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EAN : 9782268007380
199 pages
Les Editions du Rocher (30/11/-1)
3.87/5   43 notes
Résumé :
La jeune Madeleine est gagée comme domestique chez Michel Cordier, un fermier veuf, pour s'occuper de deux enfants, Eulalie et Georges, et tenir la maison.

Elle s'attache peu à peu aux enfants, allant même jusqu'à dilapider ses économies, pour qu'ils soient au moins comme les autres, et même mieux. Elle doit cependant subir les attaques du diabolique Boiseriot, ancien valet de la ferme, jaloux et catholique de surcroît.

Dans une atmosph... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Nêne est le deuxième roman d'Ernest Pérochon, comme "Le Chemin de plaine" (largement autobiographique) il est terminé au printemps 1914. La Grande Guerre, qui inspirera l'auteur pour le désormais fort connu roman "Les Gardiennes" empêche la parution de ces deux titres qui ne sortent qu'en 1920. le roman est édité localement, il reçoit le prix Goncourt ; ceci grâce en particulier au gros travail de lobbying de l'écrivain niortais et berrichon Gaston Chérau auprès des membres du jury (« C'est un beau roman de chez nous », dira-t-il dans la préface du livre). Après avoir été récompensé, ce roman intéresse enfin Plon qui se charge de le tirer à 100 000 exemplaires.

Bien qu'il quitte l'enseignement à la fin de l'année scolaire 1920-1921, Ernest Pérochon restera, dans l'Entre-deux-guerres, l'instituteur français le plus célèbre en France et à l'étranger. Hachette lui demandera d'ailleurs de rédiger l'essai "L'instituteur" heureusement réédité par CPE en 2014. Geste depuis ses origines lointaines et Marivole/CPE depuis les années 2010 font un travail remarquable de réédition d'un auteur dont le contenu des ouvrages est un témoignage sur la situation des campagnes françaises à la Belle Époque, durant la Première Guerre mondiale et l'Entre-deux-guerres.

Comme dans "Les Gardiennes", l'héroïne est une enfant de l'Assistance publique et dans la région du nord des Deux-Sèvres (pour parler français, car je n'aime guère "le Nord-Deux-Sèvres", fruit d'un anglicisme), les élèves des écoles publiques étaient composés de quelques enfants de mécréants, de peu d'enfants de protestants et de beaucoup d'enfants de l'Assistance publique et de dissidents. Il s'agit pour ces derniers des descendants des catholiques qui refusèrent de voir, avec le Concordat, l'Église catholique tomber sous la coupe de Bonaparte. N'oublions pas que cette dernière alla jusqu'à inventer un saint Napoléon, en allant chercher Neapolis martyr du début du IVe siècle, pour instituer un jour à consacrer à l'empereur.

L'attachement, progressivement contrarié, que l'héroïne a envers les deux orphelins (de mère) de la famille de dissidents, où elle a été embauchée, est le resort essentiel de l'intrigue. S'y ajoute les amours de son frère qui, sous l'emprise de l'alcool, perd un bras dans une machine. La dévergondée qu'il espérait épouser ira vers le père des deux orphelins…
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Madeleine, une jeune fille solide et travailleuse, est embauchée comme servante chez un jeune veuf, père de deux enfants en bas âge.

Avec un pitch pareil, on voit l'histoire d'amour se profiler, grosse comme un camion. Mais non. Rien de ce qu'on pourrait imaginer ne se produit car si histoire d'amour il y a, elle est entre "Nêne" et les enfants qui l'ont surnommée ainsi. C'est une histoire d'amour tragique et déchirante, racontée avec beaucoup de finesse par Ernest Pérochon. L'auteur emploie autant de sensibilité pour décrire les sentiments de ses paysans qu'en employaient habituellement ses contemporains pour décrire les amours des bourgeois.

De plus, il nous fait découvrir un coin littérairement méconnu de France, les Deux-Sèvres, avec une situation religieuse très particulière, la population étant divisée entre Protestants, Catholiques et "Dissidents", des Catholiques restés fidèles au clergé d'avant la Révolution.

