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3,78

sur 2330 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans ce roman on se plonge dans la Russie et Estonie à l'époque de l'URSS. Nous est tracé l'histoire de Aliide au début des années 1930 et de l'Estonie libre à l'occupation de l'URSS et la privation de libertés individuelles.
En parallèle on suit Zara une jeune fille Russe qui au début des années 1990 avec la chute de l'URSS veut tenter sa chance dans les pays occidentaux.
Grâce à ce roman j'en ai appris plus sur cette période de l'histoire et sur les conditions de vie de l'époque de l'URSS
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40 ans de noirceur dans une Estonie occupée par les russes et libérée en apparence. Pas une trace de gaité, on s'enfonce dans ce roman, si bien traduit du finnois et si bien lu par Marianne Épin, comme dans un marais. C'est inquiétant, glacial, on sent bien que c'est authentique, vécu en grande partie. Ce livre témoigne de la brutalité des hommes, des rancoeurs, des dénonciations, des emprises physiques et psychologiques. La pudeur des anciens face à la pornographie, à la prostitution des années 90. Même si on sait que tout ce passé sali par KGB est derrière nous, on ne peut que s'horrifier et penser aux événements actuels et à la pression exercée sur nos contemporains. Un livre qui ne peut laisser indifférent.
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En 1992, Aliide, vivant dans un village en Estonie, ouvre la porte de sa ferme et se retrouve face à une jeune femme, endormie dans sa cour.

Zara, cette jeune femme, arrive de Vladivostok, en Sibérie.

10 000 km séparent ces deux femmes qui semblent pourtant se connaître, et la chute de l'URSS leur a appris à être méfiantes.

Comment faire confiance à une inconnue dans un pays en proie à la pauvreté et au pillage?

Cela ne les empêchera pas de s'entraider.
Ce qui marquera le début de cette histoire.

Une histoire de secrets, où nous allons de chapitre en chapitre jongler entre Zara et Aliide, et différentes périodes de l'histoire.

Car c'est une longue histoire qui unit nos deux protagonistes, de 1936 à 1992.

Une histoire qui montrera le sort de l'Estonie sous le joug de l'URSS et de son impact sur les populations.
Des purges aux déportations, des menaces aux répressions, de la corruption à la misère.

Une belle histoire, qui montre la dure réalité du régime communiste, dont l'impact peut encore être ressenti dans certains pays.
Un régime fort qui n'a pu détruire un lien sacré, celui de cette famille.
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Une histoire sombre, tragédie familiale emmêlée dans L Histoire tragique de l'Estonie . Noirceur, violence, trahison,torture, secrets...
Comment survivre à l'horreur ?
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En 1992, l'URSS s'effondre et l'Estonie est indépendante depuis un an. La vieille Aliide Truu, qui habite loin de Tallinn dans une ferme isolée, retrouve un matin dans son jardin une fille inanimée. Elle la soigne et l'héberge. Zara, la fille en question, explique qu'elle vient de Vladivostok mais a de la famille en Estonie et qu'elle essaie d'échapper à un mari brutal (en fait les mafieux russes qui l'avaient prostituée...). La réalité est plus complexe... Et c'est difficile d'en dévoiler plus sans spoiler. Les deux femmes vont progressivement se dévoiler, le tout à travers le prisme de l'histoire tourmentée de l'Estonie, petit pays balte qui s'est fait envahir pendant la seconde guerre mondiale par les soviétiques et les nazis, avant d'être finalement annexée par l'URSS jusqu'à son indépendance en 1991. le livre est écrit sous forme de puzzle, avec des aller-retours dans le temps expliquant le vécu de chaque personnage. C'est un peu déstabilisant au début, mais une fois qu'on est dedans, on n'en décroche pas. [i]Purge[/i] a du reste eu un grand succès et a fait l'objet d'une adaptation au cinéma. J'aime !
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[Livre audio lu par Marianne Epin]

