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3,78

sur 2318 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Purge , 111e , action !
Alors Purge , c'est tout d'abord une attente ! Celle d'un livre promis en Janvier 2012 et reçu en Avril . D'ou cet énorme remerciement à Bibalice pour son obstination aupres des éditions le Livre de Poche qui se sont , finalement , fendus d'un exemplaire tardif , certes , mais perçu comme un véritable cadeau de Noël avant l'heure – comme quoi ça paye d'etre sage...ceci dit , promettre à un p'tit n'enfant son suppo quotidien à base de pruneau /olives noires/fibres et n'en rien faire , c'est moche...

Lorsque Purge paraît en 2008 , Sofi Oksanen , de pere Finlandais et de mere Estonienne , aborde le virage de la trentaine . Ce livre qui , au départ , était voué à n'etre qu'une piece de théatre , multipliera les récompenses d'ou l'attente bien légitime d'entamer un livre exceptionnel...Bon , à tout le moins tres tres tres tres tres tres bon...

Un livre prenant et instructif à n'en pas douter ! Si tu as aimé Retour vers le Futur et qu'en plus , une petite leçon d'histoire n'est pas pour te déplaire , alors Purge tu liras et apprécieras à sa juste mesure ( dixit Maitre Yoda ) . le petit souci qui se présente au lecteur et ce , des le commencement , c'est ce flipper temporel qui vous fait passer de 1949 à 1992 , 1936 , 1950 numéro complémentaire le 16 ! Eviter donc de commencer ce roman un jour de gueule de bois au risque de vous perdre dans les couloirs du temps ! Couloirs que l'on foule avec une aisance frolant l'insolence une fois les divers protagonistes appréhendés . Heureusement , ils sont peu nombreux .
Aliide est une vieille Estonienne à la vie rude et au caractere affirmé . Esseulée dans sa maison faite de briques et de plumes , elle coule des jours répétitifs faits d'habitudes tenaces . Ayant peu d'amis et une fille à l'étranger , le silence est devenu son plus fidele compagnon . Silence profané par l'arrivée inopportune de Zara , jeune femme brisée et en fuite recueillie provisoirement...
Oksanen intrigue tres rapidement . L'on sent bien que Zara n'est pas là par hasard et c'est au travers un pan de l'Histoire Estonienne de pres d'un demi siecle que l'auteure se fera fort de le démontrer !
Un jeu du chat et de la souris magistral ! Chacune des deux femmes essayant de s'apprivoiser puis , mutuellement , de se tirer les vers du nez de façon désintéréssée avec l'air de ne pas y toucher . Jamais d'interrogations frontales d'ou ce clap-clap des deux moignons pour l'ambiance oppressante instaurée ! Et c'est par le recoupement de leurs deux histoires paralleles respectives que le lecteur parviendra à définir les liens qui les unissent , concevant alors la présence préméditée de cette jeune femme à la dérive .
Purge , c'est un fin mélange d'Histoire et de biographie familiale . Deux femmes , deux époques distinctes , un meme chemin de vie balafré...
Si Aliide se perdit corps et ame dans les méandres nauséabonds d'un communisme totalitaire émergeant , Zara , elle , voulant croire en un avenir meilleur , connaitra l'enfer d'une prostitution déshumanisante !
Communisme et prostitution , deux themes forts , traités sans détours , au service d'un récit familial bouleversant . le style Oksanen est précis et agréable , n'étaient ces innombrables sauts dans le temps venant alors casser un rythme théatral enlevé , ellipses cependant inhérentes à la construction d'une telle dramaturgie...J'ai véritablement accroché l'aspect historique qui n'est jamais rébarbatif alors que l'histoire et moi, ça fait habituellement deux ! A part 1515 , la bataille de Rantanplan , c'est le vide abyssal...
Oksanen mixe donc habilement ces deux trames puissantes sur fonds de jalousie et de trahisons familiales , de culpabilité et de rédemption tout en y insérant une quete personnelle du plus vif interet !
Merci à Babélio pour cette découverte ainsi qu'aux éditions le Livre de Poche ! Comme quoi , Breton tete de con , ok , mais pas rancunier...