Intéressant et touchant.
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Ernest Perochon...Des années que le livre traînait sur une étagère. Avec un nom pareil, encore un roman du terroir... Et un jour, enfin, j'ai ouvert le bouquin, dans l'intention de le "parcourir" et de l'oublier. Découverte! une histoire touchante, tellement vraie, tellement bien écrite, tellement facile à lire. Si vous le trouvez chez un bouquiniste, allez-y, c'est un roman magnifique.
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Un vieux roman, édité juste avant la guerre de 1914 qui raconte l'histoire d'une orpheline, employée comme bonne d'enfants et bonne à tout faire par un jeune veuf dans les campagnes arriérées des Deux-Sèvres. Elle est pleine d'abnégation et de tendresse, Nêne, pour les deux enfants dont elle s'occupe.
C'est un roman triste et beau.
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Ayant des racines familiales dans les Deux-Sèvres, j'ai toujours été familière du nom d'Ernest Pérochon avec son côté rigolo et son destin tragique. Il fait partie des écrivains désuets que les boîtes à livres de nos contrées font ressurgir opportunément. C'est grâce à l'une d'entre elles que je me suis lancée dans la lecture de ce prix Goncourt 1920 qui apporta la consécration à son auteur, jusqu'alors instituteur dans son département natal.

Le roman est néanmoins plus ancien, publié en 1914, et nous peint la campagne d'avant la Grande Guerre et ses bouleversements. Sujet que l'auteur traitera dans le roman Les gardiennes, adapté au cinéma en 2017 par Xavier Beauvois et réédité à cette occasion.
Avec Nêne, Pérochon s'attache à décrire les communautés rurales de son bocage, les déterminismes qui pèsent sur les destins des personnages.

Aux relations marquées par lees travaux des champs et des accidents de la vie s'ajoute un contexte religieux très particulier à cette zone rurale enclavée: la persistance, jusqu'à nos jours, de la Petite Église, dissidents du catholicisme ayant refusé le régime concordataire.
Les préjugés et les conflits entre dissidents, catholiques et protestants attisent les rancoeurs entre les personnages qui vivent dans le vase clos du bocage.

Le drame de Nêne aurait ou être l'objet d'une nouvelle normande De Maupassant. La plume de Pérochon s'attache aux personnages, rendant compte de leurs préoccupations, leurs ambivalences, leurs petits calculs, leurs passions et leurs émotions. L'écriture n'exclut pas un certain lyrisme, qui semble vouloir compenser l'âpreté du récit.

Le portrait de Madeleine, qui reporte sa frustration existentielle dans le lien maternant exacerbé avec les enfants de Corbier, m'a rappelé l'héroïne de Mont-Oriol abandonnée par son amant et étrangère à son mari.
Les pages qui portent sur les moments partagés avec les petits, sur la jouissance de ce lien avec ces êtres prêts à s'attacher et aimer de grand coeur, sont magnifiques et révèlent la finesse psychologique et humaine de Pérochon, qui excelle à partager ces morceaux de vie féminine sans mièvrerie ni dédain.

Malheureusement l'issue de ce drame familial et social sera tragique pour la jeune femme, victime de son statut, de sa pauvreté, de la malveillance et de la calomnie, et enfin de son ardent désir d'aimer. Nêne est un roman triste et beau à ajouter à la liste de ceux qui parlent de la vérité des vies des femmes.
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critiques presse (1)
Actualitte
13 août 2018
"Un de ces bons vieux romans naturalistes" y est-il écrit avec une pointe de condescendance, alors que "Nêne" n'est en rien naturaliste, s'attachant à décrire la lente transformation de la servante en victime, plutôt que la condition paysanne qui n'est qu'une toile de fond. Lecteur tu as un livre à lire.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Madeleine mena les enfants chez les voisins et Gédéon s’en alla prévenir les parents, les amis, les voisins, tous les dissidents. Les pleureuses arrivèrent dès huit heures. Les premières vinrent des villages proches …. Dans la soirée ce furent celles de Grand-Combe et de Foye, puis celle de Coudray qui passèrent la soirée. Le lendemain on vit entrer celles de tous les villages où il y avait une famille dissidente. Arrivées à la maison elles se jetaient à genoux, sans parole autour de celle qui dirigeait la prière. Quand une se relevait, une autre, tout de suite, prenait sa place.

