Le lac des songes

En 1939, alors que la France mobilise, Bitru, alter-ego de l'auteur, alors en Suisse envisage de déserter.
Il répond finalement à l'appel et est envoyé en Algérie.

Ce roman, largement autobiographique puisque c'est durant sa période militaire en Algérie que Paraz sera gravement intoxiqué lors d'expérimentations chimiques, est un passionnant témoignage sur cette période de la colonisation.

Bitru/ Paraz, un peu anar et surtout résolument antimilitariste profite de ce séjour pour observer son environnement et ses comtemporains, qu'ils soient militaires, commerçants, ou indigènes.

Auteur peu lu -et c'est bien dommage- Paraz avait une liberté de ton rare, écrivant ce qu'il pensait, et se livrant lui-même sans fard, c'est à dire en l'occurence pas systématiquement sous un jour flatteur.

Ce roman publié en 1945, ne fut que rarement réédité.
la présente version est celle publiée en 1986 par du Lérot éditeur qui propose un livre "à l'ancienne" : cahiers cousus non massicotés ; il faut couper certaines pages pour pouvoir les lire.
Ladite édition est enrichie de 39 photographies et de dessins de l'auteur

Je crois que c'est d'avoir entendu Brassens évoquer ce « Lac des Songes » de Paraz qui m'a donné envie d'aller y jeter un oeil.
Albert Paraz fut mobilisé en 1939 et, ingénieur chimiste, il est affecté à une unité de recherche secrète.

Son roman va donc suivre son double : Bitru, soldat récalcitrant, forte tête et grande gueule à Beni Ounif dans le Sud Oranais, à la limite du Sahara pour une mission inconnue dont les prémisses consistent à ramasser des cailloux et nettoyer de vieux laboratoires poussiéreux.
Mais pour ces hommes issus du continent, heureux d'avoir échappé au front, ce sera aussi la découverte de l'Afrique et de ses populations, du désert et de ses mirages.

On se prend à penser au célèbre « Désert des Tartares » et à son héros Drogo, fasciné par ce désert menaçant et sublime. Bitru pour tuer le temps, lui aussi, fréquente les bordels locaux, peint sur le mur du foyer une fresque érotique dont les reproductions ultérieures vaudront la censure au roman de Paraz.
Oscillant sans cesse de l'humour des chambrées à de surprenantes discussions métaphysiques, Paraz porte l'ennui à son lecteur. Mais peu à peu, s'approche l'angoisse des expérimentations chimiques et nucléaires auxquelles vont être confrontés ces bidasses égarés, plus si planqués que cela, bien au contraire même !

Roman antimilitariste, anticolonialiste, véhiculant sa défiance des religions et des grands principes politiques, il n'est pas étonnant que ce « Lac des songes » ait tant plu à André Pieyre de Mandiargues, Blaise Cendrars, Georges Bernanos ou Pierre Mac Orlan.