Le voyage d'Edgar

Paru en 1938 chez Grasset, ce roman a reçu le Grand prix du roman de l'Académie française en 1940 puis est devenu un livre de lecture réédité sous divers formats depuis lors.
Edgar, comme l'auteur, nait en région marseillaise d'une mère morte prématurément et d'un père charpentier de marine, porté disparu à proximité du Groenland.
Notre jeune héros va parcourir une partie du globe sur les traces de son père, et cette intrigue, riche de péripéties, mène le lecteur de l'ile de Gorée au Japon et du Canada au nord arctique.
A la fois roman, conte, poésie, ce livre d'aventures hisse les voiles vers l'action, l'exotisme, l'exploration et valorise la fraternité, l'anti-racisme et le respect de la nature.
J'ai eu la chance de trouver chez un bouquiniste cet ouvrage de Peisson qui est une agréable cure de jouvence.

Ce livre, "le voyage d'Edgar", paru en 1938, est un livre de commande, demandé à son auteur, Edouard Peisson, par l'inspecteur primaire de la Seine (1), Paul Philippon.
Il était destiné à servir de livre de lecture aux élèves des cours moyen et supérieur.
En 1958, l'ouvrage sera plébiscité par les enfants dans un sondage où il va devancer dix autres oeuvres du même genre.
De plus "le voyage d'Edgar" a reçu en 1940 le grand prix du roman De l'Académie Française et les 5000 francs qui alors l'accompagnaient.
Le Figaro, lors de la sortie du livre, avait évoqué "Jules Verne" ...
Avec ce livre, Edouard Peisson a déclaré avoir voulu "élargir l'horizon des enfants emprisonnés dans les maisons".
Et toujours selon lui, c'est le regard enveloppant d'un de ces enfants qui avait demandé à le voir qui apprit à Edouard Peisson que son livre était réussi, qu'il était parvenu à s'identifier à Edgar, à écrire comme lui et non pour lui.
Edgar Legrand est un petit marseillais, un jeune garçon de douze ans qui a perdu sa mère et dont le père exerce la profession de charpentier de marine sur des voiliers qui partent de longs mois à travers les océans vers de lointaines et dépaysantes destinations.
Edgar et Sam, le cuisinier de l'internat où le jeune garçon a été placé, sont devenus de vrais amis.
L'homme, originaire de l'île de Gorée dans la baie de Dakar, est un ancien marin.
Un jour, il repartira ...
En attendant, il raconte des histoires, décrit des paysages.
Et la vie s'écoule tranquillement en attendant le retour du père d'Edgar embarqué sur "l'Aventure" parti chasser le phoque au Groenland.
Malheureusement, une lettre de l'Inscription Maritime va venir fracasser ce petit bonheur fragile.
Un cargo russe a croisé une épave, un mât et une coque renversée où le nom de "l'Aventure" et celui de son port d'attache étaient encore lisibles sur le tableau arrière ...
Nathalie Couilloud, dans le 178ème numéro de la revue "Chasse-Marée", a écrit que ce livre est un savant mélange d'imaginaire, de réel et de merveilleux". (2)
Quoiqu'il en soit "le voyage d'Edgar" est un livre très beau, empreint de poésie, empli d'agréables et étonnantes leçons de chose.
C'est un livre écrit de manière gourmande par une plume qui aime la vie, la mer et les gens qui vont avec.
C'est un livre qui va rechercher dans chaque lectrice et chaque lecteur ce qui lui reste de plus beau, de l'innocence de son enfance.
"C'est une belle chose que la vie du monde" !
L'art de l'araignée à tisser sa toile ...
Comment le Japon s'empara des secrets de la Chine ...
Les sources de l'amazone ...
Quelques personnages qui hantent Gibraltar ...
Le mystérieux voyage de l'anguille ...
Au gré des leçons de Sam et de l'imagination d'Edgar, les apartés se succèdent et se font suite sans pourtant jamais nuire au récit.
L'ouvrage est un livre clair, optimiste et confiant dans la bonté humaine.
Le "méchant" n'a ici presque pas droit de cité.
"Peste rouge" sera l'un des seuls !
Les personnages sont peints de manière originale.
Un des plus beaux de ceux-ci est un homme qui porte en lui beaucoup d'émotion et de mystère, un compagnon de rencontre qui va aider Edgar, et prétend avoir même oublié son propre nom.
Le capitaine de la goélette l'Aventure, J.F. Nau, lui, est de Vannes, et forcément le mal du pays le ronge ...
A partir de 1934, Edouard Peisson a décidé de se consacrer entièrement à la littérature.
En 1962, un an avant sa mort, il écrira "Grampus", un dialogue surréaliste entre l'écrivain qu'il était devenu, l'enfant qu'il avait été et les personnages de ses romans.
En près de trente romans, et autant de nouvelles, Edouard Peisson a mis en scène la lutte des hommes de mer contre les forces adverses.
Il a écrit comme l'un d'eux, mais jamais pour eux.
En septembre 1963, quelques jours après sa mort, une librairie de la rue Monsieur-le-Prince à Paris, peut-être la librairie du Zodiaque, affichait un avis :
"Edouard Peisson est mort : c'était un des rares écrivains français à savoir que la mer n'est pas uniquement un vaste établissement de bains" (2) ...

(1)Les inspecteurs primaires de la Seine (1870-1914) : acteurs de la modernisation de l'enseignement primaire ("Presses Universitaires de Rennes" - 2017 - Jérôme Krop)
(2) Chasse-Marée n°178 de mai 2005 - "Edouard Peisson, l'homme de la mer" -.

Selon Natha Caputo « un enchevêtrement de récits de mer tout imprégnés de mystère et d'aventures où le fantastique côtoie le réel avec un art éblouissant. Ce livre ne ressemble à nul autre. On dirait que Peisson, assailli par mille choses à raconter, a voulu tout accueillir de ce qui envahissait son imagination. Et pour la magie de son talent, tout s'agglomère, s'ordonne parfaitement, dans un livre dont les thèmes répondent à toutes les aspirations de l'enfance ».

Selon les éditions est ou n'est pas un roman scolaire, est ou n'est pas amputé de chapitres. Il existe des traductions en anglais, allemand, lithuanien et portugais de cet ouvrage.

Une réédition en trois tomes avec une nouvelle illustration et une nouvelle exploitation pédagogique est sorti sous forme de roman scolaire à la Librairie des écoles au début des années 2010. On a ici la version intégrale. Très bon roman scolaire pour les jeunes d'âge du CM 2, du fait que son univers est la marine il passionne toujours les enfants du XXIe siècle.