au lecteur de découvrir un monde du point de vue de son auteur par ce choix judicieux des mots et de la syntaxe...

En définitive, un grand roman pour une grande dame... Prochain Prix Nobel de littérature !
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Difficile d'écrire une chronique sur un livre aussi dense et riche...
De Joyce Carol Oates, je n'avais lu que Délicieuses pourritures, qui, si je me souviens bien, ne m'avait pas emballée plus que cela, mais là c'est tout autre chose. J'ai le sentiment d'avoir effectué une longue et captivante plongée dans un immense roman gothique.
On y trouve les caractéristiques du genre : la malédiction d'abord, celle qui frappe la communauté de Princeton en cette année 1905, avec l'apparition de créatures maléfiques et autres manifestations surnaturelles, une atmosphère poisseuse et effrayante, un royaume tout entier dédié à l'horreur la plus totale, des personnages au bord (voire davantage) de la folie. Ce roman constitue aussi une virulente critique de la société puritaine et bourgeoise américaine du tout début du 20e siècle ainsi que de la religion. Inégalités sociales, racisme, misogynie sont dévoilés dans toute leur ignominie et perversité.

Il me semble que la grande force et habilité de l'auteure est de parvenir à insérer tous ces éléments fantastiques dans un récit soi-disant historique. le narrateur - antipathique dès le départ - et qui intervient régulièrement dans le récit, est présenté comme un historien ayant à coeur de retracer les faits en s'appuyant sur tout un tas d'archives et documents personnels. Sont aussi présents des personnages ayant réellement existé. On trouve ainsi, entre autres, Woodrow Wilson, président de l'université de Princeton (qui deviendra président des Etats-Unis), Upton Sinclair écrivain socialiste, auteur de “La Jungle”, et Jack London (présenté ici sous un visage fort peu sympathique...).

Mais il est impossible d'évoquer tous les différents aspects de ce roman, tant ils sont nombreux. Je pense d'ailleurs être forcément passée à côté de certains et je le relirais bien, si je n'étais découragée par la taille de l'ouvrage (plus de 800 pages quand-même).
Un roman dont je conseille donc la lecture. Attention cependant, mieux vaut prévoir du temps et une certaine attention, ainsi que l'envie de se plonger dans un univers déroutant.
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Un long roman, à la fois proche du réel et fantastique, une écriture belle, efficace, tout en finesse, différents points de vue qui se succèdent et le rende très dynamique et agréable à lire. Certes l'histoire se devine, rien d'original dans le démonique, mais une galerie de personnages étonnante, des familles à secret. La construction du roman, est je trouve très originale. Une littérature moderne pour une auteur pourtant âgée, sur un roman situé dans le passé ! Vraiment à conseiller ....
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Un roman impressionnant: Maudits, de Joyce Carol Oates, aux éditions Philippe Rey.
Le pitch: 4 juin 1905, Annabel Slade, petite fille de l'illustre Révérend Winslow Slade et descendante d'une des plus riches familles de Princeton, est "enlevée" juste après avoir uni sa vie au lieutenant Dabney Bayard devant l'autel, par le mystérieux Axson Mayte, en ville depuis peu et que personne n'est finalement capable de décrire. Cet événement tragique révèle une série d'événements étranges frappant la petite ville tranquille depuis quelques temps.
Tandis que Josiah Slade se lance sans retenue à la recherche de sa soeur, le Président de l'Université de Princeton, Woodrow Wilson, lutte férocement contre son ennemi juré, le doyen Andrew West, pour conserver le pouvoir, le jeune écrivain Upton Sinclair se lance à corps perdu dans le mouvement naissant du socialisme, et les plus riches familles de Princeton sont quant à elles touchées tour à tour par la "Malédiction", plongeant ainsi la ville dans une sorte d'hystérie collective...
Tentée depuis longtemps par ce roman et sa couverture intrigante, j'ai finalement succombé à la tentation quand je suis tombée dessus à la médiathèque de chez moi! Alors même que je craignais de lutter pour venir à bout de ce monstre de 800 pages, j'ai finalement été happée dès les premières pages dans cette histoire si envoûtante.
Avec un talent incontestable, l'auteur nous livre là un roman incroyablement dense et fouillé, aux multiples facettes, oscillant entre le thriller fantastique et le roman historique, et donnant ainsi plusieurs visages au Mal.
Tout en berçant son lecteur dans une atmosphère macabre, pleine de morts violentes, phénomènes inexpliqués et autres faits indicibles liés à cette étrange Malédiction, l'auteur parvient subtilement à peindre une véritable critique de la société du début du XXème siècle, en proie au racisme et à la misogynie, sur le point de connaître de grands changements avec la montée du socialisme.
Servi par une écriture riche, magnifique, et des personnages particulièrement soignés, l'auteur nous offre ici un roman d'une incroyable complexité, tenant son lecteur en haleine jusqu'à son surprenant épilogue.
En bref, Madame Oates, c'est un roman prodigieux que celui-ci!
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Dans cette fresque américaine de près de 800 pages, JCO nous livre un roman foisonnant et incroyablement complexe aux niveaux de lectures multiples. Écrit sous forme de travail de recherche par un historien de Princeton, le récit regorge de références multiples et de notes de bas de pages incroyablement fouillées et détaillées.

