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Sophie Benech (Traducteur)
EAN : 9782072915475
208 pages
Gallimard (07/04/2022)
3.6/5   84 notes
Résumé :
Si nous pouvons sentir, connaître et étudier notre corps, l’âme en revanche se refuse aux définitions. Que recouvre-t-elle précisément ? Est-elle présente tout au long de notre existence, ou se révèle-t-elle seulement à certains moments ?
Telles sont les questions que se posent les personnages qui peuplent ce livre, à des instants à la fois exceptionnels et quotidiens : un médecin légiste s’interrogeant sur des traces visibles, une épouse esseulée qui se déco... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Première rencontre avec l'écrivaine russe OULITSKAÏA avec un sujet délicat, le corps de l'âme, cet âme dont le poids exact serait de 21 grammes selon Duncan MacDougall, médecin américain (1907). Quand à son corps on va le découvrir à travers ces 11 nouvelles que l'écrivaine a classé sous deux différents titres, Les amies et le corps de l'âme . Des histoires qui surprennent par leur tissu de personnages très variées dans des relations et situations singulières, dont la majorité sont des femmes issues de minorités ethniques, à la recherche du sens de leurs vies, à la recherche d'eux-même.
Zarifa, azérie, femme d'affaire brillante, mariée à une arménienne est mourante. Avant de partir elle aimerait avoir une réponse aux trois questions qu'elle pose à une amie généticienne: C'est quoi l'intelligentsia ( l'écrivaine elle-même vient du milieu de l'intelligentsia juive moscovite) ? Qu'est-ce qui distingue les Arméniens des Azéris ?
Est-ce que je suis quelqu'un de bien ? Et c'est sa réaction aux réponses dans ses derniers instants de la vie qui nous feront sourire….
Alice rêve d'une mort programmée, mais sera vite rattrapée par la vie qui ne l'a lâchera plus vu la responsabilité dont elle lui en fera don…
Et que dire de Sonia qui trouve le sens de la vie dans la façon de s'alimenter, une fois le mari décampé. En résulte une magnifique image de papillon d'un réalisme poétique d'une douceur infinie…
Ou de Tolik, qui pénètre le paysage qui l'attire comme un aimant…
On aimerait presque être un de ces personnages pour faire l'expérience de cette frontière entre le corps et l'âme , la lisière entre la vie et la mort, fascinante mais oh combien risquée et dangereuse !

Entre les deux titres Oulitskaia nous offre un entracte personnel qui m'a coupée le souffle,

« Fin octobre. Un boulevard. Un banc.
À l'est, à la lisière des montagnes, le port de Gênes,
à l'ouest, si on cligne bien des yeux, la Côte d'Azur.
On épluche dans sa tête grise chaque fait
qui n'a pas été compris et perçu
comme il le faudrait maintenant.
Tout est mensonger, faussé, biaisé.
Idiote ! Imbécile ! I'm fucked !
Pas une seule leçon n'a été assimilée.
Mais quelle veine j'ai eue, et quelle veine j'ai encore.
Pas parce que je le mérite, juste comme ça…
L'entracte se termine,
c'est le début du troisième acte.
Tout est derrière moi, le premier bleu et le dernier cancer,
tout s'est écoulé,
le miel des rayons de la ruche,
le pus de la blessure les Évangiles, la Bible, le Coran,
Même le paradis désert du bouddhisme.
J'entre dans l'épisode final, et peu importe qu'il soit suave ou aigre, il se coule dans le sens ultime.
On aurait voulu une structure fractale, mais il n'y en a pas.
Il n'y a qu'une structure frontale, comme ce vers.
Il n'y a pas de poète sur la scène.
Mais la salle s'est tue.
Le rideau tombe. Un cabinet noir.
Il y a quelqu'un ici ? Ou il n'y a personne ? »

Même le désespoir pour elle ici est un sentiment à négliger. Une structure fractale aurait été beaucoup plus simple à vivre mais quel ennuie 😊, or il n'y a d'ailleurs qu'une structure frontal, d'où ces vies changeantes où le réel côtoie le surnaturel et l'imprévu recèle la douceur et la tendresse d'une vie qui est loin d'être généreuse. Un beau receuil non dénué d'humour, d'une simplicité et légèreté en contradiction avec la dureté et la complexité de l'existence. C'est ce que j'appelle le talent.

