Il y a en général peu d'action dans les romans de Christian Oster ; Volley-ball ne fait pas exception.
Et pourtant un mort nous est offert à la première page. Un mort, mais pas l'instant de la mort, juste le constat ; pas d'action mais une situation.
Au cours du bref récit la situation va même peu évoluer, mais ses évolutions sont étranges : certaines toutes naturelles, d'autres d'une logique inattendue, mais toujours sans intervention extérieure, uniquement par la pression de l'état psychologique des personnages.
Bertin* est appelé chez sa voisine, qu'il ne connaît pas, pour constater un décès. Il contracte ainsi des devoirs envers elle et devra pendant quelques jours s'en acquitter. Il aurait pourtant préféré jouer au billard avec un ami et surtout se remettre au volley-ball.
Pas d'action, mais aussi peu de réflexion explicite : la plupart du temps les personnages semblent mus par des stratégies inconscientes, tels des fourmis contournant l'obstacle pour rapporter un fétu à la colonie.
L'intérêt est donc entièrement situé dans le langage et les procédés narratifs, par exemple :
usage transitif de verbes réputés ne pas l'être
discours direct au présent intervenant sans les guillemets avertisseurs au milieu d'une narration au passé
détails matériels inattendus, mais imposés au lecteur, et non cachés dans un coin du tableau ou de la photo où on n'ira pas les chercher
au contraire, des creux : temps flou, occupations principales des personnages non précisées... qu'on ne perçoit pas tout de suite mais qui créent un climat, qui ajoutent au malaise de la situation initiale
Un autre aspect intéressant est le passage rapide entre deux sujets : dans le premier paragraphe, celui du mort, déjà le volley-ball est amené par deux rapides associations d'idées, et repart aussi vite.
Un autre récit, l'histoire de la relation entre Bertin et sa compagne, se superpose discrètement au thème principal. Ça ne contribue pas à me rendre sympathique ce Bertin, qui finalement pourra, je vous dis tout mais ce n'est pas important, il faut juste apprécier la forme du texte, jouer au volley.
C'était mon premier Oster (et le premier, à part peut-être des polars), j'ai acheté -et apprécié- la plupart des suivants. Il résiste bien mieux à la relecture que je n'aurais cru : paraphrasant certaines critiques je dirai : merci à Babelio qui m'a incité à le reprendre, ce fut un plaisir.
* pas de prénom, alors que la plupart des autres personnages, n'ont un nom de famille que dans le discours rapporté
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La voisine laissa aller ses larmes......Ses cheveux coupés courts, semés de mèches d'un rouge tirant vers le bordeaux, découvraient largement son visage, où chaque transformation se lisait de façon patente. Sous les yeux, des cernes s'aggrandissaient et s'assombrissaient vite, offrant sans nul doute une image exagérée de la progression de son désarroi, comme si le corps, l'expression, la peau prenaient sur l'esprit une longueur d'avance, anticipaient sur les ravages du deuil.
le visiteur, alors, ne devenait plus seulement une gigantesque oreille, son cerveau ne se transformait plus seulement en un vaste et bruyant pavillon où, livré à lui-même, quelque adolescent eût exploité avec sauvagerie les possibilités de son tuner. Non. Une vision pourfendait le son, s'y entrelaçait, s'y superposait sans le recouvrir, l'épousait sans cérémonie aucune, en un éphémère et dévastateur embrasement.
Étroitement et courtement vêtue d'un chemisier et d'une jupe en coton mélangé, elle offrit au seul regard de Bertin une vision avantageuse, solidement étayée par un de ces physiques de rêve qu'on croise souvent dans les villes à forte densité de population. C'est ma compagne, observa en secret Bertin (par ailleurs, il éprouvait pour Brigitte un sentiment significatif). Tendant les mains vers l'avant, il enserra la taille de l'assez jeune femme. Brigitte, surprise, et qui en cet instant tenait toujours à la main son chèvre, le lâcha brusquement. Elle expliqua à Bertin qu'elle était sensible à son geste mais qu'il s'intégrait mal dans le contexte présent, je ne parle pas d'ici, précisa-t-elle, je parle de ce qu'il y a dans ma tête.
Elle s'assied enfin. Près d'elle, sur le canapé, la place restée libre semble en fait réservée. On évite de venir l'occuper, on n'est pas même tenté de le faire : cette place paraît contenir la pensée de Louise Beaumont. Il est clair, en effet, que Louise Beaumont n'aime pas ce qu'elle pense, qu'elle met de côté ce qui lui vient à l'esprit.
Un homme en veste à petits carreaux vert pomme souhaita à Bertin la bienvenue, lui demandant, après des précautions oratoires où il avait convoqué deux subjonctifs et une concordance des temps, s'il voulait bien leur donner une idée de son niveau.
Christian Oster - La vie automatique .Christian Oster vous présente son ouvrage "La vie automatique" aux éditions de l'Olivier. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/1934121/christian-oster-la-vie-automatique Notes de Musique : Free Music Archive: Gillicuddy - All Eventualities. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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