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EAN : 9791030005042
520 pages
Presses Universitaires de Bordeaux (PUB) (08/04/2021)
4/5   1 notes
Résumé :
Les époux Plantié, métayers lot-et-garonnais, se sont écrits chaque jour de 1914 à 1917. Ces lettres embrassent tous les moments de la vie du couple : de l'ordinaire le plus banal, à l'arrière comme au front, des réflexions sur la guerre et sa logique destructrice, aux tendres déclarations d'amour. Cette correspondance intime à deux voix a été préservée à dessein, ainsi Léon écrivait-il : « il me semble que je serais content de repasser ses longues lettres où je te ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'intérêt de ce livre réside dans le fait qu'il regroupe des lettres d'un même soldat, sur une période longue (de 1914 à 1917) et, à partir de 1915, celles de son épouse (qu'il a conservées en les lui réexpédiant).

Léon Plantié est un poilu ordinaire, agriculteur du Sud-ouest, plutôt à l'aise sur le plan matériel et peu instruit sur le plan intellectuel.

Dès le début de la guerre Plantié exhorte sa femme Madeleine à lui écrire, pour le soutenir, l'encourager et aussi entretenir les sentiments qui les unissent.
Peut-être est-elle moins à l'aise que lui avec l'écriture (et avec l'écriture en français particulièrement). Peut-être trouve-t-elle cette injonction de son mari étrange ou en tout cas étrangère à leurs habitudes, ou même étrangère à son caractère à elle.
Mais elle va finir par y consentir, par devoir au début, puis, prise au jeu, par goût et avec intérêt.

Cette correspondance se déroule dans le cadre d'un pacte explicite : s'écrire souvent ( si possible tous les jours) et tout se dire.
Si dans ses premières lettres Madeleine ne fait guère que répondre à Léon, elle devient peu à peu épistolière à part entière, tenant tête à son mari et refusant de suivre ses consignes lorsqu'elles sont trop opposées à ses propres convictions.

Au début de la guerre et malgré leur pacte, Léon ne voulant pas inquiéter Madeleine ne raconte les situations dangereuses auxquelles il est exposé qu'après que le danger est passé. et toujours à mots couverts.
On comprend à le lire que la vie du poilu est dure, et qu'il est témoin ou acteur d'opérations particulièrement éprouvantes.
On le savait certes, mais à travers ces lettres on le comprend intimement pourrait-on dire. Pourtant Plantié n'est ni Péguy, ni Genevois, ni Barbusse. Ou peut-être est-ce pour cela précisément, que ses mots mal orthographiés, ses verbes mal conjugués et sa syntaxe à faire frémir un académicien nous touchent tellement.

S'il prend des précautions pour évoquer les dangers auxquels il est confronté, en revanche il s'exprime sans retenue sur son caractère, sur ses états d'âme et sur ses idées.
Au fur et à mesure que le temps passe et que la guerre, qu'il imaginait courte, s'éternise, son patriotisme fait place à un pacifisme exacerbé, puis à un sentiment de révolte qui lui fait dénoncer avec virulence le sort réservé au « petit peuble », comme il l'écrit, à déplorer les inégalités de traitement que subit la troupe et à s'insurger contre le mépris dans lequel on tient l'homme du rang.

À côté des considérations sur la guerre, les officiers, le haut commandement ou les embusqués de l'arrière, qui décrivent sans fard le quotidien du soldat et permettent de mesurer l'évolution de son moral, sont abordées des questions très concrètes de la vie quotidienne.
Les lettres de Léon sont pleines de conseils à Madeleine sur les cultures, les récoltes ou le commerce des bestiaux, toutes tâches qu'elle doit assumer seule depuis que lui-même est au front.
Avec le temps et l'expérience que Madeleine acquiert ces conseils deviennent plus des avis que des consignes.
À l'instar des femmes d'ouvriers en ville, devenues ouvrières à la place de leurs maris partis au front, à la campagne les femmes de fermiers deviennent elles-mêmes fermières à part entière.
À travers les lettres de Léon et Madeleine on voit combien leurs rôles sociaux se modifient : à la faveur de la guerre la société se transforme.

Léon et Madeleine Plantié sont parents d'un petit Etienne qui n'a que quelques mois quand la guerre éclate.
Dans ses lettres Léon évoque la tristesse qu'il éprouve à ne pouvoir être avec son fils dans ses 1ères années, et la crainte qu'il a de ne pas être reconnu de lui à son retour.
Dans ce domaine aussi l'absence des hommes au foyer fait son oeuvre, et Léon est bien obligé de reconnaître le rôle d'éducateur et de « passeur de valeurs » d'habitude réservé au père pour un petit garçon, que Madeleine assume en plus de ses missions traditionnelles de mère que sont la nourriture et les soins.
Toutefois sur ce sujet précis de l'éducation du petit Etienne Léon ne renoncera jamais à intervenir, parfois de façon très dirigiste, auprès de Madeleine.
Pour les cultures, les achats et les ventes de bestiaux il lui écrira assez souvent qu'il lui fait confiance et s'en remet à elle.
Pour l'éducation de leur enfant il ne cessera jamais de la conseiller, voire de la tancer quand il pense qu'elle ne fait pas ce qu'il faudrait.

Dans la correspondance de Léon et Madeleine il est bien sûr aussi, et surtout pourrait-on dire, question d'amour.
La séparation les amène à exprimer ce qu'ils ressentent l'un pour l'autre et, au-delà des sentiments, à exprimer leur sensualité. Ce que vraisemblablement ni l'un ni l'autre n'auraient fait en temps normal.
Avec pudeur certes mais pas toujours à mots couverts, chacun confie à l'autre ses manques et ses désirs, avec de plus en plus de confiance et de liberté au fil du temps.
Les allusions et métaphores du début font place à un vocabulaire plus direct, parfois aigrillard.
Dans les dialogues amoureux l'occitan, langue usuelle du couple, langue de la proximité et de la complicité, remplace le français.
Ce badinage épistolaire auquel les époux participent à part égale renforce leurs liens.
Il permet que dans leurs lettres leur vie de couple se déroule dans toutes ses dimensions et dans toute sa plénitude.
Peut-être même est-ce leur correspondance assidue et sans tabou qui transforme leur duo en un couple, au sens moderne du terme.

En publiant cette correspondance privée Cécile Plantié, l'arrière petite-fille de Léon et Madeleine, livre une réalité plutôt peu connue (en tout cas de moi) : l'expression du quotidien et de l'intime par un couple que rien ne prédestinait à évoquer de façon aussi explicite, ni à partager avec tant de confiance, leurs valeurs, leurs pensées, leurs sentiments et leurs désirs les plus personnels.

Avec ce livre aussi émouvant qu'instructif elle illustre qu'on peut regarder l'histoire à travers une focale très resserrée sans pour autant la voir par le petit bout de la lorgnette.

Léon ne reviendra pas du front. Il est tué en août 1917…..par un obus français mal calibré.
« Quelle connerie la guerre »
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critiques presse (1)
LeMonde
07 juin 2021
Histoire d’un livre. De nouvelles lettres de poilus ? Cet ouvrage dit surtout le for intime de deux époux séparés par le conflit, mis au jour par leur arrière-petite-fille.
Lire la critique sur le site : LeMonde

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