Marianne Epin a un joli timbre de voix, bien reconnaissable. de sa diction claire et rythmée, elle nous fait pénétrer dans ce récit sobre aux menaces sournoises. Les fantômes du cagibi volettent au milieu des mouches de la cuisine et pondent leurs oeufs dans la viande. L'ambiance est délétère. Elle est aussi mélancolique et prudente, ronde et douce, comme la musique qui accompagne la lecture. Quand la rudesse de l'Histoire rejoint les saloperies ordinaires, les êtres se débattent pour survivre. Regards furtifs, printemps précoces deviennent les signes de menaces larvées. Aliide est un personnage intéressant, si ordinaire dans ses trahisons. Un livre habité.
Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Voilà de la littérature contemporaine comme je l'aime purement et simplement : un roman aux dimensions historiques fortes et aux résonances actuelles plus puissantes encore... tout simplement bouleversant.
Lien : http://lemondeselonpickwick...
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Apprenons le russe par le viol.
Non, c'est pas drôle, mais c'est ce qui m'est venu en lisant ces coups de poings déguisés en pages.
Vous connaissiez l'Estonie, vous ? Capitale Tallin. Pour s'en souvenir, c'est Staline sans S.

L'Estonie borde la mer Baltique et le golfe de Finlande. Regroupant plus de 1 500 îles, son territoire varié se compose de plages rocheuses, de forêts centenaires et de nombreux lacs. Elle compte un grand nombre de châteaux, églises et forteresses juchées sur des collines. Tallinn, la capitale, est célèbre pour sa vieille ville préservée. Merci Wiki.
Environ 1,5 million d'habitants, pour une superficie équivalent à environ un dixième de la France. Disons la Bretagne et le Cotentin réunis.
Á noter : les Estoniens sont finno-ougriens, et donc, pas baltes. Parait même que ça les énerve un peu qu'on les colle ainsi dans le trio des "pays baltes", mais ya des choses plus graves.
Leur petit voisin terrestre, c'est la Lettonie au sud. Et le grand voisin, le grand malheur, la grande ombre sanglante, à l'Est, c'est la Russie.

En lisant ce livre, le destin de quatre femmes dans le tumulte du XXè siècle, cette fois j'ai étudié l'histoire et la géo du pays, je voulais ne rien rater, alors que je m'y suis prise un peu tard pour la Finlande et le livre de Paasilinna - déjà pas vraiment à la gloire des Russes. Je vous résume ça à la louche :
Du XIIIè au XXè siècle, les Estoniens dans leur petit pays ont été envahis par :
les Chevaliers-Porte-Glaive teutoniques en croisade, qui convertissent le pays à la chrétienté, et implantent dans le pays les Germano-Baltes, représentant l'élite. La plèbe c'est les gens du crû, les finno-ougriens.
Puis les Suédois. Avec eux, le pays devient luthérien.
Puis à la défaite de la Suède contre Pierre le Grand, l'Estonie est avalée pour deux siècles par la Russie tsariste, du XVIIIè au XXè.
Le tsar accepte que le pays reste relativement dirigé par la fameuse élite germano-balte.
Les Estoniens louvoient avec tout ce monde, ça ne se mélange pas trop en fait, mais ils gardent le complexe de l'inférieur par rapport aux Germano-Baltes, le complexe paysan, le pays vient à peine de se débarrasser du servage. Il faut attendre les romantiques allemands du XIXè pour que la conscience estonienne relève la tête. Car ces écrivains à la plume alerte se passionnent pour les légendes estoniennes d'avant les croisades, trouvant ça trop chou.
Deux médecins estoniens germanisés, Faehlemann puis Kreutzwald, publient en un très long poème les huit récits mythologiques qui bâtissent l'âme estonienne, lui donnant ainsi un socle national. le gag, c'est qu'ils ont picoré dans des légendes d'ailleurs et en ont même inventé deux-trois, déjà de la fake new ! Mais pas grave, ça a pris, et les habitants de ce pays déjà trois fois annexé sont devenus des Estoniens ayant droit de cité. Et bientôt, fiers d'être estoniens.

Fin du XIXè, après la mort du tsar Alexandre III le pas cool, la pression se relâche. Des hommes politiques estoniens revendiquent l'identité nationale. Pas encore de poussée indépendantiste.

