En tant que professeure de français, je me suis toujours interrogée sur la façon d'amener mes élèves à lire. La lecture obligatoire d'oeuvres intégrales et autres lectures cursives, qui font partie du programme, ne le permettent pas toujours car la plupart des élèves les envisagent comme des corvées. Certains d'entre eux n'ouvrent même pas le livre.
Daniel Pennac a raison sur ce point : non seulement ils rejettent la lecture, mais ils se sentent aussi « rejetés par elle ». En début d'année, il m'arrivait parfois de demander : « Qui aime lire ? » (c'est mieux que le « qui n'aime pas lire ? », plus déprimant). Mais j'ai arrêté de poser cette question. de toute façon, on le voit assez rapidement.
J'ai quand même eu la chance cette année – et c'est la première fois que ça m'arrive – d'avoir une classe de sixième pleine d'élèves créatifs et amateurs de lecture pour la majorité d'entre eux. On a passé des heures à parler de livres, de bandes dessinées et de mangas. Grâce à eux, j'ai notamment découvert L'Atelier des sorciers, que j'ai acheté récemment. J'ai lu le dernier tome de la saga Harry Potter avec eux à mes côtés et on se servait même de certaines expressions du livre pour expliquer des mots de vocabulaire (par exemple, le sens du mot « endolori » leur échappait dans un texte, on a pu l'expliquer grâce à l'incantation « endoloris », l'un des trois sortilèges impardonnables dans Harry Potter). Mais j'ai bien conscience que c'était exceptionnel. D'ailleurs, ça ne fonctionnait ni avec mon autre classe de sixième, ni avec mes deux classes de cinquième. Chaque année, j'ai toujours plus d'élèves qui n'aiment pas lire que l'inverse.
La question est donc : comment donner le goût de lire aux enfants et adolescents qui ne l'ont pas / plus ?
Daniel Pennac propose plusieurs solutions avant de passer aux fameux « Droits imprescriptibles du lecteur », notamment les lectures « offertes » en classe, sans contrepartie. Parce que selon lui, « le culte du livre relève de la tradition orale ». le professeur rappelle à l'élève le plaisir d'écouter une histoire, comme lorsqu'il était petit, et ne lui demande rien en échange. Et ne pose surtout pas de questions de compréhension – ce qu'on fait forcément en cours de français. Eh oui, la compréhension orale fait partie des « compétences » évaluées. En tant que prof, j'ai apprécié ces petits « conseils » même si certains m'ont paru difficilement applicables, programme oblige. Mais offrir (de temps en temps) des histoires aux élèves pour éveiller leur curiosité et réveiller leur envie d'en découvrir me semble une bonne idée. Je le fais parfois, mais pas autant que je le voudrais. En revanche,
Daniel Pennac oublie quand même que tous les enfants n'ont pas la chance d'avoir des parents qui prennent le temps de leur raconter des histoires. Ils ne peuvent donc pas « retrouver » un plaisir qu'ils n'ont jamais connu. Bien sûr, ils apprécient qu'on leur lise ou raconte des histoires une fois qu'ils sont à l'école. Mais le lien avec la lecture n'est pas le même. Alors ce « truc » de « donner à lire » me semble un peu plus complexe qu'il n'y paraît, même si je pense qu'une partie de nos élèves sont assez curieux pour avoir envie de « lire la suite » de ce qu'on leur a fait découvrir.
Bref, cet essai de
Daniel Pennac m'a donné à réfléchir à ma propre pratique, à la lecture à voix haute notamment, puisque c'est moi qui lis aux élèves les textes que j'utilise en classe. Je ne tire toutefois pas grand-chose de
Comme un roman, même si j'ai apprécié lire cet auteur que j'aime beaucoup. Ah si, une chose : l'incipit du Parfum de
Patrick Süskind, présent dans les chapitres 43 et 44 de l'essai de
Pennac, m'a donné envie de lire cette oeuvre. Comme quoi…