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sur 360 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une vie
Sonietchka a un physique ingrat, "un nez en poire et un derrière en forme de chaise". Elle adore lire depuis son plus jeune âge. A l'adolescence, une humiliante mésaventure la délivre du besoin de plaire et jusqu'à vingt-sept ans, elle lit sans discontinuer et rêve mille vies. Nous sommes dans les années 30 en U.R.S.S. Elle devient bibliothécaire. La guerre l'arrache aux brumes de la lecture. La famille est déplacée et trouve refuge au sous-sol d'une bibliothèque. Un jour Robert Victorovitch se présente dans la salle de lecture. Il réclame un livre en français des éditions Elzévir. Elle en connaît neuf. Pendant qu'elle complète sa fiche, il regarde son front pur, sourit de sa ressemblance avec "un jeune dromadaire, animal patient et tendre". Victor a quarante-sept ans. Peintre avant-gardiste cosmopolite, séducteur, il a bourlingué partout avant de retourner dans sa patrie et de faire cinq ans de camp de relégation. Victor rend son livre et la demande en mariage. Elle croit d'abord à une plaisanterie puis accepte. Elle n'arrêtera pas désormais de se répéter: "Seigneur qu'ai-je donc fait pour mériter un tel bonheur ?"
C'est une histoire assez cruelle avec une narration distante émaillée de traits d'humour. Sonietchka se laisse porter, subit les événements et l'égoïsme de son entourage sans colère et sans amertume. Une femme ordinaire dans des temps très durs, la guerre, la pauvreté, les déménagements obligatoires des relégués, la grisaille soviétique. le peintre apporte la couleur, l'imagination et sait vivre au jour le jour. Lui sait aussi qu'il va la trahir comme il a trahi les autres. Sonietchka aura au moins connu quelques années de bonheur et puis "elle replongera la tête la première dans les profondeurs exquises des allées sombres et des eaux printanières".
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Dix-sept heures sonnent le top départ de la congestion automobile. Certains le prennent plutôt bien en s'égosillant les cordes vocales sur le dernier tube à la mode tandis que d'autres ont la mine renfrognée dans les épaules tels de frileux pigeons encagés. À force d'emprunter ce boulevard, chaque jour à la même heure, il m'arrive d'en reconnaître quelques-uns. On se salue alors d'un furtif hochement de tête avant de continuer notre route. Eux jouant du pare-choc avec d'autres voitures et moi marchant vers mon lieu favori du moment: un banc esseulé avec vue imprenable sur le fleuve et les quais embouteillés de l'autre berge.

Faire une pause dans le tumulte de la ville a des analogies avec une immersion dans le noir complet : il faut un certain temps pour que les yeux s'habituent à l'obscurité et distinguent les détails environnants. Lorsque que je m'arrête sur ce banc, Il me faut ces quelques minutes d'acclimatation avant de capter la multitude d'évènements qui se déroulent devant moi : il y a ces cormorans, au plumage d'encre et au corps élastique, qui se confondent dans les branches dénudées, cet essaim d'étourneaux qui piaille à l'unisson dans un séquoia géant tandis qu'un martin-pêcheur se la joue discret sur une borne d'amarrage. Trop tard pour lui, je suis déjà entrain d'admirer ses étonnantes couleurs. 😉

Dans les librairies que je fréquente, il y a une auteure russe immanquable qui, à contrario de certains oiseaux feutrés, étale ses nombreux atours sur les étagères livresques. À force de voir son nom apparaître, j'ai fini par céder à la tentation et vous dévoile ici mon analyse du premier roman de Ludmila Oulitskaïa: Sonietchka

Qui est Ludmila Oulitskaïa ?

Née le 23 février 1943 en République de Bachkirie (ou Bachkortostan). Elle est, ni plus ni moins, la romancière russe contemporaine la plus lue à l'étranger. D'origine juive, elle dut attendre la fin de l'Union soviétique pour commencer à être publiée. Plusieurs de ses livres ont reçu des prix nationaux et internationaux dont le prix Médicis 1996 avec le roman qui nous occupe. Sur le plan humain, l'auteure est reconnue pour son engagement contre l'homophobie et pour la cause féministe, elle a d'ailleurs été célébrée en 2011 par le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes. Excusez du peu…

Sonietchka est un court roman d'une centaine de pages où l'on rencontre Sonia, l'héroïne, férue de littérature au point de vivre exclusivement pour les livres jusqu'au jour où elle rencontre Robert Victorovitch. S'ensuit une existence discrète de femme au foyer loin des belles-lettres, où son mari, sa fille, ainsi qu'une amie de cette dernière, prennent toute la place. le temps où Sonietchka s'engouffrait corps et âme dans des romans n'est plus. Et pourtant, personne n'échappe à son naturel, même pas elle qui, un jour, reviendra à ses premières amours de lectrice.

