Merveilleux album, le plus abouti de ceux que j'ai lus jusqu'à présent : il contient de superbes méditations sur l'amour et ses chagrins autour d'Apollinaire, de Picabia, de Marcel Duchamp, de Piet Mondrian.
L'époque de la grande guerre est favorable à cette explosion fantasmatique et charnelle, Apollinaire ayant fréquenté en brave les pires champs de bataille d'Europe.
L'album évoque un monde d'hommes ; la muse, de préférence salope, n'est qu'un miroir dans lequel se mire le poète en train d'aimer et dont il tire sa source d'inspiration : façon de se sentir vivant encore au milieu de la boue et du charnier et de continuer à créer.
Commenter  J’apprécie         50
L'amour, s'il n'a jamais toute sa tête ni tous ses mots, s'avance dans le monde comme lumière et comme ombre, à moins qu'il ne soit le monde lui-même, son inspiration, sa ferveur- et sa vanité aussi.Il ne trouve ni ne perd son chemin, puisqu'il est son propre chemin qui passe à travers les êtres.
( p.53)
A Lou, dimanche 18 avril.- Ce matin, ma petite enfant, j'ai eu très peur, bataille d'aéros au-dessus de moi et comme je pensais à ta lettre d'hier une trouille insensée. Le garde à vous sonnait dans tous les villages et sur le front il signifie -abritez-vous. Je t'assure que j'avais peur pas pour moi mais à cause de ta lettre et tu peux croire, grande chérie, je ne suis pas menteur. Le ciel très bleu se meublait de petits nuages blancs. Je sentais que j'étais seul à découvert. J'avais peur. Puis j'ai vaincu cela et mis mon cheval au galop. (p. 243)
Apollinaire à Robert Delaunay (vers juin 1912)
Je suis la tristesse même, mais non la vilaine et pauvre tristesse qui assombrit tout. La mienne brille comme une étoile, elle illumine le chemin de l'Art à travers l'effroyable nuit de la vie.(p.112)
C'est que la vie militaire a radicalement bouleversé Guillaume. Il s'est changé en guerrier, un guerrier malade d'amour comme l'étaient les troubadours, et conscient de sa souffrance, s'adonnant volontairement à elle pour mieux la décrire. Le chagrin d'amour fut pour lui l'expérience centrale de sa vie- et de sa poésie....(p.323)
On aime. On est aimé. On croit aimer. On croit être aimé. Et un beau jour après un chagrin d'amour, soudain quelque
chose meurt en soi. Quelque chose, sinon quelqu'un.
Lecteur, écrivain, dessinateur, Frédéric Pajak déploie son imaginaire depuis 2012 dans un livre sans fin, "Le Manifeste incertain " : au rythme d'un volume par an, cette entreprise littéraire s'achève cette année avec la parution de son 9e volume "Avec Pessoa". Si chaque volume est consacré à la biographie d'une figure que L Histoire a longtemps malmené, ils tissent entre eux une toile plus vaste, l'incertitude comme fil rouge.