Un témoignage unique de la vie d'un poilu en la première guerre mondiale.
Unique par la tenue quotidienne de son journal d'un homme méthodique et scrupuleux, décrivant sa vie de simple soldat, au mieux caporal, au front.
Unique par cette destinée exceptionnelle d'avoir traversé l'entièreté de cette guerre, en fréquentant quelques uns des plus terribles champs de batailles d'alors et d'avoir survécu d'une pièce et reprendre sa vie après démobilisation.
Sa vie personnelle...
Louis Barthas ne s'étend pas dessus. Il aura eu peu de permissions durant son incorporation, mais, pudeur de poilu conscient de survivre là ou tant d'autres disparaissent, il ne s'apitoie pas sur son sort de mari et père éloigné de sa famille ; il constate, avec peu de mots, simples.
Il réserve ses diatribes envers les officiers hautains, bien au chaud et mangeant à leurs faims, les "embusqués" ne montant jamais au front, et jalousés par les combattants. Sont aussi relatées quelques relations difficiles avec la population rurale, certains voyant quelquefois ces appelés comme des pillards.
De fait ces symboles de la France en guerre n'étaient paradoxalement pas toujours estimés à l'aune des sacrifices exigés d'eux, tant par leur hiérarchie militaire, les gendarmes ou la population de "l'arrière".
Les évocations des difficiles conditions de vie des soldats sont particulièrement prenantes tant en première ligne qu'au repos (qui n'en a que le nom), subissant les éprouvantes conditions météorologiques et les bombardements d'autant plus durement que les abris sont précaires ou inexistants.
A cela s'ajoutent les exercices militaires ou les corvées laissant peu de temps de récupération. le chroniqueur finira la guerre dans un état d'épuisement extrême.
Au plan politique
Louis Barthas, enfant du peuple, instruit, se revendicant socialiste issu de l'un de ses bastions "rouges" historiques, ne manque pas de fustiger régulièrement la hiérarchie militaire peu soucieuse du bétail humain, corvéable à volonté, chair à canon, neanmiins disponible sur le terrain.
Même si ces réflexions et appréciations sont frappées du sceau de la lutte des classes, elles expriment bien le ressenti et le ressentiment des valeureux poilus.
Avec une ironie certaine le narrateur met bien en exergue l'exagération des communications officielles sur la valeur de l'armée française alors que lui, sur le terrain, décrit beaucoup d'improvisations. La communication, déjà, au centre de l'action politico-militaro-mediatique.
Nous n'avons malheureusement pas d'éléments de la vie d'après l'armistice de
Louis Barthas, valeureux citoyen pris dans un maelström qui a dépassé toute une époque, ainsi qu'une société européenne dominatrice à son apogée et marquant depuis lors son déclin ; son témoignage d'un survivant de l'absurde, tenu au jour le jour pourrait être inclus sans problème dans les cours d'Histoire.