« Personne ne peut dessiner un atlas de l'âme.
Il ne nous est donné que d'entrevoir parfois une zone frontalière. »
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Première plongée dans l'univers de Ludmila Oulitskaïa pour moi et certainement pas la dernière. A présent il me tarde de lire un de ses romans tant j'ai aimé la fluidité de l'écriture de cette auteure russe.
Le corps de l'âme est un recueil de nouvelles articulé en deux parties distinctes : les amies et le corps de l'âme qui donne son nom au livre.

Chacune des parties est introduite par un chapitre très personnel, un avant-propos pour la première partie, ode aux amies, aux femmes, à la fois lyrique et crue, poétique et profondément humaine, et un entracte pour la seconde partie qui m'a infiniment touchée : elle y narre en une métaphore théâtrale sa fin de vie, sa vieillesse et l'approche de la mort. Ces deux passages intimes donnent le la à ce qui va suivre.

« J'entre dans l'épisode final,
Et peu importe qu'il soit suave ou aigre
Il se coule dans le sens ultime.
On aurait voulu une structure fractale, mais il n'y en a pas.
Il n'y a qu'une structure frontale comme ce vers ».

La première partie, composée de 5 textes, fait ainsi la part belle aux femmes. Des femmes qui aiment d'autres femmes, des femmes qui espèrent une ascension sociale, des femmes simples et humbles, d'autres qui manigancent et qui rusent…des femmes qui tentent de trouver leur place dans la société et de vivre tout simplement. J'ai été surprise par le style de Ludmila Oulitskaïa, son écriture n'est pas ciselée, elle n'est pas complexe, elle n'est pas grandiose et encore moins grandiloquente, mais se fait discrète au service d'une fluidité très agréable. L'histoire prend le dessus sur l'écriture. C'est ce qui me fait dire que j'apprécierais davantage ses romans, car à chaque fin de nouvelle je quittais avec regret le récit. La nouvelle intitulée L'étrangère a été ma préférée car l'auteure en profite pour se moquer de ses compatriotes, promptes aux commérages ou au racisme dès que cela les arrange.

« Elle l'avait pris pour un étranger convenable, mais c'était un Arabe…Il ne reviendrait pas. Il s'était servi d'elles, un point c'est tout ».

La seconde partie, le corps de l'âme, m'a davantage plu et interpellée. le récit se fait surréaliste pour interroger ce qu'est l'âme, où se situe l'âme, ce qu'elle recouvre précisément, ce qu'elle advient lorsque nous mourons. Enchainement de huit petits textes étranges et fabuleux, souvent à la lisière de la vie et de la mort, le message que porte Ludmila Oulitskaïa est optimiste et lumineux. Un personnage malade qui se fond dans une photo de paysage aimé, un médecin légiste qui s'interroge sur des traces étranges au dos d'un mort, une femme cultivée atteinte de la maladie d'Alzheimer qui retrouve des capacités infinies au moment de sa mort, un vieil homme qui est visité chaque nuit de façon sensuelle par une apparition…La vieillesse et la mort semblent être des passages pour un après meilleur où l'âme libérée virevolte et s'épanouit. Une façon pour l'auteure de conjurer sa propre vieillesse et de se libérer du joug angoissant de la fin à venir. Une magnifique méditation sur le sens de nos vies.

Son écriture, fluide, qui se laisse oubliée, est aussi étonnamment picturale, sensorielle et sensuelle. Elle le devient même de plus en plus au fur et à mesure que nous approchons de cette notion d'âme, ce qui est surprenant, décalé et même assez osé. L'auteure fait cohabiter les sens, la corporalité et l'analyse de l'âme...le titre prend là sans doute tout son sens. du corps à l'âme, le passage du corps au céleste...de belles images partant du corps vers l'infiniment grand, vers le cosmique...
La façon d'introduire ses personnages m'a souvent faite sourire, comme cette « femme aux flancs affaissés et à la poitrine belliqueuse examinant du coin de l'oeil le jeune homme assis à l'autre bout du banc » ou celle-ci dont « l'odeur suave de ses aisselles continuait à flotter autour d'elle comme un fumet autour d'un kebab ». En quelques mots, des tableaux m'apparaissaient, des postures, des odeurs, des corps. Quant à la sensualité, prenons par exemple ce passage pour s'en convaincre :

« Il allait à sa rencontre, il était déjà en elle et elle en lui, leur étreinte était dense et humide, et voilà que déjà, cela approchait, c'était là, cette sensation de se fondre l'un dans l'autre, quand la frontière entre les corps disparait complètement, et, pour marquer ce triomphe suprême de la chair qui a renoncé à elle-même et se donne totalement à un autre, dans le grondement du sang dévalant le long des veines, deux flux d'une extrême pureté se précipitèrent l'un vers l'autre – le liquide visqueux et sacré qui contient le germe de la vie, et l'autre, l'eau accueillante qui invite et reçoit ».