Purge , quand L Histoire nationale pervertit irrémédiablement l'histoire familiale...
3,5/5
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Beaucoup d'entre vous l'ont déjà lu, mais j'ajoute tout de même ma voix aux avis qui sont dans l'ensemble très positifs. Purge est un roman qui parle directement aux sentiments, au travers de son sujet et grâce à son écriture. Bien plus qu'un huis clos entre deux femmes que séparent plusieurs générations, c'est l'histoire des soixante dernières années en Estonie qui surgit. Ou plutôt l'histoire des estoniens et des estoniennes, ces dernières, comme malheureusement dans toutes les guerres, ayant subi autant de violences que d'envahisseurs successifs. L'Estonie a ainsi été russe, puis allemande, puis de nouveau russe. En 1992, quand débute le roman, elle a accédé à l'indépendance, mais la quiétude n'est pas revenue pour autant dans les petits villages ni dans l'esprit des petites gens. Aliide est une vieille femme, que rien ne rend particulièrement sympathique, pas plus que Zara à qui elle ouvre à contrecoeur sa porte. Pourtant Aliide vient en aide à la jeune femme, sans rien savoir de ce qui l'a amenée vers sa maison.
Une belle émotion se dégage dès les premières pages, derrière les petites activités quotidiennes d'Aliide, qui cuisine, concocte tisanes et conserves, une peur émerge, qui rencontre une autre peur, celle de la jeune Zara. Plus que le dialogue, difficile entre les deux femmes, ce sont les retours en arrière qui font émerger des thèmes forts et prenants, le mensonge, la jalousie, les violences faites aux femmes, les traumatismes, la survie, la peur. Chaque chapitre commence par la date et le lieu, évitant ainsi d'égarer le lecteur dans la chronologie. L'écriture est vraiment particulière, tout en étant très lisible, elle roule, cahote, repart, s'attarde sur les petits gestes pour éviter de trop en dire. Un très beau roman, qui mérite les éloges et les prix qu'il a reçus, mais que j'étais tout de même contente de terminer, la gorge serrée, pour passer à une lecture moins éprouvante.
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Estonie, 1992. Depuis quelques mois, le peuple estonien fête la fin du joug soviétique, après un demi-siècle de soumission forcée.
Retirée dans sa ferme, les sens aux aguets, la vieille Aliide Truu partage peu la liesse générale. Méfiante, amère, elle craint les débordements, les règlements de compte et les pillages, fréquents dans ces coins reculés de la campagne estonienne.
Sa fille unique au loin ; son mari, ancien membre actif du parti, mort ; elle passe son temps derrière ses fourneaux, à préparer des confitures, des conserves, des potions médicinales concoctées avec les herbes de son jardin.
C'est justement dans son jardin, qu'elle trouve un beau matin, une jeune femme étendue inconsciente, sale et boueuse, les vêtements déchirés. Malgré sa défiance et contre toute attente, Aliide la recueille, la soigne, la nourrit. C'est que dans les yeux de la jeune Zara et sur son corps meurtri, Aliide a décelé quelque chose qu'elle-même connaît bien pour l'avoir trop vécue : la peur poisseuse qui colle au corps, la honte chevillée comme une ombre, les tremblements irrépressibles, c'est là le martyre des femmes blessées dans leur chair.
Alors que peu à peu les deux femmes s'apprivoisent, les questions surgissent.
Qu'est-ce qui a conduit la jeune Zara à venir se réfugier chez la vieille Aliide et que fuit-elle? Quel est le lien secret qui unit les deux femmes ?
Au fil des jours, dans le huis-clos pesant de la ferme isolée, les langues se délient et le passé d'Aliide remonte à la surface, comme un torrent boueux déversant son flot d'ignominies, entre actes de bravoure et agissements méprisables, entre amour destructeur et haine tenace, entre obstination et résignation.

