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Bernard Kreise (Traducteur)
EAN : 9782070307043
272 pages
Gallimard (03/03/2005)
3.76/5   46 notes
Résumé :
Une vieille mendiante ou de brillants intellectuels, de petites gens ou des privilégiés - Ludmila Oulitskaïa nous brosse un tableau extraordinaire de la vie moscovite d'après-guerre à travers neuf nouvelles d'une rare qualité littéraire. Héritière de Tchekhov, elle peint des tableaux de famille, met en scène des personnages dont les enjeux, apparemment étrangers à nos préoccupations, nous touchent par une humanité quasiment palpable. Loin de la petite politique ou d... >Voir plus
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Des appartements moscovites aux séparations aléatoires, remplis de courants d'air, d'odeurs de cuisine et de meubles disparates. Des immeubles crasseux, des cours intérieures flétries. Pas vraiment la misère mais une pauvreté contenue, presque entretenue. Dans l'univers de ces femmes (car ce sont elles les personnages centraux) tout est bancal, banal, on pourrait même penser sordide. Elles se promènent sur le fil du quotidien d'un pas incertain mais pourtant solide. Mendiantes, femmes infidèles, abandonnées, presque indigentes, femmes âgées ou jeunes filles, elles tourbillonnent dans l'écriture de Ludmila Oulitskaïa. Elles sont attachantes, souvent drôles, fantasques, débrouillardes, d'une fatalité pragmatiques et cocasse ; les hommes sont de la même tenue, à la fois terre-à-terre et improbables. Tous ont l'air de vivre des évènements extraordinaires alors que leurs préoccupations et leurs agissements sont d'une banalité affligeante. J'ai aimé ce léger décalage, la teinte moirée d'une allusion fantastique dans l'écriture de Ludmila Oulitskaïa. Elle décrit des histoires d'amour contrariées et idylliques, des couples au long cours ou fraichement unis faisant face aux mouvances inéluctables de la vie, des familles bousculées et foutraques où parfois le rêve, l'évasion prend le dessus d'un quotidien fade et usant. Ces tableaux de famille se situent après-guerre. Pas d'écriture proprement politique, le sens des situations, le descriptif minutieux des lieux, des personnages et de leur état d'esprit suffisent à dessiner subtilement l'atmosphère étatique du pays. Est-ce une folie douce qui anime Bronka, Lialia, Goulia, Assia et les autres ? Comme si, en définitive, c'était le seul remède à leurs aspirations déçues, à ce quotidien mièvre et dur, à leurs déceptions sentimentales ou familiales. Je reviendrai dans l'univers de Ludmila Oulitskaïa, que je ne connaissais pas, j'aime son écriture franche, lumineuse ; avec un humour qui souvent retient des larmes....
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Pourquoi n'ai-je jamais entendu parler de cette auteure avant d'avoir lu l'essai "La marche du Cavalier" de Geneviève Brisac ? Ludmila Oulitskaïa mérite de figurer parmi les plus grands, et bien qu'éditée chez Gallimard, elle semble payer le prix du handicap d'être russe.
Vraiment, la littérature russe est une grande littérature ! ne la délaissons pas !
Dans les nouvelles de ce recueil, Ludmila Oulitskaïa dépeint la vie moscovite de toute une population piégée dans des appartements minuscules, eux-mêmes séparés par des cloisons d'une finesse extrême, ne laissant aucune place à une quelconque intimité : "Dans la vie archaïque des faubourg de Moscou, les secrets de famille n'existaient pas. Il n'était même pas question de banale vie privée, car tout un chacun connaissait la moindre pièce d'un caleçon étendu sur la corde à linge publique".
Mais il faut bien survivre, et chacun s'accommode à sa façon de cette promiscuité obligatoire : vivre ainsi sous le regard de tous à cinq dans dix-sept mètres carrés incline à une certaine indulgence réciproque, en famille et entre voisins. La coureuse, la menteuse, la laide, l'ivrogne, le diarrhéique, le fainéant, le plein de verrues restent des figures humaines tolérées et l'on est bien obligé de pardonner les offenses, (du moins celles qui ne conduisent pas au goulag), si l'on veut être pardonné.
Et au milieu de tant d'allées et venues fleurit encore le mystère.
Ces nouvelles sont construites avec une rigueur et une poésie ( ce n'est pas contradictoire) irréprochables, elles incitent au rêve et à la réflexion.
J'ai entamé sans tarder "Mensonges de femmes" de la même auteure et mon enthousiasme va crescendo !
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Ludmila Oulitskaïa , avec ces Pauvres parents, m'a captivé, charmé, entraîné dans ces quartiers moscovites dont j'ignorais quasiment tout. Elle m'a fait rencontrer ces personnages ciselés, pittoresques et si humain dans leurs histoires, leur vie et parfois leur mort.
j'ai pénétré dans ces appartements parfois collectifs, parfois un peu sordides:
Dans l'un d'eux, le froid entre par une fenêtre démesurée. Dans un autre, la cuisine doit constamment être éclairée avec la lampe électrique...