Cette histoire intime se déroule entre 1930 et 1970. Une période qui traverse de plein fouet une partie du communisme, qui voit éclater la deuxième guerre mondiale, ainsi que la chute de Staline. À travers la vie familiale de Sonietchka, l'écrivaine laisse voir avec pudeur la vie russe des petites gens pendant ces années-là. Elle parsème de menus détails son roman sans jamais alourdir la narration. D'ailleurs, l'écriture sobre de Ludmila Oulitskaïa démontre, l'air de rien, son amour inextinguible pour la littérature. J'en veux pour preuve cet extrait :

“ le goût pour la lecture, qui prenait l'allure d'une forme bénigne d'aliénation mentale, la poursuivait jusque dans son sommeil : même ses rêves, on peut dire qu'elle les lisait. Quand elle rêvait de romans historiques palpitants, elle devinait d'après le déroulement de l'intrigue le style de caractères typographiques et, par une sorte d'instinct bizarre, sentait les alinéas et les points de suspension. Cette confusion intérieure liée à sa passion anormale s'aggravait même pendant son sommeil, elle devenait alors une héroïne ou un héros à part entière et vivait à cheval sur la frontière fragile entre la volonté de l'auteur, qu'elle sentait intuitivement et son propre désir de mouvement, d'aventure, d'action … “

Ce feu littéraire se poursuit via le personnage de Jasia. Une jeune fille qui finira par être adoptée par la famille et dont le père tombe amoureux. La manière dont est décrite Jasia n'est pas sans rappeler une certaine Lolita de Nabokov (le côté glauque en moins) puisqu'elle est tour à tour lascive, charmeuse et provocante. Sans doute cette ressemblance n'est-elle pas anodine puisque Ludmila Oulitskaïa n'a jamais caché son admiration pour des auteurs tels que Nabokov ou Pasternak.

Que retenir du roman ?

Un livre qui permet d'avoir, à moindre frais, une première approche avec cette écrivaine russe puisque la lecture est gouleyante. le côté négatif de cette fraîcheur est peut-être la simplicité de l'histoire. Sans doute manque-t-il un peu de frissons pour que cette histoire devienne vraiment mémorable. Il n'en reste pas moins que cette Sonietchka laisse à voir le destin d'une femme russe comme il y en eut des milliers et pose les jalons d'autres oeuvres d'Oulitskaia.
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Où l'on côtoie le monde d'un artiste peintre qui a connue les camps, et s'éprend de Sonia alors qu'il va s'inscrire à la bibliothèque.

En quelques jours il l'a demande en mariage, une fille Tania viendra agrandir la famille.

Les années passent Robert et Sonia mènent une vie tranquille, lui passe son temps dans son atelier elle devient la bonne "petite maîtresse de maison" et délaisse un peu ses livres alors qu'elle passait son temps à lire.

Tania introduit une amie polonaise Jasia, aussi jolie que Tania est quelconque ; celle-ci va conquérir le coeur de toute la maisonnée.

Elle va même devenir la muse, amante De Robert.

Il mourra dans ses bras et c'est, Sonia, sa femme qui s'occupera de ses funérailles ; fera accrocher les 52 toiles qu'il a peintes dans la pièce où le cercueil sera exposé, et, où défileront de nombreuses personnes venues se recueillir.

Malgré tout cela et la tournure des évènements après le décès de son mari ; Sonia irradie jusqu'à la fin du même bonheur paisible et mystérieux.

Curieuse destinée et étrange personnage que cette femme.