On ne peut rester insensible au sort de ces deux femmes malmenées par l'Histoire, aux destins liés dans l'adversité.
Toute la force du roman réside dans cette proximité tissée fil à fil, que la Finlandaise Sofi Oksanen réussit à nouer entre ses personnages et le lecteur, une intimité faite de curiosité, d'interrogation, de malaise parfois et de sentiments contrastés. Sa plume sait se faire à la fois dure, crue, violente ou apaisée, sensuelle ou rêche, douce ou abrupte ; elle s'attarde sur les gestes anodins du quotidien, sur des odeurs de terre, d'herbes et de cuisine pour mieux prendre à la gorge le lecteur que nous sommes, dans des émanations de sang et de chairs violentées, laissant la brutalité du réel pénétrer dans tous les recoins de la pensée.
Alternant les allers et retours entre passé et présent, entremêlant plusieurs époques et lieux différents, le roman s'articule autour du destin croisé de ses deux héroïnes et nous fait découvrir tout un pan de l'Histoire de l'Europe de l'Est. Satellisés par le bloc soviétique pendant la seconde guerre mondiale, de nombreux petits pays oubliés par l'Ouest comme l'Estonie, ont subi le régime communiste pendant plus d'un demi-siècle.
Mais après l'oppression et la dictature, l'indépendance des années 1990, en même temps que le libéralisme, a ouvert les portes à un mal tout aussi impitoyable : le trafic de jeunes femmes de l'Est par les mafias russes.
Politiquement engagée, socialement impliquée dans la cause féminine, Sofi Oksanen nous dévoile l'avant et l'après d'un pays qui, même s'il a tourné le dos aux années de terreur, n'en a pas encore fini avec les tourments et les violences faites aux femmes.
La jeune auteure née en 1977, a atteint avec Purge la consécration dans l'ensemble des pays de l'Est où elle a raflé les prix les plus prestigieux. En France, cette nouvelle voix de la littérature étrangère s'est vue récompensée par le Prix Fémina 2010.
Il n'y a guère qu'en Russie que la jeune femme au look de punk gothique est devenue indésirable.
Sans doute que le réalisme âpre de son roman a laissé un arrière goût acide dans la bouche de certains…
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Que dire encore sur ce roman, après 176 critiques ?
Il n'est pas étonnant qu'il ait été récompensé par le prix Femina, puisqu'il est centré sur deux femmes.
L'une, Aliide, dans l'Estonie occidentale de 1992, est vieille et vit seule dans sa ferme à l'écart du village. Elle passe ses journées à préparer des conserves de légumes et ses nuits à guetter les bruits suspects et les voyous des environs qui jouent à lui faire peur.
La vie d'Aliide a basculé début des années 40, quand le beau Hans a posé les yeux sur sa soeur Ingel, et pas sur elle, Aliide. A compter de ce jour, Aliide la sournoise n'aura de cesse de tout faire (il faut insister sur le « tout ») pour conquérir Hans et le détourner de Ingel, la préférée, l'épouse idéale, si belle et si parfaite ménagère. Aliide perdra définitivement son âme une nuit de 1947, dans la cave de la mairie, alors qu'elle est interrogée (euphémisme pour « torturée ») par la police communiste.
L'autre, Zara, dans cette Estonie occidentale de 1992, se réfugie dans le jardin d'Aliide. Bien que méfiante, celle-ci la recueille. Mais qui est cette jeune fille ? Elle dit fuir son mari violent, mais le lecteur apprend bien avant Aliide qu'elle vient en réalité de s'échapper des griffes de son proxénète, mafieux russe. Et que Zara n'arrive pas par hasard chez Aliide, les deux femmes ont en effet quelques gènes en commun.
L'histoire et les secrets de famille nous sont révélés peu à peu, en même temps que nous est racontée, entre les lignes, l'histoire de l'Estonie et de ses occupations successives par l'URSS, puis l'Allemagne nazie, puis à nouveau l'URSS, jusqu'à l'indépendance en 1992.
Les chapitres sautent d'une époque à l'autre, du passé lointain d'Aliide à celui, plus proche, de Zara, pour passer au moment présent de leur rencontre.