Tout cela est limpide et se lit sans faim. je referme le bouquin avec plein de nouveaux compagnons de mémoire, de lieux que j'imagine tels que les décrit l'auteure dans une splendeur fanée.
Et je sais que je ne saurai rester longtemps sans lire d'autres ouvrage de Ludmila Ouliskaïa.
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Les pauvres parents de Ludmila Oulitskaïa
Neuf nouvelles.
Quand Simka avait débarqué avec sa fille Bronka, dans cette maison de Moscou lors d'une vague de peuplement d'avant-guerre, il avait fallu débarrasser le cagibi de 18m2 pour qu'elles s'Installent avec leurs maigres possessions, les voisins n'étaient pas ravis. Simka était maligne et travailleuse, elle savait obtenir ce qu'elle voulait mais ce qu'elle n'avait pas prévu c'était la grossesse de Bronka, sa fille, 14 ans, on ne l'avait jamais vue avec un garçon. Et tous les ans une nouvelle grossesse…
En mai 1946 à Moscou, un vieux médecin vivait dans une maisonnette avec cour, tout le monde pouvait le voir tant les gens étaient entassés les uns sur les autres. Un jour une voiture arriva, en descendit son fils, médecin également et sa femme d'origine asiatique qu'on appelait Boukhara, elle était enceinte. Elle accoucha d'une petite fille Milotchka qui s'avéra atteinte de mongolisme…
Tante Genele est chargée de la surveillance du quart d'un square, elle aurait pu faire plus mais elle adorait la perfection. Elle portait toujours une sacoche ramenée de Suisse par une parente avant la guerre et faisait ses courses avec qu'elle ramenait dans sa chambre de onze m2…
Assia passe le 21 de chaque mois chez Anna son arrière cousine, elle vient chercher son allocation, c'est aussi l'occasion d'échanger des nouvelles de la famille…
Comme tous les dimanches Bertha et Matthias allaient rendre visite à leur fils en prenant un tram aux horaires aléatoires et inconfortable. L'arrivée de Vovotchka avait été une surprise, elle avait 47 ans et lui 60…
Olga avait un caractère en or et gérait facilement son mari, universitaire indolent, ses amies et ses amants, se seule difficulté était avec sa fille Liéna, négligée, apathique, sarcastique avec elle et l'arrivée de Kaziev, un ami de son fils Gocha n'allait rien simplifier…
Natalia avait perdu ses parents puis Serguéï son mari était parti, elle avait son travail aux transmissions, tout semblait immuable dans sa vie jusqu'à l'organisation des funérailles de Vladimir…
Goulia ne manquait jamais de célébrer les fêtes, même pendant ses années de camp puis d'exil. Véra était sa complice. L'art et les potins étaient au centre de leurs discussions. Goulia se mariait toujours entre deux emprisonnements…
Zinaïda est tellement grosse qu'elle ne rentre plus dans le tramway. À la mort de sa mère elle est perdue, ne sait rien faire, n'a pas d'argent, alors elle se souvient qu'elle lui avait recommandé d'aller à l'église on prendrait soin d'elle »au nom de la sainte vierge ». Ce qu'elle fit mais elle n'avait pas prévu ce qui se passa…

De très belles nouvelles qui nous plongent dans le quotidien des moscovites dans l'URSS de l'époque. Faire la queue, supporter la promiscuité du voisinage dans des appartements minuscules, gérer les dénonciations, tenter d'obtenir des passes droits, la vie est compliquée.
Une auteure à découvrir, un style éblouissant.
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Ludmila Oulitskaïa fait partie de ses écrivains que l'on regrette de ne découvrir que tardivement. Auteure de romans, de nouvelles, tout comme de pièces de théatre et de livres pour enfants, sa plume est d'une sensibilité exceptionnelle, qui ne peut laisser indifférent; ses textes sont bouleversants, vous n'en ressortirez pas indemne, du moins ce fut mon cas. Elle est donc l'auteure de romans mais c'est vers un recueil de nouvelles, que je me suis tournée pour la découvrir, intitulé Les pauvres parents publié en 1993. C'est un ouvrage composé de neuf nouvelles qui placent, chacune d'entre elle, au coeur même de leur histoire, une ou plusieurs figures féminines, toutes aussi différentes les unes des autres, mais tellement émouvantes chacune à leur manière.

