L'Évangile de la Colombe, paru en 1981 fait partie de ces
oeuvres "hors du temps", découverte par tout lecteur avec un état d'esprit bouleversé; abandonnée immédiatement ou perçue tel un fidèle ouvrage de chevet relu chaque fois avec une compréhension nouvelle, toujours plus élevée. Depuis près de 40 ans on peut y percevoir ce qui ne s'impose pas comme un enseignement dogmatique mais ouvre l'esprit à d'autres "possibles" , à d'autres formes de visions portées depuis un Ailleurs non identifié.
Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas, pour autant de ces messages foisonnant aujourd'hui, "tombés" de ces régions astrales, occultes ou pseudo spirituelles que l'auteur n'a eu de cesse de prendre pour cible, dans ses écrits comme dans ses conférences. Ce n'est pas non plus un "point de vue" extraterrestre imposé depuis des sommets reléguant dans les bas-fonds la planète sur laquelle nous vivons. C'est en quelque sorte le "temoignage" d'un héros ( de roman ou pas) volontairement "déporté" de régions célestes mais qui ne se présente ni comme un homme, comme un dieu ou comme un ange à celui qui l'interroge sur le mystère de sa nature : un Cavalier symbolisant le chercheur en quête de Connaissance, mais avec les limites bien définies qu'il assigne à celle-ci: d'un côté le Bien et de l'autre côté le Mal. Surtout ne pas toucher à la sacro-sainte dualité permettant de se desembourber, pense-t-il, de ces mornes plaines parcourues à dos de cheval sur une planète pour le moins méprisée. Or, contrairement à ce que nous pourrions attendre d'un visiteur, imaginé "céleste", la Terre d'hier d'aujourd'hui et de demain semblent avoir pour lui une importance primordiale. Pas question de préparer
Le Cavalier à un voyage vers Sirius ou un "au-delà" hypothétique et à l'aider à faire ses bagages ! Ceux-ci sont d'une tout autre nature. Et surtout on lui apprend à cheminer sur les différents degrés de cette Nature, sans les conduire à s'opposer, à se dénigrer.
C'est par l'évocation de la planète Terre, d'ailleurs, que commence "L'Évangile de la Colombe" :
" Une part de ce livre se passe sur la Terre de toujours. Cette planète mère que des cieux ont bercée, vers laquelle des dieux portent leur vigilance, sur laquelle des mondes ont posé leur semence.
(...)
Une part de ce livre se passe sur la Terre d'aujourd'hui. Et la Terre d'aujourd'hui est une planète bleue dont la valse triste émeut le Ciel. Dont le chant discordant mobilise les mondes... Dont la douleur, enfin, a touché le repos de Celui qui écoute.
Car elle est là, tout, près, l'Oreille de l'infiniment Lointain"
Cette sorte de "prologue" donne le ton d'un "verbe" d'une forme d'écriture et de "penser" poétique autant que philosophique que la critique aura bien du mal à comparer à d'autres. Bien que la belle formule de "
Nietzsche mystique" associée à Oria peut-être souvent justifiée.
De trop nombreuses majuscules ( pas toujours utiles même si on comprend le degré que l'auteur veut donner aux mots qu'elle emploie) peuvent déranger.
Quant au titre donné à cet ouvrage il peut étonner, voire heurter de prime abord de potentiels lecteurs. Mais il ne s'agit pas d'un " Evangile selon Oria". L'auteur n'a pas écrit ni signé personnellement un livre saint ayant pour but de "religerer" une communauté spirituelle et encore moins ecclésiastique. La mise en garde envers toutes religions étourdissant ou focalisant l'esprit tout en empêchant un "lien direct" avec ce que l'on nomme, faute de mieux, le "Divin" est sans cesse rappelé. Et il est clairement écrit dans une parole offerte au Cavalier que cet enseignement est un "apprentissage"; les rudiments d'un alphabet universel pour lequel l'Enseigneur ici ( c'est moi qui le nomme) doit trouver les mots les plus appropriés à l'entendement humain et...duel.