En 1917, pendant la première guerre mondiale, les Allemands occupent l'Estonie toujours sous domination russe. Ils pillent le pays, réinstallent les germanophones, exécutent les bolchéviks infiltrés et les nationalistes estoniens.
Pendant le bordel de la révolution russe de 1917, une grosse manif estonienne devant le gouvernement russe à St Pèt fait que OK OK, la nation estonienne est acceptée avec des frontières qui sont quasi celles de maintenant. La langue estonienne s'impose. Les fonctionnaires russophones sont renvoyés. Les Allemands sont toujours dans le coin.
Et hop, en 1918, l'Allemagne perd la guerre, et quitte le pays. Les clandestins estoniens reprennent le pouvoir.
En février 1919, l'Armée Rouge est foutue dehors. Elle revient par le sud, est repoussée. Pendant ce temps, les Allemands et les Germano-Baltes attaquent par le sud, en Juin ils sont repoussés. L'Armée Rouge s'y remet à Narva et est difficilement repoussée.
Et enfin le 2 février 1920, c'est le traité de Tartu et l'Indépendance de l'Estonie. Même les Estoniens vivant en Russie peuvent revenir (seulement la moitié d'entre eux y parviendra).
Cette indépendance durera de 1920 à 1939.

Le livre débute en 1992, mais l'histoire des deux héroïnes du livre commence à ce moment. Les sisters sont nées en 1920 et 1925. La vie est jolie en Estonie libre.
Les terres des gros fermiers et du clergé sont revendues aux paysans eux-mêmes. Pas plus de 8h par jour de travail, des congés payés, estonisation des élites, reprise économique correcte après la crise de 29. le pays est plutôt anti-communiste, mais il y a montée du populisme. La ligue fasciste finit par être écartée, mais le pouvoir se durcit.
Puis la tension monte, la 2ème guerre mondiale est en train de s'installer.

En 39, le pacte germano-soviétique trucide littéralement cette indépendance de l'Estonie. Les deux ex-occupants historiques, Allemands et Russes, se font des politesse en se marrant, par Hitler et Staline interposés. Tu veux ci ? Je prends ça, le reste, tu fais comme tu veux. L'Estonie essaye de s'instituer pays neutre comme la Suède vient de le faire, mais Staline ne l'entend pas comme ça. L'Allemagne a demandé le retour d'Estonie des germanophones, qui quittent entièrement le pays pour la première fois depuis le XIIIè siècle.
Maintenant l'oncle Jo fait ce qu'il veut de ses petits voisins ougrio-finno-baltes.

En Juin 40 les troupes soviétiques entrent en Estonie. L'enfer va commencer. Pas de résistance face aux 90.000 bolchos et leurs tanks, on restitue les armes, les Russes prennent les media et interdisent toute activité politique. Des élections truquées ont lieu, remportées à 93% par les communistes, ça alors ! En Août 40 l'Estonie entre dans le giron de l'URSS.
Commencent les purges chères au coeur du tendre Staline.
Le NKVD purge le pays, de ses cadres notamment, arrêtés, déportés ou fusillés, comme il l'a déjà fait à Katyn avec les Polonais. Purge, c'est le nom du livre.
Terres confisquées, économie nationalisée, langue russe imposée, disparition des religions et langues anciennes, presse sous contrôle.
Malgré le pacte germano-soviétique de 39, l'Allemagne se fait menaçante vers 1941, alors hop, répression maximale, 6000 puis 9000 Estoniens supposés à la solde des Allemands sont arrêtés et exécutés sur place ou en Russie, femmes et enfants envoyés en Sibérie, où ça meurt à tour de bras.
L'Allemagne nazie déclenche son opération Barbarossa en Juin 41 et attaque l'URSS. Atrocités commises en Estonie par les soviets comme si c'était de leur faute, 33.000 Estoniens incorporés de force dans l'Armée Rouge (la moitié survivra).

L'Estonie a été moult fois occupée durant son histoire, mais pendant ces deux ans d'occupation stalinienne, ça a été un enfer sur terre.

Voilà comment les Allemands entrant en Estonie sont accueillis comme des libérateurs, pouvant mettre fin au cauchemar que les Estoniens vivent depuis deux ans, et une guérilla se forme pour les aider à repousser les soviétiques. Lesquels avaient évacué leurs collaborateurs au maximum.

En quatre ans d'occupation, les Allemands ont assassiné les juifs qui n'ont pas pu fuir (environ 2000 personnes sur 4500), les Tziganes (à peu près aussi nombreux), et quelques 5000 communistes - parfois aidés par des gens du crû engagés dans l'administration nazie. Puis ils ont installés des camps de concentration pour déporter quelques 10.000 juifs des pays voisins et les prisonniers de guerre russes. La veille du retour de l'Armée Rouge en 44, ils éliminent sauvagement 2000 juifs des camps, et poussent les autres dans les épouvantables marches de la mort. Quant aux Estoniens en 44, certains sont incorporés de gré souvent, de force aussi, dans l'armée allemande, d'autres fuient et rejoignent l'armée finlandaise ou prennent le maquis. C'est la débandade, les Allemands quittent le pays après quatre ans d'occupation,
et les soviétiques s'emparent à nouveau de l'Estonie.