Je ne sais pas très bien quoi penser de ce livre. J'aime quand la petite histoire des gens est inscrite dans les remous de l'Histoire, c'est l'occasion pour moi d'apprendre des choses et de joindre l'utile à l'agréable. Mais voilà, ici, la lecture n'est pas agréable.
Certes, c'est bien écrit, bien traduit, le puzzle est drôlement bien amené, bref totale maîtrise du fil de l'intrigue, même si parfois la déstructuration chronologique est frustrante (comme dans les bons thrillers, quand la montée du suspense est soudain interrompue par un changement de sujet).
C'est l'histoire elle-même qui met mal à l'aise, et le style l'amplifie. Des événements terribles sont décrits, ou seulement sous-entendus, froidement, sans émotions, parfois dans des termes crus, ce qui les rend d'autant plus glaçants.
Je suis à peine arrivée à avoir pitié de Zara, pourtant brutalement exploitée, et je n'ai ressenti aucune sympathie pour Aliide, tant ce personnage est ambigu. Les violences infligées à l'une font écho aux humiliations subies par l'autre, et leur ont forgé à chacune une carapace d'insensibilité, rendant l'empathie difficile.
L'auteur ne critique pas ses personnages, elle semble leur chercher des circonstances atténuantes dans les tourbillons du communisme ou du libéralisme. Si au temps d'Aliide, l'URSS était le « grand méchant », la mafia de l'Est a désormais pris le relais pour ce qui est de faire souffrir les femmes.

Mensonges, trahisons, manipulations, collaboration sont au coeur de ce récit, en même temps que le constat paradoxal que le déclencheur de ces horreurs est … l'amour, même s'il s'agit de l'amour perverti, aveugle, égoïste et mal placé qu'Aliide voue à Hans. Ca fait froid dans le dos. Comme de constater qu'on n'a pas de réponse certaine à la question « qu'aurions-nous fait à leur place ? »

Bref j'en ressors avec une sensation de malaise. Cette histoire ne laisse pas indifférent.
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Un drame familial débutant d'une simple rivalité amoureuse entre deux soeurs, avec de lourdes conséquences sur plusieurs générations . C' est le récit saisissant que nous offre Sofi Oksanen, le tout lié à l' histoire récente de ce petit pays méconnu, malmené dans un premier temps par l' occupant nazi avant d' être annexé et oppressé durement par le puissant voisin soviétique.Un sujet fort , une belle écriture , une intrigue captivante et complexe, parfois un peu difficile à suivre de part l' utilisation intensive de l' effet de flash-back dans la narration.
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Je termine ce livre avec un sentiment mitigé non pas tant par sa teneur mais par la façon dont les événements ont été narrés !

Il démarre en avec l'effondrement du bloc de l'Est et mène à la restauration de la République d'Estonie. C'est un roman très sombre qui raconte une famille sous l'occupation allemande puis sous le joug soviétique et la résistance estonienne, les héros d'un jour devenant les traitres le lendemain !

Exactions, magouilles, corruption, déportations, dénonciations, trahisons et mensonges... Les femmes sont plus souvent que les autres les victimes désignées des atrocités !

Tout ça je m'y attendais car je connais un peu l'Histoire des ex-pays de l'URSS et ce ne sont pas les retours en arrière qui m'ont gênée mais la rédaction proprement dite, du moins l'absence de rédaction qui a fini par me donner l'impression de lire un catalogue d'atrocités avec une grande difficulté à avoir de l'empathie pour les personnages !

J'ai failli abandonner mais j'ai tenu bon afin de voir où pouvaient mener ces mots et ces courtes phrases ! Au final : nulle part !