Nous sommes à Princeton, en 1905, et il se passe bien des choses étranges dans cette bourgade du New-Jersey. Il y a Annabelle Slade, enlevée au nez et à la barbe de ses invités et de son époux, le jour même de son mariage, par un certain Axson Mayte, qui pourrait bien être le diable en personne. Alors que le tout Princeton est terrassé par la nouvelle et que son frère, Josiah, part à se recherche, il apparaît que la disparition de sa soeur pourrait bien être le point culminant d'une série d'événements étranges et inexplicables. En parallèle, le lecteur suit Woodrow Wilson qui se bat bec et ongles pour garder sa place en tant que Président de Princeton, alors qu'un vent de révolte menace de le faire tomber de son piédestal. Pour finir, il y a également Upton Sinclair, jeune homme socialiste qui se prend à rêver de succès politique grâce à ses écrits engagés.

Au fil des pages, chacun des personnages évolue et se croise au gré des rencontres qui se font parfois écho entre elles. L'entreprise littéraire est titanesque et Joyce Carol Oates entremêle les codes des genres littéraires à la perfection. Ainsi, alors que le destin d'Annabelle a tous les attributs du roman gothique, les vies de Woodrow et d'Upton surfent, quant à elles, avec les codes du roman historique et social. JCO se joue de tout et de tout le monde et profite de son entreprise pour critiquer une société universitaire se croyant supérieure à tous, le racisme environnant, mais aussi la misogynie qui régnaient - et règnent encore - dans l'Amérique du XXe siècle.

C'est un roman immense, d'une grande intelligence… comme seule Joyce Carol Oates sait les écrire.
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"Jugeant donc le séduisant inconnu sur sa mise et sur une certaine apparence de bonnes manières, l'innocente et naïve Annabel Slade fut amenée à voir en Axson Mayte un gentleman de son monde : un ami de son grand-père, en bref.
Une profonde méprise, comme le montrera l'histoire."

Princeton, 1905. le conservatisme d'une petite ville universitaire américaine au tournant du 20e siècle, avec son racisme, ses lynchages, sa moralité étroite et sa stricte hiérarchie sociale, ses jeux de pouvoir, ses compromissions et ses mesquineries. Mais voici que la bourgade est agitée, pendant deux ans, par une série de scandales "indicibles", où l'on voit s'accumuler les phénomènes curieux, les morts violentes, les secrets, se concentrant autour de quelques individus, et s'élargissant de façon inquiétante. "Avec ironie, Josiah se disait Au moins a-t-il nommé la chose : Malédiction. Horreur. Au moins n'est-ce plus la folie d'une seule famille", si déglinguée soit-elle.