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Union soviétique, années 1930. Sonietchka s'évade dans la lecture depuis son plus jeune âge. Elle y puise son bonheur. Elle se marie avec Robert Victorovich, un peintre plus âgé qu'elle. Ils ont une fille Tania. L'enfant et les charges du ménage éloigne Sonietchka de la lecture. Elle est toujours heureuse se demandant ce qu'elle a fait pour mériter tant de bonheur. Et pourtant ses conditions de vie sont difficiles. Les chagrins de la vie ne l'épargne pas : son mari la trompe avec la meilleure amie de sa fille, Jasia.
Il meurt inopinément. Sa fille préfère la vie moderne et quitte la maison. Jasia, qui a gardé l'amitié de Sonietchka, vit avec elle. Plus tard, Jasia retourne en Pologne, son pays natal. Sonietchka est seule et retourne vers la lecture.
Ce livre est très émouvant. L'héroïne cherche dans la lecture ce que la vie ne lui donne pas. Un très beau livre, un peu déconcertant sur le thème du bonheur. Un mot aussi sur la belle couverture de l'édition Folio du peintre expressionniste allemand Auguste Macke (1887-1914) représentant son épouse, Elisabeth en train de lire.
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Sonietchka passe sa jeunesse dans la brume de ses lectures. Elle lève le nez de ses livres le jour où le destin pousse Robert devant son bureau de bibliothécaire. Elle accepte la demande en mariage de cet artiste qui vit en relégation après une longue captivité. Viennent ensuite les années de bonheur conjugal, malgré les privations: Sophia donne naissance à une fille, Tania, la vie devient plus confortable et le couple peut s'installer à Moscou. Robert renoue avec l'avant-garde de la capitale et Sophia se consacre à tenir son ménage. Tania grandit dans cette atmosphère de bohème, s'émancipe et s'éveille tôt à la sensualité. Elle fait entrer une quatrième personne dans cette famille et dans ce roman : Jasia, une orpheline d'origine polonaise, qui entretiendra une liaison avec Robert. Ce dernier trouvera dans ce dernier amour l'énergie nécessaire pour réinventer sa création artistique.

Ludmila Oulitskaïa nous livre le récit de la vie simple et épanouie de Sonietchka, et ce malgré la guerre, la relégation, la pauvreté, la mise au ban. Sonietchka quitte l'imaginaire de son monde de lectrice pour bâtir un foyer d'amour et de bonheur. La douceur du tempérament de l'héroïne tranche avec tout le tragique de son époque.
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Quel beau portrait de femme que cette "Sonietchka" de Ludmila Oulitskaïa. J'aime beaucoup la littérature russe et cela se confirme avec cette autrice contemporaine.
Son talent est d'incarner une femme paisible et heureuse qui vit à travers les livres et son mari, grâce à la simplicité de son écriture et à son style épuré. D'ailleurs, ce roman a reçu le Prix Médicis étranger en 1996.

Dans la Russie des années 30, la jeune Sonietchka ou plus simplement Sonia n'a pour passion que la littérature. Elle est sans beauté voire assez vilaine et s'évade grâce aux livres. Elle trouve donc sa place dans la pénombre de la réserve d'une bibliothèque. Elle aime ce travail qu'elle quitte pourtant par amour pour Robert Victorovitch, un peintre plus âgé qu'elle. Il la demande en mariage charmé par leur harmonie intellectuelle.
Toute sa vie, elle se voue corps et âme à ce mari admiré pourtant incestueux, à sa fille Tania pourtant ingrate, parce qu'elle trouve son bonheur presque immérité à ses yeux. Elle s'oublie totalement pour permettre aux autres d'être. C'est sa façon d'être heureuse.
Je ne la jugerai pas car je trouve qu'il y a beaucoup de tendresse. Et puis, face à elle, les autres personnages du roman sont beaucoup moins sages.

En toile de fond de cette Russie des années 30 à 80, il y a un peintre mis à l'index par le régime stalinien puis célébré mais aussi l'épanouissement personnel dans la littérature et l'art.