C'est là qu'il faut se faire violence dans nos valeurs. C'est dingue comme c'est compliqué d'y arriver, je traine encore la patte. Un cinglé sanguinaire, Hitler, a lancé son pays dans une guerre impossible, brandissant des idéaux destructeurs et une armée qui l'est tout autant. Il établit un classement des populations, du sur'homme grand blond aryen au sous-homme à détruire. Tout en bas, les juifs, qu'il faut éradiquer comme des nuisibles. A peine plus haut, les slaves, qu'il faut esclavagiser comme des bêtes de somme. Pour Hitler et son classement, les "finno-ougriens" sont d'une lignée un peu inférieure à celle des Scandinaves vikings mais ça passe, les nazis n'ont pas grand chose contre eux, à condition qu'ils se soumettent, si nécessaire en usant de brutalité.
Pour le peuple estonien plus ou moins à l'abri dans le classement fanatique d'Hitler, les Allemands, c'est une vieille connaissance, ils gèrent à peu près.

Alors que les bolchéviks leur ont mis l'enfer. Pas vraiment les Russes, même si, comme pour les Germanos, l'occupation pendant deux siècles n'a pas été de tout repos.

Les bolchéviks. Avec eux, des morts, des déportés, des sacrifiés, et tout ce qui suit de sadiques, violeurs, tortionnaires, veules, obtus, délateurs, faisant régner la peur à chaque instant, dans chaque regard, presque dans chaque pensée. L'absolue, l'atroce occupation de fanatiques obéissant aveuglement à leur dictateur suprême. Sur un peuple qui pourtant en avait vu d'autres. C'est un petit pays, mais qui détient le pourcentage de destruction le plus élevé en Europe, en perdant 20% de sa population, sous le joug des Staliniens, ou en fuite. Seuls les Cambodgiens ont payé un prix plus fort, avec leur peuple détruit à 25% par les Khmers rouges.

Or, nos valeurs nous interdisent d'imaginer plus atroce dictateur sanguinaire qu'Hitler. Il est le mal absolu.
Je sais, nous savons qu'il est inutile de mettre en concurrence ces hommes et les horreurs qu'ils ont commises.
Ou même de comparer le nombre des victimes, des fantômes qui laissent encore planer leur ombre au-dessus des peuples opprimés par ces cinglés, sur plusieurs générations. Ces dictateurs, ces plaies de l'humanité disparaissent, et parfois renaissent. Ce que vivent les Ouïghours actuellement n'a rien à envier à leurs frères de douleur du passé, dans le classement fanatique des peuples jugés inférieurs à éradiquer, et le grand Onze s'y attèle très tranquillement. Ce livre pourrait leur être dédié.
Mais pour les Estoniens notamment, le mal absolu, ce n'est pas Hitler, c'est Staline. Dans leur chair, dans leur crâne, dans leurs familles, l'horreur s'appelle Staline, l'accumulateur de cadavres s'appelle Staline, le tortionnaire des survivants s'appelle Staline.

Ce n'est pas fini. Vous savez, quand vous pensez avoir survécu au pire, en vous prosternant sur l'air de "Plus jamais ça", et que le pire revient : Tallin retombe au main des soviets le 22 septembre 44, le reste du pays en Novembre.
Les Russes assassins, violents, violeurs, tortionnaires, obtus, veules, délateurs, reviennent. Á ta porte.
Exode massif des Estoniens (9% de la population) par la mer, dont quelques milliers meurent en chemin, leurs bateaux bombardés par les Sovièts. Les survivants vont en Suède, en Allemagne, ceux-ci migreront ensuite vers les Etats-Unis.
Et la répression s'abat sur l'Estonie, aussi violemment sinon plus qu'à leur premier passage. Arrestation de 75.000 personnes, 25.000 assassinés et 50.000 déportés en wagons plombés sur des milliers de kilomètres. Onze fuseaux horaires. Ceux qui prennent le maquis, environ 30.000, s'appellent les Frères de la Forêt. Ils tiennent bon jusqu'en 1949. En mars de cette année 49, pour tenter de les éradiquer complètement, les soviétiques opèrent une déportation massive des fermiers et des hommes politiques ou du milieu culturel, encore quelques 21.000 Estoniens.
A la mort de Staline (53) et lors de la gouvernance de Khrouchtchev, la répression se détend, on ouvre les camps et les déportés estoniens (encore vivants) peuvent revenir à partir de 56.

