C'est un très beau volume, que l'on voit facilement trôner dans le rayon des Usuels d'une bibliothèque. Alors, bien sûr, on ne lit pas un Usuel comme un autre livre. On le consulte en quête d'une information sur la littérature du XV°s, on le feuillette, on le parcourt. Deux types de textes le composent : des notices introductives aux auteurs retenus, toujours pleines d'intérêt, mais rédigées dans un français indigeste et pesant, à l'image de cette couverture "Gris Union européenne". Et, second type, les extraits figurant dans le volume, variés, magnifiquement traduits, qui nous font aller de la Grèce tombant dans l'esclavage islamique et turc, aux nations et aux langues qui accèdent à la littérature, dans le grand nord, en Ecosse ou en Europe centrale : c'est en effet l'époque où les littératures slaves émergent de leur matrice latine pour les catholiques, byzantine pour les orthodoxes. Les contenus sont souvent décevants et passe-partout, à de brillantes exceptions près. Ce sont homélies, chroniques, poésie à l'antique, tant il est vrai que la littérature dans son mode d'existence ancien est un art d'accommoder les clichés et les traditions reçues (a-t-elle changé depuis ?) Seules quelques littératures nationales ayant déjà plusieurs siècles d'existence, en Espagne, en France, en Italie, ou en Grèce, rendent un son original et personnel.
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Georges Amiroutzès, env. 1400- env.1470.
Un intellectuel grec sous domination islamique.
Il me semblait que je n'aurais plus l'occasion de m'occuper comme jadis à mettre par écrit mes réflexions : je voyais en effet le pouvoir partout enlevé aux Grecs et cette même nation mépriser [négliger], dans son infortune présente, ce qu'elle tenait autrefois pour beau et de grand prix, ne prêter attention qu'à ce qui est nécessaire à la conservation de la vie, et cela, se le procurer péniblement malgré les difficultés. L'étude des lettres me paraissait donc inutile, puisqu'il n'était personne pour écouter et daigner prêter attention...
Les premiers conquérants de la Grèce [Macédoniens, Romains] se bornèrent à lui infliger une servitude nominale, encore qu'elle parût lourde et intolérable aux Grecs. Mais en fait, honorant leur courage et leur sagesse, il leur laissèrent la liberté et leurs propres lois... Mais maintenant la différence de religion ajoutée à la haine naturelle de l'ennemi à notre égard nous a apporté une très lourde servitude.
Dans ces circonstances, je ne pensais pas qu'il fallût, pour des hommes si malheureux, écrire quoi que ce soit et le publier... Par la suite, tous les Grecs furent soumis et ma patrie [Trébizonde] réduite en captivité ; je suis moi-même devenu esclave de celui qui opprime maintenant sous sa domination les citoyens romains et les hommes de la Grèce.
p. 421-422
Le dit du voïévode Dracula (slavon russe, 1486).
[Dracula] haïssait tant le mal dans son pays que quiconque commettait un méfait, fût-ce vol, brigandage, mensonge ou injustice, n'avait aucune chance de rester en vie. Nul, fût-il grand bojarin, ou prêtre, ou moine ou homme du commun, eût-il de grandes richesses, ne pouvait racheter sa vie. La crainte qu'il inspirait était telle, qu'il possédait une source et une fontaine où passaient beaucoup de voyageurs venus de bien des contrées ; et beaucoup de gens venaient boire à la fontaine et à la source, car l'eau y était fraîche et avait bon goût. Dracula avait placé près de cette fontaine sise en un lieu désert, une grande coupe en or merveilleusement travaillée ; et celui qui voulait boire devait utiliser cette coupe et la remettre là où il l'avait trouvée. Et tant qu'elle y exista, nul n'osa la voler.
p. 549
Jean Hus, env. 1371-1415.
De l'église.
En effet, le pape ne peut donner d'ordre valable pour le monde entier que pour détruire le mal et pour édifier l'Eglise.
Or il est patent que le pape peut errer et cela d'autant plus gravement que son erreur est lourde de conséquences ..., irréparable, comme noue l'enseigne St Bernard dans son livre dédié au pape Eugène ...
Il ressort de ce qu'on vient de dire que c'est obéir au Seigneur Christ que de se rebeller contre un pape qui dévie...
pp. 55-56