Challenge Plumes Féminines 2022
Pioche dans ma PAL mars 2022
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Un matin de 1992, alors que le bloc de l'Est poursuit son effondrement et que les Russes quittent peu à peu l'Estonie, la vieille Aliide trouve une jeune fille affolée dans son jardin, Zara, jeune Finlandaise qui fuit un homme. « Peut-être qu'elle faisait maintenant une erreur en se rebellant contre son destin de pute, mais il était vain de penser à cela maintenant. » (p. 293) L'histoire de Zara entre en résonnance avec celle d'Aliide qui, des décennies plus tôt, a aimé Hans, le mari de sa soeur, et qui aurait tout fait pour l'avoir rien qu'à elle, jusqu'à l'impensable. Depuis des années, elle vit avec des secrets et des hontes : son passé est lourd à porter et elle craint sans cesse qu'il refasse surface, qu'il remonte de la cave où elle vécu sa plus grande douleur. Aliide est de ceux qui ont collaboré, qui ont laissé les Russes toucher à l'Estonie. Pour ça, elle sait qu'on la hait et elle craint les pillages, mais elle ne reculera jamais. « Cette terre était sa terre, elle en était issue et elle y resterait, elle n'en partirait pas, elle n'y renoncerait pas. » (p. 195) Aider Zara, finalement, c'est s'opposer enfin à l'URSS, dire non à la toute-puissance des hommes et à leurs désirs sales. Zara aussi a beaucoup à cacher, mais elle cherche surtout à comprendre le pesant secret de famille qui est son héritage.

Sordide. Épais. Poisseux. Crasseux. Ces qualificatifs n'ont cessé d'accompagner ma lecture. Purge est un roman pesant et sombre où se heurtent en un violent fracas l'histoire de l'Estonie et le destin de quelques individus. La rédemption ne s'y acquiert qu'au prix du sacrifice et de la brutalité. L'image récurrente des mouches qui se posent sur la viande résume parfaitement l'atmosphère de ce récit : ici, tout est putride. Lecture âpre et dérangeante, mais qui marque pour longtemps. Il est dans mes habitudes de lire les bestsellers des années après tout le monde : j'aurais peut-être dû attendre encore un peu pour ouvrir celui-là.
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Dans la campagne estonienne, une vieille fermière solitaire, Aliide, découvre dans son jardin une jeune femme égarée et en loques, qu'elle va accueillir et réconforter en dépit de son caractère dur et calculateur. Zara, abusée et forcée à se prostituer, est poursuivie par ses souteneurs, comme on le devine assez vite, mais un très lourd secret de famille la relie en fait au passé d'Aliide. le roman sera donc un aller et retour permanent entre différentes époques, celles de la jeunesse d'Aliide, de son amour pour Hans, son beau-frère, durant la guerre, de son mariage avec un communiste stalinien dans l'Estonie soviétique, et enfin des années 90 où se déroule l'intrigue. La composition en est très habile et se rapproche souvent du thriller, car le lecteur tremble pour Zara, poursuivie par des tueurs. Il sera aussi question de jalousie entre soeurs, d'amour impossible, de duplicité, de trahison et de violence.
Ce roman mettant aux prises trois générations de femmes estoniennes est axé sur les violences faites aux femmes par des hommes incarnant le viol, la brutalité et le mépris, suscitant chez elles le dégoût, l'aversion et la haine. L'histoire du XXème siècle sert de cadre au récit, en partant de la seconde guerre mondiale qui a vu les pays Baltes connaître deux occupations, allemande puis soviétique, jusqu'à la chute de l'URSS et l'avènement des trafics de prostituées organisés par les mafieux.
Malgré une large place faite à l'évocation des sensations, olfactives, auditives, tactiles dans le décor rural d'une ferme traditionnelle, l'ensemble du texte reste très sombre, dur, pessimiste, autour de la scène pivot de la femme violentée, que ce soit du fait des tchékistes soviétiques, ou des mafieux prostituant les jeunes femmes… Face à la brutalité et la bêtise masculine, face au refus de l'homme aimé, il ne reste de salut à la femme, selon l'auteur, que dans le calcul et la duplicité. Une vision noire de l'humanité.
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Quel beau roman, qui utilise l'histoire de l'Estonie de 1939 à 1992 pour nous peindre le destin de femmes. L'Estonie, indépendante depuis 1920, et occupée à partir de 1940, par l'Allemagne nazie d'abord puis par la Russie soviétique ensuite jusqu'en 1992. Comment vivre libre dans ce contexte et défendre son identité ? Comment chacun positionne sa vie quotidienne dans cette ambiance ?