Voilà. de 1939 à 1941, et de 1944 à 1953, les Estoniens ont vécu le pire, puis le pire plus longtemps.

De 1953 à 1991 et l'effondrement du mur de Berlin, les Estoniens se relèvent du grand cauchemar, vivotent, ne lâchent pas prise, subissent encore la Soviétie, avec ses interdits, notamment de quitter le pays. Ils se hissent en première république socialiste soviétique (sur les quinze) pour le niveau de vie, ce qui reste nettement inférieur à n'importe quel pays de l'Ouest. de nombreux Russes sont envoyé peupler l'Estonie, l'intégration ne se fera jamais vraiment. En 76 le petit dictateur coco Karl Vaino qui dirige la république d'Estonie, cherche à éradiquer la culture estonienne et impose le russe autant qu'il peut. Mais ouf, ça ne prend pas, les Estoniens tiennent bon. Les Russes importés, par contre, ne parlent à peu près pas estonien, à quoi bon. Très peu de mariages mixtes, et pour cause. On ne se mélange pas avec les profs de russe...

Voilà Gorbatchev. En 85. Voilà Tchernobyl. En 86. Les Estoniens comprennent que l'industrialisation à la soviétique, comme par exemple la mine de phosphate qu'on s'apprête à ouvrir, est en train de polluer définitivement le pays aux mille lacs. Et puis marre des oukazs, les Estoniens veulent dénoncer l'occupation sanguinaire des soviets, la déportation massive de 1949, le tabou du pacte germano-soviétique, ça gronde, ça manifeste.
Et ça chante. Cette révolution de 87 se fait en chantant. C'est pacifique, c'est beau, ça parle de liberté. On vire Vaino. En 89 des vraies élections libres sont enfin organisées, et c'est la défaite des cocos russophiles conservateurs. le 24 août 89, date anniversaire du démoniaque pacte germano-soviétique, ah ça c'est grand, une chaine humaine est lancée. Des êtres humains se donnent la main, en partant de Tallin tout au nord. Cent personnes, mille personnes, dix mille, cent mille, un million deux millions de gens se donnent la main de manière ininterrompue, de Tallin à Vilnius en Lituanie, en passant par Riga. L'opinion internationale est émue. Ça commence à sentir bon.
L'URSS s'effondre, on ne veut plus voir un seul communiste en Estonie, Ok on va préparer l'indépendance… C'est Boris Eltsine, nommé après le coup d'état qui a fait tomber Gorbatchev, qui l'accorde aux Estoniens très officiellement, en 1991. Ce fut long, depuis le XIIIème siècle…
Liberté. le bloc soviétique s'effondre. Liberté.
Sauf pour ces héroïnes qui font ce qu'elles peuvent de leurs blessures, de leur survie, et demeurent saisies dans leur terreur à jamais. Ou pas. C'est long, une vie.

L'apprentissage du russe par le viol continue néanmoins, dans toutes les ex-républiques du bloc. le tourisme sexuel, les jolies blondes lâchées aux chiens, le porno où les filles de l'Est font florès, et tous ces types qui profitent grassement de cette manne, une sorte de capitalisme aux manières staliniennes dans son efficacité sadique, on en est là aussi.
1992. Nous découvrons une de nos héroïnes du livre. Deux de nos héroïnes.
Pour la petite histoire, les russophones estoniens, plutôt largués socialement en Estonie, sont un met de choix pour Poutine, qui aime tant faire la chasse aux nazis et déteste qu'un ex-pays soviétique se trouve bien dans sa liberté retrouvée. Grâce à lui, la grande ombre sanglante du grand voisin se redéploie. Nos russophones aux mains des nazis estoniens sont torturés, oh la la ben oui, il faut les sauver tudieu !
L'Estonie et ses petites voisines sont entrées dans l'OTAN. Déjà un frein.
Mais la bête immonde a toujours faim.