Ce sont toutes des personnages quelconques, issues d'une classe sociale tout à fait modeste pour la plupart. Leur particularité c'est ce caractère qui les définit, qui font d'elles, évoluant dans cet espèce d'anonymat qui les entoure, des êtres remarquables. Mère, grand-mère, fille, maîtresse, elles font toutes, consciemment, le choix de leur vie au prix de sacrifices plus ou moins élevés. Certes, ce recueil s'intitule Les pauvres parents, mais la figure du père est ici, à mon humble avis, totalement en retrait, elle est souvent releguée en arrière plan si ce n'est totalement dénigrée. En effet, ceux-ci sont présents mais ils sont souvent délaissés pour laisser toute sa place à la figure maternelle. le père et la mère sont rarement considérés dans leur unité de couple, l'enfant – qu'importe son âge – est toujours le lien qui cimente cette union, qui n'aurait peut être plus de raison d'être sans lui. Ouliskaïa entend « parents » dans tous les sens possibles: on retrouve également des femmes qui sont soeurs, cousines, tantes de. Petites femmes, mais d'une grandeur incroyable, qui jouent « le rôle de ciment qui permettait à la famille de ne pas se disloquer définitivement » telle Genele, issue de la nouvelle éponyme Genele-la-Sacoche, dont la fonction principale est de veiller jalousement sur la propriété d'un square de quartier tout en maintenant ce lien infime d'une famille pourtant infiniment disloquée. Femme qui apparaît insignifiante d'un point de vue social mais si l'on se remet sur une perspective plus centrée sur l'individu, celle de la famille en tant que première cellule sociale, son importance est capitale. Et c'est ce dont il est question ici: l'importance de la vie du niveau de la famille, sous l'étude et la plongée dans divers microcosmes familliaux. Beaucoup de ces femmes ne jouent aucun rôle prépondérant dans la vie même de la société, leur rôle concerne davantage l'intimité de ce noyau famillial, qui constitue la base même de l'individu, noyé dans l'immensité de leur pays.

Et c'est dans cette exploration de l'intimité que l'art d'Ouliskaïa se déploie. Sous sa plume, les petits details du quotidien acquierent une dimension quasi-extraordinaire et prennent une saveur particulière. La sacoche française de Genele, ultra usée et pourtant d'une valeur sans égal, est à l'image de sa prorpriétaire: banal, usée par le temps, boursouflée de cicatrices mais unique en son genre et irremplaçable.
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Genele-La-Sacoche

Et Genele, les yeux étincelants, filait à travers le marché, regardait attentivement, vilipendait un produit, se félicitait du temps, souhaitait une bonne santé à une grosse Ukrainienne qui se hâtait d’aller prendre son train, et se débrouillait pour traiter quelque Asiatique mélancolique au long visage de « fou de toute sa tête ». Elle agitait les bras, tortillait le persil, expliquait en passant à Galia qu’il fallait choisir les carottes uniquement à bout rond, écrasait une aubergine flétrie, flairait de son nez pointu les cornichons « avec des petits boutons », comme elle disait, critiquait la saumure, écrasait entre le pouce et l’index une goutte de miel et chuchotait à sa nièce :
« le miel pur pénètre dans la peau, sans laisser de trace : sinon cela veut dire qu’il est trafiqué ! »
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Et pourtant Genele vivait dans la misère la plus noire. Mais si quelqu'un y avait fait allusion devant elle, elle aurait été surprise. Parce qu'elle vivait exactement comme elle le voulait. Au milieu d'une quantité innombrable de gens sans ressources, soudés par des liens divers, elle était d'une telle indépendance dans sa solitude qu'elle concevait même ses visites à la famille comme un tribut donné à des gens qui avaient besoin de la voir, besoin de ses conseils et de ses recommandations.
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Dans la vie archaïque des faubourgs de Moscou, dans les venelles cloisonnées dont les centres d'attraction se trouvaient à côté des bornes fontaines gelées et des resserres pour le bois de chauffage, les secrets de famille n'existaient pas. Il n'était même pas question de banale vie privée, car tout un chacun connaissait la moindre pièce d'un caleçon étendu sur la corde à linge publique.(...) La possibilité de survie ne tenait que parce que les éclats d'une scène de ménage à droite étaient contrebalancés à gauche par un accordéon joyeux et aviné.
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Le sept octobre, la veille de la Saint-serge-de Radonège, Zinaîda traîna jusqu'à l'église son corps flasque, douloureux, qui s'affaissait par vagues, et elle s'arrêta sur le terrain neutre , où il n'y avait plus d' échoppes et où ne commençait pas encore la rampe de l'escalier menant à l' église, près de laquelle lanternaient les miséreux.
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Comme elles étaient superbes, ainsi installées à table ! San Sanytch les admirait, ces petites vieilles diaphanes, ces élues qui avaient conservé leur tonus ces vingt cinq dernières années en payant des amendes pour toute allusion aux maladies, aux petits problèmes physiques et, Dieu les en garde, à la mort. La littérature, l'art, les souvenirs de jeunesse, les potins mondains, voilà autour de quoi tournaient leurs éternelles discussions.
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Vidéo de Ludmila Oulitskaïa
Eurasieexpress Réflexion à haute voix : "La Lecture est un exploit", aux Journées du Livre russe à la Mairie du Vème arrondissement de Paris le 9 février 2020. Cette réflexion constitue une partie du prochain livre d'Oulitskaia, à paraître cette année.
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