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Si Sonietchka se répète « Seigneur, Seigneur, qu'ai-je donc fait pour mériter un tel bonheur … » nous lecteur nous sommes conscients du bonheur que nous apporte cette lecture.
L'histoire est simple, l'auteur nous conte la vie de Sonietchka, son amour dès son plus jeune âge pour la lecture, elle deviendra bibliothécaire. Sa vie de femme mariée avec Robert, peintre et plus âgé qu'elle, la naissance de sa fille, les difficultés matériels. Je vous avais prévenue l'histoire est simple mais sous la plume de l'auteur cela prend une dimension autre, elle réussit à nous faire entrer dans l'univers d'une femme émerveillé par son bonheur qui aux yeux de certaines n'en serait pas. Je vous invite à découvrir ce beau petit roman et à ne pas lire la quatrième de couverture qui dévoile toute l'histoire du livre.
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Un beau portrait de femme. Un roman très intéressant.
Je ne sais pas que penser de Sonia. Elle est très attachante, c'est une personne accueillante, chaleureuse, pleine de bonté.
C'est une femme qui a eu la vie qu'elle a voulue, une vie à laquelle elle n'aurait jamais pensé aspirer. Pour elle, tout lui sourit. Sa vie n'a été que bonheur.
Mais sa façon de gérer la maîtresse de son mari et d'y trouver son compte a du mal à me convaincre. Son attitude est tellement complaisante et bienveillante , à la limite de l'incompréhension pour moi.
Un court roman très bien écrit, une belle incursion dans la littérature russe.
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Sofia, Sonia, Sonietchka. Autant de noms pour une seule et même personne : une femme, qui avant la guerre se plongeait corps et âme dans la littérature russe, au point d'en faire son métier ainsi que sa passion. Rien de l'égare de Pouchkine ou Tolstoï, jusqu'au jour où son étourdissement littéraire rencontre celui De Robert : peintre, bohème, voyageur puis interné dans les camps bolcheviks ; Sonietchka acceptera vite la demande express en mariage qu'il lui proposera. Finis la lecture et les heures perdues dans les héros des siècles passés, voilà notre héroïne transformée en heureuse ménagère, qui tient sa maison pendant que Robert s'épuise dans de sombres emplois communistes.

Puis, de leur union naît Tania, leur fille qui ressemblerai à s'y méprendre à son père, par son caractère. Anti-conformiste, rebelle et naturelle elle apportera beaucoup de joie au couple, alors que Robert, grâce à elle, recommencera à créer. D'abord des jouets, puis des objets pour arriver à d'étranges cultures qui verra sa gloire rayonner jusqu'au États-Unis, sans qu'il sache bien comment. Mais tous vieillissent ou grandissent. Tania découvre le sexe, l'amour dans sa jeune camarade polonaise Jasia, qui a elle aussi connaît bien les plaisirs, ou surtout l'utilité, d'offrir son corps aux hommes "pour une petit coup". Rapidement, elle deviendra comme une deuxième enfant pour Sonietchka, qui derrière les carrières et les études de chacun reste le socle du logis, où tous se retrouvent, derrière ses travaux qu'elle effectue avec une joie toujours grandissante.

Bref, le roman d'Oulitskaïa va droit au but : aucun dialogue, aucun description romantique de nature ou de paysage ; on est plongés dans l'évolution de la famille, dans les moments importants qui jalonnent l'existence de chacun des personnages. Malgré cette apparente rapidité d'exécution, l'autrice réussi à nous présenter une vie de famille russe, de l'avant guerre aux années nonante environ, à travers (mais sans trop en parler) une histoire chargée en rebondissements. Ces petits moments, décris avec habilité et brio auraient tout d'anodin s'ils n'étaient pas si beaux et captivants par la manière qu'a Oulitskaïa de nous les compter.

Finalement, ce ne sont pas les rebondissement qui font un bon roman, un énième tour de passe-passe pour nous enfumer. Il faut avant tout un style, une vérité, des choses à dire et du talent. Dans Sonietchka on trouve de tout ça, et même si on reste parfois sur sa faim lorsque les événements s'enchaînent plus rapidement, cette petit lecture est un réel plaisir. Sans jugement mais d'un ton d'observation, nous sont comptés des plaisirs sincères, des vices répréhensibles, une morale qui s'étiole, un passé lourd, un avenir incertain. La légèreté de ce roman le rend malgré tout très accessible et si certains trouvent que l'autrice pardonnerait trop, il faut se rappeler qu'elle garde l'humanité de ses personnages au premier plan. La critique étant malgré tout absolument justifiable. Une lecture qui enchante, un style concis est maîtrisé ; Sonietchka, prix Médicis étranger 1996, est un petit roman à ne pas oublier.
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Superbement écrit.
Apparemment mal dotée par le destin, Sonia, Sonietchka a reçu un don immense : celui du bonheur. Elle le trouve dans les livres qu'elle vit sans bien démêler le réel de la fiction, puis dans l'amour de son mari peintre qui la laisse émerveillée, dans les rudes tâches quotidiennes. Tout cela sur fond d'URSS, de guerre, de répression, de nouvelle vague artistique. Tant de bonheur ? Cela ne peut pas durer ! Et cela dure dans les épreuves, car même perdu le bonheur passé la rend éperdue de bonheur. Agaçante mais touchante.
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