Voici ce que dit l'androgyne Yahal, appelé aussi Yahalia ou encore "l'enfant de la Mere" ( laquelle n'est pas la "Grande Mère dormante" dont les dieux eux-mêmes n'ont pas résolu le mystère) :
" Ce que je t'apprendrai, avec de la patience pour ton âme et des images lentement révélées, ce sera l'alphabet de l'Unique Écriture, celle qui donne rythme à la marche des mondes dans la grande musique de l'Univers. Ce sera le solfège des Dieux et les premiers secrets de L'Évangile de la Colombe"
Lorsqu'on sait que cette expression: "Le Solfège des Dieux" fut le premier titre de cet Evangile lorsqu'il chemina durant plusieurs années chez des Editeurs, en quête de publication... et qu'il fut remarqué notamment par le physicien
Jean Charon, c'est qu'il contenait dans ses lignes ( avec ses allusions à plusieurs univers, aux particules mémorielles et à l'étroite union de l'esprit-matiere...) une forme d'enseignement cosmogonique ainsi que l'exprima l'auteur à Orsay lors d'une première conférence en 1984. Mais elle expliqua aussi pourquoi elle avait trouvé indispensable d'ôter du premier manuscrit toute référence "science-fictionnelle" pouvant détourner le lecteur de l'Essentiel ou provoquer en lui une paralysante ou nocive nostalgie.
Les "dieux" en titre, si l'on peut dire, laissèrent donc place à la COLOMBE ! Et celle-ci, prise de toute évidence dans la besace symbolique du terrestre Cavalier, doit bien évidemment, évoquer l'Esprit Saint .
"Qui" est-Il ou Elle ? Si je respecte les majuscules chères à Oria. Celle-Celui qu'elle tentait de définir, au cours de ses conférences, avec une vénération prudente, disant qu'Il-Elle était (aussi) Consolateur du Père ?... le "Libre" au dessus des libres ?... le Brûlant au dessus des brûlants ?... L'Effaceur ultime et, en cela, l'unique et réel octroyeur de Pardon.
En tout cas, selon elle, on ne saurait le limiter à la gentille figure de l'oiseau de la Paix. D'autant plus que le blanc volatile peut être cruel, qu'on se le dise ! C'est dans le "blanc" plutôt qu'il faut chercher la plus juste comparaison avec ce Saint Esprit qu'elle se garde bien d'enfermer.
On ne saurait voir non plus, dans cette colombe, un symbole limité au Protestantisme et encore moins au Catharisme.
Profitons de ce mot pour faire un détour par les photos de l'auteur sur le site de Babelio. A travers ce qu'elles suggèrent, et mettent au premier plan : Montsegur, celles et ceux qui ne connaissent pas l'oeuvre d'Oria peuvent se convaincre de prime abord, d'une quelconque parenté avec une religion clairement dualiste ( ceux qui le nient en croyant porter secours au catharisme le trahissent !)
Alors pourquoi le choix de ces photos ? En noir et blanc ! Représentant l'auteur auprès de Montsegur ? Et le choix de ce lieu de vie, dès l'âge de 24 ans si l'on en croit ce que disent les rares éléments biographiques...
À la parution de "L'Évangile de la Colombe" un écrivain et historien incontesté du Catharisme :
Michel Roquebert, avait rédigé pour la Dépêche du Midi, une belle et surprenante critique sur le premier livre d'Oria, considérant que l'auteur avait dépassé tout ce que l'on pouvait dire sur le Catharisme, tout en s'en approchant paradoxalement de la façon la plus essentielle.
Comment ? Par une non-dualité qu'il ne trouva qu'apparente dans ce livre ? Ou à cause d'une dualité cathare pressentie par lui de façon non-primaire ?... Plus proche de ce qu'Oria exprime plus nettement dans "
La Révolte Essentielle" par la distinction faite entre " les ombres et la Lumière" ; "l'existence et la Vie" "l'avoir et l'Être".
Il n'avait pas intitulé son bel article incompris "la pensée cathare revisitée" ou encore "revue et corrigée... Non. Il l'avait intitulé: "L'ESPRIT DE MONTSEGUR
tout en remerciant l'auteur de n'avoir pas nommé une seule fois ni récupéré le mot "cathare" dans son livre.
C'est peut-être bien "avec" ce seul Mont Sûr ( signification de "Segur"dans la belle langue occitane) et avec son symbole, dépassant le Catharisme tel que nous le comprenons, que
Michel Roquebert avait "fait" ou ressenti le LIEN tissé par Oria avec le LIEU.