Le troisième jour, ce fut l’enterrement, à Saint Ambroise, dans le cimetière des dissidents. Prières, prières. Prières en chemin entre les haies fleuries ; prières dans la chapelle sombre; prières très longues au cimetière… Il n’y avait là ni catholiques, ni protestants mais toutes les maisons dissidentes connues dans la région avaient envoyé du monde. Cette âme qui s’en allait seule, sans viatique, il fallait au moins que la prière des proches lui fit un long cortège.

(les dissidents sont les catholiques ayant refusé le Concordat)
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Ce nom remuait Madeleine comme l’autre qui était trop beau et défendu…. Le soir même, elle en parla au vieux Corbier, n’osant s’adresser à Michel.

-- J’ai une chose sur le cœur… c’est à cause du petit. Il m’appelle Nêne, ce mignon. Je ne sais pas si cela vous conviendra, ni si cela conviendra à son père… Si ce n’était pas à votre gré, je pourrais peut-être bien lui faire dire mon nom d’une autre manière.

Dans l’ombre où elle parlait, le vieux ne voyait pas son visage anxieux et ses yeux plein de larmes ; mais il sentait le tremblement de sa voix et il répondit charitablement.

. —Tu t’émeus pour peu de chose, ma pauvre fille. Qu’importe que tu sois Nêne ou Madeleine ? Si tu es bonne pour lui, c’est l’essentiel, et il te reconnaîtra plus tard comme ayant tenu une place de celles qui manquent.

-- Cela, c’est mon grand désir…et je ne me demande pas autre chose ! dit-elle en se sauvant.

A partir de ce moment, elle fut Nêne pour Jo et aussi pour Lalie.
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Les Dissidents mettaient toute leur vigilance à échapper à l’enveloppement catholique.

Ils n’avaient plus de prêtres et ils méprisaient les prêtres nouveaux comme on méprise les traîtres. Ils priaient seuls. Par orgueil, peut-être aussi par une crainte obscure de rester en deçà, ils exagéraient leurs dévotions, fêtaient tous leurs saints, doublaient tous les jeûnes, marquaient inexorablement le Carême.

Et, comme au flanc des vieux murs fleurissent les giroflées sauvages et les millepertuis, sur ce christianisme abrupt germaient des hérésies oubliées et même des superstitions lointaines venues d’un passé profond. Des femmes dirigeaient le culte ; des vierges enseignaient les catéchumènes ; et réapparaissaient la croyance au gui guérisseur, la vénération des arbres et des sources.
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Il conduisait ses bêtes par gestes mesurés, sans cris. Il avait pourtant deux bovillons au dressage, mais il les avait placés au milieu de l’attelage et tout de suite enlevés en un si rude effort qu’il les tenait maintenant sans peine, éreintés et craintifs. Même au bout de la raize, les bovillons suivaient docilement les bœufs de tête ; le laboureur n’avait qu’à soulever sa charrue et à la retourner tranquillement sans craindre d’être enlevé par son attelage.

Il s’était imaginé la terre trop sèche et il avait lié trois jougs pour un labour profond. Et voilà que cette façon se trouvait excellente. Il avait mis son régulateur au dernier tour et le soc mordait franchement, très bas. Le « talon » laissait dans la raize une traînée fraîche et les mottes, en bonne trempe, s’émiettaient d’elles-mêmes en croulant au soleil ; un léger hersage et la terre serait prête, fine comme cendre.
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Les Dissidents mettaient toute leur vigilance à échapper à l’enveloppement catholique.

Ils n’avaient plus de prêtres et ils méprisaient les prêtres nouveaux comme on méprise les traîtres. Ils priaient seuls. Par orgueil, peut-être aussi par une crainte obscure de rester en deçà, ils exagéraient leurs dévotions, fêtaient tous leurs saints, doublaient tous les jeûnes, marquaient inexorablement le Carême. Et, comme au flanc des vieux murs fleurissent les giroflées sauvages et les millepertuis, sur ce christianisme abrupt germaient des hérésies oubliées et même des superstitions lointaines venues d’un passé profond. Des femmes dirigeaient le culte ; des vierges enseignaient les catéchumènes ; et réapparaissaient la croyance au gui guérisseur, la vénération des arbres et des sources.

Les Dissidents ne se mariaient guère qu’entre eux. Ils ne se réjouissaient pas de gagner un catholique par mariage, car cela faisait une lignée bâtarde, prête à trahir. Mais quand un des leurs allait se faire baptiser dans une église, ils prenaient le deuil en leur cœur.
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