J'apprends le russe par le viol.
Plus j'en découvre sur les compatriotes, plus je me demande comment font les gens normaux, les Russes qui ont pu se barrer à temps par exemple, pour sentir dans leurs veines le sang de ce peuple-là qui n'en finit pas de détruire, de violer, au nom de son dictateur vénéré. Parce que maintenant, l'Ukraine. L'éventail de l'âge des victimes de viol en Ukraine par les soldats russes depuis février 2022, va de 4 ans à 86 ans. Hommes et femmes, tant qu'à faire. Un nouveau dictateur se prend d'une violente envie de détruire en s'en donnant les moyens, et applique l'apprentissage du russe avec ces mêmes manières, sur un peuple frère violé très incestueusement. Comment peut-on être persan, pardon, russe ? N'en ont pas marre d'être détestés partout où ils passent ?

On lit ce livre. On dévale la montagne. On comprend ? On comprend qu'il ne doit pas gagner, le prof de russe actuel ? On se met bien ça dans le crâne ?

J'avais mal lu, je pensais que c'était un homme, Sofi Oksanen l'écrivain. de mère estonienne et de père finlandais. Au coeur du sujet. Ça me faisait bizarre de parcourir ces récits écrits par un homme. Mais en découvrant à la fin du livre que non, c'était bien une femme qui a écrit-décrit ces vies, ça m'a mise dans un drôle de vertige. Courageux d'avoir trempé sa plume dans ces fluides. le corps en est plein. le corps parfois est plein des fluides des autres. L'odeur s'en ressent. Les destins aussi.
Sofi l'écrivaine décrypte ces destins, les obéissances, les envies de s'envoler, le placage au sol et les changements de pouvoir.
Et l'odeur des oignons.
Je ne peux pas le recommander, ce livre. Et pourtant je le recommande. J'irais même plus loin : je le jetterais bien à la tronche de ceux qui m'expliquent que faut comprendre, le tsar contrarié a ses raisons, il ne fallait pas l'asticoter avec l'Otan, lafota lézamérikin, et puis l'Ukraine ils n'ont pas été blanc bleu pendant la guerre, voilà voilà. Qu'ils lisent ce livre, regardent "Le Capitaine Volkonogov s'est échappé", apprennent sévèrement le russe, et reviennent me causer.
Non parce que.
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L'Estonie et les conflits d'Europe de l'Est à travers deux visions. Celle d'une jeune femme et celle d'Aliide une petite mamie vivant seule. Dans ces deux visons ont retrouve également deux temporalités.
C'est glaçant car vrai et si peu connu pour nous, population de l'ouest de l'Europe.
A découvrir !
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Si le résumé de l'actuelle version Livre de Poche révèle plus d'éléments de l'intrigue (sans trop en dire, à mon sens elle est mieux rédigée), je me suis lancé dans la lecture de l'édition Stock sans penser que cette histoire était assez glauque, entre prostitution et tortures, et presque un thriller.

On y suit donc la vie mouvementée de deux jeunes femmes - l'une en Estonie pendant la Seconde Guerre mondiale et l'autre dans la Russie et l'Estonie contemporaine - et leur rencontre, qui mènera à différents rebondissements et révélations. le livre alterne de courts chapitres sur différentes époques, sans chronologie apparente.

C'est un très beau roman, à la fois tragique et prenant. La construction impeccable entre les différentes périodes nous dévoile peu à peu le passé des personnages, leurs secrets et leurs intrications. le personnage central, Aliide, se révèle passionnant et d'une grande complexité. Elle est confrontée à ses choix… comme le fût l'ensemble de la population de ce petit pays balte, pays qui est finalement le vrai personnage du livre. Ballotée entre ses puissants voisins allemand et soviétique, tout à tour sauveurs et tyrans, l'Estonie a une histoire étonnante que j'ai découverte ici (d'autant plus aisément que quatre pages de chronologie terminent le livre, excellente initiative).

A la terrible période de la guerre succèdera une longue période d'occupation soviétique que nous fait vivre Aliide. A cela s'ajoute donc exploitation sexuelle et autres horreurs contemporaines, autant dire que ce livre n'est pas très joyeux et pas le meilleur choix pour se détendre. En revanche, pour suivre de petites histoires dans la grande histoire estonienne, vous ferez le bon choix avec ce roman qui m'a tenu en haleine tout du long et dont j'admire la construction des chapitres et du récit. Je ne lui reprocherai guère que son ton un peu trop sombre… et quelques révélations un peu excessives à la toute fin.
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