La vie est rude pour ces femmes, la vie est faite d'humiliations, de peur, de délations, de trahisons. En 1992 Aliide, vieille femme qui vit une vie simple dans une ferme sera perturbée par l'irruption de Zara, jeune fille en guenille affalée dans la cour boueuse. Aliide, froide, dure et silencieuse va la recueillir. Toute l'histoire d'Aliide va s'écouler, depuis la jeune et amoureuse, jusqu'à la vieille solitaire, Aliide qui cache tous les secrets qui ont traversé ces temps si durs.

D'un point de vue historique le roman est très intéressant en ce qu'il nous fait découvrir à travers la vie des gens le destin de ce peuple dominé pendant si longtemps. du point de vue du récit, il est poignant et si le personnage d'Aliide ne porte pas à l'empathie, on se prend quand même à éprouver de l'affection pour elle. Et Zara, jeune fille qui rêve d'occident et d'argent et que la mafia transformera en esclave sexuelle, comment ne pas croire en sa fuite ? Et la rencontre entre ses deux femmes si contrastées ? Et si quelque chose de plus profond les rapprochait ?

Bien écrit, d'une lecture aisée malgré les thèmes abordés qui sont souvent lourds, et une ambiance pesante ce roman mérite un détour.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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Nous sommes en Estonie et nous allons être brinqueballés, secoués, plongés des années 30 à 90, en suivant l'histoire de deux femmes, Aliide et Zara, dont l'histoire nous est distillée par petites touches composant une fresque expressionniste.
Le pinceau est sec et tranchant, le trait dur, brut, les teintes sombres, sans presque de couleur ; quelques objets meublent le décor et occupent dans le tableau une importance surprenante alors que d'autres détails restent dans l'ombre ; des odeurs, des senteurs entêtantes s'exhalent et accentuent l'atmosphère oppressante ; dans le repli d'un papier peint qui se décolle, on aperçoit une araignée ; ici et là une mouche harcèle.

Récit haché où les époques s'entrechoquent, occupation allemande, puis soviétique, dont la fin laisse le champ libre aux mafieux de la prostitution. La ligne de temps est brisée et éclatée mais le récit semble trouver une unité dans le lien familial unissant les deux femmes, qu'on découvre peu à peu (Zara est la petite nièce d'Aliide) , et dans les blessures morales et physiques qu'elles ont toutes deux subies à une quarantaine d'années de distance. Aliide est passée par les interrogatoires dégradants de la sûreté soviétique, Zara est tombée dans les serres d'un mafieux et d'un réseau de prostitution.

J'ai eu de la peine à appréhender ce roman étrange, brut comme un caillou difforme, qui semble dur mais qui s'effrite à la manipulation comme pour ne pas révéler sa forme, pour dissimuler son coeur.
Les personnages ne se laissent pas apprivoiser, ils ne sont pas sympathiques au sens propre du terme. Même dans les épreuves qu'ils subissent, je n'ai pas ressenti de la compassion, tant la narration est froide comme le climat estonien. Les détails souvent glauques donnent la nausée, ne suscitent pas d'empathie. Si peu à peu, lentement, très lentement, on découvre les personnages, c'est de l'intérieur ; de leur aspect physique, je ne me suis fait aucune image ou alors très floue.
Ceci n'est pas une critique négative ; cette approche et ce style conviennent parfaitement au sujet, qui sans cela n'aurait qu'un intérêt réduit. Ce qui est important est moins ce qu'on dit que la façon de le dire.

Reconstituons brièvement le fil des évènements (que ceux qui n'ont pas encore lu le livre et qui souhaitent le découvrir sans que l'intrigue soit déflorée passent le paragraphe suivant).