Maudits est construit comme une enquête menée a posteriori, dont le faux prologue suffit à poser le cadre. Dans l'enchaînement de ces quelques mois, Princeton bascule dans la psychose. Autour de personnages définitivement fous, une hystérie collective s'empare de la ville, et une vague d'irrationnel déferle sur ce temple de la raison "... car, comme vous devez le savoir, Josiah, il y a un Malin parmi nous, soit une représentation du diable lui-même, soit l'un de ses satans."

Une fois encore, Joyce Carol Oates lance et maîtrise un tourbillon narratif assez fascinant de densité et de complexité, où l'on croise aussi bien Wilson (président de l'université et futur président des Etats-Unis), qu'Upton Sinclair ou Jack London ; où les correspondances se répondent ; où se démultiplient les dimensions parallèles (l'Antarctique où vogue Josiah, le royaume des Marécages où s'égarent Todd et Annabel). Entre les délires du journal de la fragile Adelaide Burr, la vengeance de Josiah, le calvaire d'Annabel, le naufrage des Slades, et une partie de dames glaçante disputée par un garçonnet, elle emporte son lecteur dans un vertige effrayant, avec à la clef revenants et présence démoniaques, mais aussi constats de fond sur les blocages de la bonne société américaine (préjugés, religion, ségrégation, condition des femmes).

Reprenant avec aisance les codes et le filtre du gothique, Oates déploie pleinement la puissance de son écriture, époustouflante de densité, même s'il est parfois délicat de trouver la cohérence du récit dans ses entrelacs complexes. Dans un registre par certains aspects comparable, j'avais par exemple préféré Les Revenants de Laura Kasischke, clairement l'un de mes romans-cultes - ou, pour rester chez Joyce Carol Oates, le terrifiant Bellefleur, que j'osais à peine ouvrir la nuit. Reste que le roman exerce une fascination malsaine, assurément troublante. Et que Joyce Carol Oates, auteur prolifique sur laquelle il vaudrait le coup de lancer un challenge (des partants ?), demeure une raconteuse d'histoires comme il y en a peu, une écrivaine monstrueuse, un monument de littérature !

"Voici ton enfer, tu t'y es toi-même jetée".
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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JCO est un écrivain fantastique, elle écrit plus vite que son ombre et me laisse à chaque fois muette devant son talent. Je ne sais pas comment elle fait (elle ne doit pas dormir la nuit), mais quel bonheur pour la lectrice acharnée que je suis.
Une nouvelle fois, JCO renoue avec la veine gothique déjà présente dans BLOODSMOOR, BELLEFLEUR ou LES MYSTERES DE WINTERHURN et on retrouve le souffle des écrits de Mary SHELLEY, de Bram STOKER ou des soeurs BRONTOE.
Le roman se déroule à Princeton, site universitaire, que l'auteur connaît bien pour y être enseignante, où se déchaîne des meurtres, morts violentes, disparitions mystérieuses au cours des premières années 1 900. Et par le biais de ces évènements, on découvre une multitude de personnages allant des universitaires (président et élèves) en passant par la bonne société bourgeoise et soumis à la religion, aux noirs affranchis, mais toujours esclaves et en butte au KLU KLUX KLAN, aux jeunes socialistes idéalistes comme Upton SINCLAIR ("Pétrole" est un superbe roman transposé à l'écran sous le titre "There will be blood" par Pau Thomas Anderson), Jack London, en aventurier gonflé comme une outre, "légèrement" fasciste sur les bords (la légende en prend un coup), Mark Twain, roublard et dandy le tout sur fonds de vampirisme (quoi que, possession serait plus juste peut être) et d'oeil dans la tombe qui regardait Caïn. Une merveille de roman dont on arrive à la fin, triste pour mon cas, car lorsque le plaisir s'arrête, c'est très dur ...
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