Un livre qui me hante depuis des années. On ne sort pas indemne de la lecture de ce livre coup de poing. On en prend plein la figure, on est assommé par la vague de violence qui n'épargne personne, pas même les enfants.
Purge est avant tout un cris de révolte sur le sort de l'Estonie, abandonnée de tous lors de l'occupation soviétique et plongée dans le totalitarisme, alors que Tallinn est à 80 kilomètre d'Helsinki. C'est aussi une histoire de femmes, qui propose une relecture ultra féministe de l'histoire du XXe siècle avec un message radical : peu importe le régime ou l'époque, les femmes sont toujours confrontées à la violence des hommes, qu'il s'agisse des membres de la police politique, des collabos ou des mafieux.
Dans l'Estonie post-soviétique, une vieille campagnarde, Aliide, découvre dans son jardin une jeune femme en état de choc, Zara. Elle reconnait dans ses yeux un sentiment qu'elle a connu jadis lors de la période soviétique: la peur, la peur qui paralyse Zara, à peine sortie des griffes de la mafia russe. On découvre alors, au fil des flash back, une intrigue complexe et on comprend progressivement qu'un autre lien les unit. Aliide cache un terrible secret de famille. Disons le tout de suite, Aliide n'est pas un personnage sympathique. Confronté à la violence du totalitarisme, Aliide a réussi à survivre, mais pour cela elle a dû se résoudre à faire des choses inavouables… Elle a dû notamment trahir et elle sait aujourd'hui qu'on ne s'en remet jamais vraiment. Osera-t-elle avouer sa faute ? Parviendra-t-elle à empêcher Zara de suivre le même chemin ? Y avait-il une autre solution pour Aliide ? Existe-t-il ne serait-ce qu'une seule personne qui n'a rien à se reprocher parmi les personnages confrontés au totalitarisme et à la terreur stalinienne ?
La noirceur du propos, la crudité des scènes de sévices, l'apparente froideur du style, la complexité de l'intrigue (plusieurs époques, beaucoup de personnages) peuvent rebuter. La vision très pessimiste de l'auteur aussi. Aliide n'est pas simplement une victime, sa jalousie pour sa soeur Ingel est présente dès l'enfance et n'a rien à voir avec l'occupation soviétique. de plus, ici tous les hommes sont des tortionnaires : proxénètes, mafieux, collabos, tchékistes, agents du KGB, même les Résistants ne trouvent pas grâce aux yeux de l'auteur : ce sont des boulets pour leur famille qu'ils affament et mettent en danger.
Sofi Oksanen établit un parallèle entre la terreur stalinienne et l'emprise de la mafia sur les femmes. C'est très violent comme accusation et pour moi c'est excessif. On ne peut accuser les sociétés occidentales démocratiques d'organiser sciemment un asservissement des femmes. Les proxénètes russes vivants de la prostitution forcée, de l'exploitation du corps des femmes, sont des hors la loi, ce que n'étaient pas les tortionnaires de l'époque soviétique, et ça fait toute la différence.
J'ai été révoltée à la lecture de
purge, révoltée par les violences faites au femmes, révoltée par le pessimisme de l'auteur, révoltée par les trahisons d'Aliide, révoltée par le sort des pays baltes, révoltée par le sort d'Ingel. Ce n'est pas un livre facile à lire. Il est encore plus difficile à oublier.