Aliide vit avec ses parents dans une campagne estonienne reculée, à la limite d'une forêt.
Allide a une soeur aînée, Ingel, considérée comme plus douée qu'elle, ce qu'elle semble admettre.
Au cours d'une fête, Aliide a un coup de foudre pour un jeune homme, Hans, qui lui n'a d'yeux que pour Ingel.
Hans épouse Ingel, ils sont heureux et ils ont un enfant, une fille, Linda.
Aliide continue à vivre avec eux. Sa jalousie devient de la haine mais contenue et dissimulée.
Hans est poursuivi par les soviétiques pour sa collaboration avec les allemands durant la guerre.
Aliide et Ingel le font passer pour mort et le cachent chez elles.
La sûreté soviétique les soupçonne et ses agents les « cuisinent » en vain pour qu'elles avouent.
Par pur intérêt, Aliide se marie avec un proche de l'appareil soviétique, Martin.
Elle quitte alors la maison où elle est née et où vivent Ingel et Hans.
Aliide feint d'être une épouse aimante ; en réalité Martin lui inspire du dégout.
Sur base d'une dénonciation dont Martin et Aliide sont les auteurs, Ingel et Linda sont déportées.
Aliide connaît ainsi le bonheur de retourner vivre dans « sa » maison avec Martin.
A l'insu de son mari, elle continue d'y cacher Hans.
Aliide reste convaincue qu'un jour Hans reconnaîtra ses mérites et se rendra avec elle à Tallin, capitale de l'Estonie.
Elle sera un jour confrontée à la terrible réalité des sentiments réels de Hans et, dans sa rage, lui ôte la vie en bouchant l'issue et l'aération de la cache où il est confiné.
40 ans après, Zara, fille de Linda et petite fille d'Ingel, vient s'échouer chez Aliide, après s'être échappée de l'emprise de ses souteneurs.
Depuis le départ des soviétiques, Aliide vit recluse et dans la crainte de représailles des nationalistes estoniens.
Zara, une inconnue pour Aliide, sait par contre chez qui elle est.
Aliide appréhende avec méfiance et prudence cette fille traumatisée, qu'elle recueille cependant.
Le face-à-face est étrange et plein de non-dits, chacune des deux protagonistes voudrait percer l'histoire de l'autre, sans l'exprimer.
Puis Aliide découvre qui est Zara. Elle tue les souteneurs qui avaient retrouvé sa trace, rachetant ainsi en quelque sorte son crime précédent en permettant à Zara de s'envoler vers une autre vie.

On trouvera dans ce roman une évocation historique à travers un regard féminin ou encore une illustration des violences faites aux femmes et de leur lutte pour y résister ; la personnalité de l'auteur prêche pour ces intentions. On y verra aussi une intrigue habilement montée : des faits somme toute très simples forment des interrogations par le style abrupt du narrateur, par l'éparpillement du fil chronologique et par le caractère introverti des personnages.

Je pense cependant que ces éléments ne constituent que la trame du sujet essentiel : la passion unilatérale et intériorisée d'une femme complexée, exacerbée par la jalousie, devenue une obsession, une fixation hantant tout son être, commandant chacun de ses actes, orientant toute sa destinée.
C'est cette dérive, à la limite de la simplicité d'esprit ou de la folie, qui est le liant du récit, son noyau autour duquel il gravite et dont le lecteur ne peut apercevoir l'importance avant d'arriver au bout du voyage.
A propos de fin, celle qui nous est donnée sous formes de multiples fiches de renseignements provenant de la sûreté soviétique et révélant sous un jour étonnant les activités d'Aliide et de son mari Martin, est quelque peu lassante dans son énumération répétitive du travail des « agents de recrutement » à la solde des soviétiques. En dehors de cette surprise sur le rôle des protagonistes, nous y trouvons la relation froide, technique et dépouillée de tout détail émotionnel, des actes dont l'autre aspect et les conséquences nous ont été décrits auparavant de façon profondément ressentie.

Ceci dit, la grande qualité d'une oeuvre est de multiplier les facettes et de permettre des regards différents ; en cela, Sofi Oksanen réussit pleinement et mon interprétation n'en est qu'une parmi d'autres.
La dernière page tournée, ou plutôt quelques jours après, me reste surtout ce style particulier, tantôt sec, tantôt fourmillant d'images, quelques fois surprenantes, pour nous transmettre une bribe de sentiment, de sensation, d'état d'âme de personnages ou une image de lieu, dont les contours restent assez flous.
J'ai aussi le sentiment qu'une seconde lecture, qui serait moins encombrée de la suite du fil, m'apporterait de nouvelles perceptions, preuve de la richesse du roman.
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