Pas indéniable avec le Catharisme, ce lien ( elle n'a rien écrit sur le sujet) ni non plus avec toute autre forme de Christianisme mais vraisemblablement avec l'origine de nos plus grands mythes resurrectionnels et salvateurs puisque, au questionnement qui dut être celui de
Roquebert, comme avant lui d'autres personnes s'étonnant du nom d'enseigne choisi par l'auteur pour sa maison de Montsegur ( L'Osiride) celle-ci a dû répondre ce qu'elle disait invariablement aux interrogateurs interloqués : "Sans Osiris pas de Christ" !
En ce qui me concerne, lorsque j'observe attentivement les photos proposées sur ce site, je remarque une immense Montagne sur sa face pyramidale, en effet... Mais je vois aussi, à ses pieds, face à elle, dans la cape "portée" par l'auteur, une autre forme de montagne.
Offerte, reçue, regardée, vécue "de la base au sommet" Comprise et assumée dans tous ses échelons, ses degrés.
C'est autre chose qu'un face à face. Il s'agit plus d'une aimantation, d'une reconnaissance, si ce n'est d'un Echange mystérieux presque palpable.
Cela pourrait figurer, au mieux, ce que Yahal dit de cette "montagne image de sa Montagne" aux environs immédiats de laquelle se situe le récit de "L'Évangile de la Colombe". Montagne que l'on peut voir comme un "personnage" majeur du récit.
Et dans le buisson épineux, toujours sur les photos, je vois l'image pouvant devenir, si on le veut bien, et parce que "on le vaut bien" comme dirait l'Or Réal : un buisson ardent ! Brûlant d'un Feu qui n'est pas celui des bûchers de l'intolérance.
Et un Feu "consolateur" qui apparaît partout dans l'oeuvre d'Oria et semble clore L'Évangile de la Colombe avec une concession nouvelle faite à notre terrestre et religieux Entendement : sous forme de poème spécifiquement apocalyptique annonçant la venue de l'Ère de l'Esprit.
Cela pourrait faire songer à un merveilleux Futur hypothétique toujours reporté ! Il en est ainsi dans le nom de Jérusalem : "la Paix apparaîtra" !
Mais il s'agit d' une "Fin des Temps" dont le Réveil sonne l'heure chez chacun, individuellement.
Un "coup de Grâce" retrouvé plusieurs fois dans "
La Paix est mon Royaume" et plus encore dans "
La Révolte Essentielle" où ce FEU dépassant tous les feux et toutes fausses lumières fait "table rase" des festins nés dans l'ombre et nourrisseurs de mortelles illusions.
FEU Modèle de celui qui a emporté dans sa Flamme le questionnement amoureux d'ailes battantes:
" Si le papillon s'est brûlé à la Lumière. La Lumière a connu les ailes du papillon et les a aimées"
C'est à cela, je crois, que nous convie "L'Évangile de la Colombe" . Pas à nous jeter dans un feu pour nous y éteindre ! (On ne sait jamais quelles peuvent être les folles interprétations de lecteurs)... mais à apprendre à actionner l'extincteur de toutes formes d'illusions lumineuses, afin que nous ne soyons plus divertis et pervertis par les lampions de foire, les chandelles de nos voisins, les feux d'artifice en tous genres... Et même par les phares, imaginaires ou pas, d'objets volants non identifiés (!) Puisque, peut dire aussi la voix du Cosmos: " il est d'autres brebis dans ma bergerie".
Savoir nous éloigner, déjà, de la pollution lumineuse des villes pour mieux voir les étoiles, et ressentir que notre Terre est unie à ces étincelles, est un immense pas pour les humains que nous sommes ! Et une première leçon de cours préparatoire énoncé au début de cet ouvrage et dans "l'image" du papillon expérimentant une brûlante étreinte.
...
Mais "pour trouver cette LUMIÈRE" dans ce ciel-et-enfer qui sont aussi en nous; la Lumière Permanente au dessus de toutes luminescences, motivantes et mouvantes, ephémères et exemplaires même par leurs voies trompeuses sous les écailles de nos oeillères, l'Etranger céleste et naturalisé terrestre apprend finalement la leçon primordiale au Cavalier qui l'interroge : "Il faut ÉTEINDRE" !