Un recueil qui me donne vraiment envie de découvrir les romans de cette auteure, notamment le chapiteau vert et Sonietchka. J'ai préféré la deuxième partie consacrée à l'âme et porteuse de récits sublimes et lumineux, formidables méditations sur la vieillesse et sur la mort. Et bien entendu sur l'âme, ces 21 grammes de mystère, qui continue peut-être à exister après la fin de nos corps physiques, et à virevolter dans un monde et un temps parallèles…

« Il n'y avait aucun "d'abord", aucun "ensuite", tout se produisait au même moment, et dans une absolue plénitude ».

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"Des échanges d'âmes, des âmes en plénitude, en suspens, en devenir, des âmes trop pleines, des reliquats d'âme, des âmes en transit… Magiques nouvelles pour une autrice russe réfugiée en Allemagne."
Brève de Pierre-Romain Valère pour le numéro d'avril de Double Marge
Lien : https://doublemarge.com/page..
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Le volume est constitué par deux ensembles de nouvelles, Les amies (5 textes) puis le corps de l'âme (8 textes).

Les personnages principaux sont presque tous des femmes. Trois fois des hommes, et une nouvelle est centrée sur un chien en peluche. Des femmes qui tentent de vivre, d'aimer, de donner sens, de se trouver une place. D'habiter le quotidien, le remplir de gestes, d'habitudes, l'apprivoiser. Mais le réel, le tangible, le matériel ne suffisent pas. Au-delà, des envies, des aspirations, des sensations se manifestent. Indicibles, mouvantes, difficiles à saisir. Mais aussi, sinon plus essentielles que la satisfaction des besoins physiques. Ces nouvelles tentent de saisir les zones incertaines où surgissent, apparaissent, ces pulsions vers une forme de transcendance, vers une forme de l'existence autre que celle visible et sensible. Rien d'intellectuel dans cette démarche : les personnages de la plupart des textes sont des humbles, des simples. Mais les humbles et les simples, ont autant que les ceux qui peuvent penser des concepts et construire des raisonnements, aspirer, ressentir le souffle d'un univers autre que celui qu'ils vivent tous les jours.

Certaines histoires sont tristes ou cruelles, d'autres plus souriantes, voire drôles. L'humour et le second degré sont toujours présents. Comme peut-être parfois une protection contre une émotion trop forte. Mais aussi comme une manière de vivre le monde, le rendre supportable. de même qu'une poésie discrète, surtout pas démonstrative, nimbe tous les aspects du réel le plus banal.

Un très beau recueil, avec des moments magiques, des éclats de lumière enfermés dans des destins de personnages qui n'ont rien d'héroïque. Mais avec qui on passe un moment, dont on pénètre l'intimité, dans un sentiment de fraternité, dans une forme de reconnaissance. Un beau voyage, vers les autres et vers soi-même.
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Comme Ludmila Oulitskaïa m'avait plutôt convaincue dans la forme courte de Mensonges de femmes que dans L'échelle de Jacob, gros roman familial, c'est avec enthousiasme que j'ai appris la sorti de ce recueil au printemps dernier, et que je m'y suis plongée. La première série de quatre nouvelles, « Les amies », présente des femmes vieillissantes, qui appréhendent leur âge et la fin de leur vie de différentes façons. Par maintes petites touches qui sentent le vécu, l'autrice a créé des personnages qui n'ont besoin que de peu de lignes pour exister, et dont les destins ne m'ont pas laissée indifférente.

Mais j'ai encore préféré la deuxième série, « le corps de l'âme » qui comporte sept nouvelles, et pose des questions sur le corps et l'âme, celle des humains, mais aussi celle des animaux, qui s'interroge sur l'art et l'âme également… Ce dernier thème correspond à deux d'entre elles, Un homme dans un paysage de montagnes et L'autopsie, très réussies. Certaines appartiennent clairement au genre fantastique, tout en conservant le ton, la petite musique de Ludmila Oulitskaia, sa manière de montrer la vie des petites gens ou encore de ceux qui a qui la chance a souri un peu plus. le serpentin, très belle dernière nouvelle, séduira par les images et l'émotion qu'elle procure, tous les amoureux des livres.
Bref, un recueil de textes qui peut emballer autant ceux qui veulent découvrir l'autrice russe que ceux qui admirent déjà ses livres.

Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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critiques presse (6)
LeSoir
12 avril 2024
Quel est le sens mystérieux de nos vies, peut-on le chercher en ce moment subreptice où notre corps « rend l’âme » sans prévenir et, comme les bons alcools, laisse s’envoler « la part des anges » ?
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaTribuneDeGeneve
11 août 2022
La mort et ses tragédies. Oulitskaïa en esquisse les contours avec un sens émouvant de la suggestion. Cet art irrigue les adieux de l’agonisante Zarifa à ses amies. Il accompagne aussi le sort d’Alice et de son amour tardif, par une allusion foudroyante.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Elle
11 mai 2022
Exilée en Allemagne, meurtrie par la guerre, elle publie un recueil de nouveaux récits formant un hommage éblouissant aux forces et aux failles des femmes.
Lire la critique sur le site : Elle
LaCroix
29 avril 2022
La grande écrivaine russe Ludmila Oulitskaïa raconte, à travers leurs attitudes face à la mort et l'au-delà, ces héros russes du quotidien qu'elle affectionne.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
29 avril 2022
Voici un magnifique recueil de nouvelles de la grande écrivaine russe. Elle y dit la vie des gens, ce qu'on en voit et ce qu'on ne voit pas.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LePoint
29 avril 2022
Dans « Le Corps de l'âme », l’écrivaine russe, exilée à Berlin, ausculte notre besoin d’amour, qu’il soit physique, maternel, tardif, inattendu, inespéré…
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Ensemble, nous avons vécu nos vies en portant nos chagrins dans nos bras,
en nous aidant les unes les autres à trimbaler des valises, des cercueils et des patates,
pleurant à gros sanglots dans le giron les unes des autres, sur toutes les passions dévorantes, toutes les tromperies, les avortements, les trahisons, les perquisitions, la honte d'être envieuses,
nous nous sommes appris mutuellement à pardonner,
mais d'abord nous avons volé des maris,
nous avons forniqué, menti et commis de telles horreurs
qu'ensuite nous tombions à genoux en pleurs et en prière,
et nous attendions des autres le pardon et la pitié, les caresses et l'affection que se prodiguent les sœurs.
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Après un mois d'aout aussi morne qu'une vieillesse prématurée débuta la lune de miel d'un été indien, qui laissait trompeusement présager une pause bienheureuse dans la succession routinière des saisons. Ces dernières journées précieuses d'une nature apaisée et délivrée de l'obligation de porter des fruits étaient idéales pour des festivités nuptiales recelant la promesse de nouveaux germes et de nouveaux fruits...
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. Tout le monde sait que ceux qui travaillent dans les bibliothèques, que ce soit celle de Babylone ou celle d’Alexandrie, ont été de tout temps des gens d’une race particulière – de ceux qui croient au livre comme d’autres croient en Dieu.
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Cette fois, le bout de ses doigts effleura les lobes de ses oreilles, les chatouilla et s’enfonça dans les profondeurs du pavillon. La béatitude le remplit à ras bord, il sourit et ouvrit les yeux. Légère, presque dénuée de poids, elle était allongée, les doigts appuyés sur ses oreilles, et soufflait doucement dans sa « petite âme », c’est ainsi qu’elle appelait le creux sous l’appendice xiphoïde, en bas de son sternum
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Il y a relativement peu de temps, on a découvert qu'il existe des gênes qui déterminent la combativité et la placidité. On considère que le peuple le plus paisible est celui des Bushmen de la tribu San, en Afrique du Sud, et le plus belliqueux celui des Indiens d'Amérique du Sud de la tribu des Yanomami. Il se trouve que l'un des gènes des Indiens, à la différence des Bushmen, présente la mutation 7R, c'est elle qui les rend si belliqueux et si agressifs.
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Videos de Ludmila Oulitskaïa (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ludmila Oulitskaïa
Eurasieexpress Réflexion à haute voix : "La Lecture est un exploit", aux Journées du Livre russe à la Mairie du Vème arrondissement de Paris le 9 février 2020. Cette réflexion constitue une partie du prochain livre d'Oulitskaia, à paraître cette année.
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