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EAN : 9782862312903
184 pages
Maurice Nadeau (07/02/2020)
3.88/5   8 notes
Résumé :
Dans un style brut et une ambiance solaire, on suit Arthur, un cinéaste français d'une vingtaine d'années, débarqué avec sa fiancée, Ana, dans un Liban explosif et brûlant d'interdits. Un voyage initiatique sur fond de tirs et de conflits sentimentaux mais aussi une quête désespérée du bonheur pour cette génération quelque peu égarée.

Ce premier roman a été sélectionné au Prix France/Liban 2020 et au Prix Ulysse 2020 du premier roman.

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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Étant libraire de profession, j'ai eu la chance de découvrir en exclusivité ce premier roman de Grégory Rateau (son second livre en réalité, le précédent étant un récit de voyage sur la Roumanie joliment poétique) et que je me prépare à vous présenter en avril. Un auteur à suivre de près donc et les Éditions Maurice Nadeau (éditeur très exigent) ne s'y sont pas trompées. Chaque description du Liban sent le souffre, on rigole beaucoup dans ce livre qui aborde pourtant des questions très sérieuses, comme la mort, le deuil de sa relation, le ressentiment que l'on peut avoir pour sa belle famille, l'impossibilité de vivre heureux et libre dans une culture aux mœurs plus que rigides. Cet équilibre tient au style très affirmé de l'auteur car dès la première page, nous savons que nous sommes en présence d'un écrivain, d'un vrai, d'une plume qui finira sans doute par s'affirmer dans le paysage français, car en Roumanie, là où il est journaliste, il est déjà très reconnu. L'histoire? Il n'y en a pas vraiment une au sens stricte, il s'agit plutôt d'une chronique à la première personne. Une guerre civile éclate à Tripoli et notre personnage, Arthur, un héros plutôt antipathique de prime abord, veut y tourner un film coûte que coûte aux côtés de sa fiancée, Ana. Il va petit à petit comprendre ce pays, celle qu'il dit aimer, sa remise en question va être brutale. On pense bien sûr aux nouvelles de l'écrivain Albert Camus, "Noces", que l'auteur cite ouvertement, la lumière, les corps, la chaleur qui exacerbe les passions. Cinéphile, l'auteur nous fait également découvrir l'envers du décor d'un tournage mais il montre à voir autre chose, d'impalpable, il nous éclaire justement sur le sens que lui donne à cet art, la littérature, le seul qui, selon lui, permet de montrer ce qui se passe "hors-champ", ce qui se cache honteusement. "Noir de soleil" n'hésite pas à être direct, parfois cru, rien n'est caché et tout y est pourtant fiction. La couleur autobiographique du livre ne révèle pas un manque d'imagination mais une foi parfois naïve de son auteur de croire très fort au pouvoir du vécu, du réel, tout en sachant, que toutes les autobiographies sont fantasmées, elles ne sont jamais qu'une projection de souvenirs, les divagations d'une mémoire ô combien sélective. Ce voyage nous emporte de la première à la dernière ligne en nous laissant un léger goût amer.
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Critique sur le livre:

« Les tirs ont cessé dans la matinée mais depuis quelques minutes, c'est reparti, on dirait qu'ils ne prennent même plus la peine de respirer, ils mitraillent comme des dingues et en continu. le plus hallucinant, c'est que je ne suis pas le seul à la terrasse de ce café. Des couples ou des bandes d'amis rigolent sans sourciller dès que les échanges en rafale reprennent ».

Noir de Soleil est un roman sous haute tension, celle d'un jeune couple, Arthur le narrateur et Ana sa compagne, qui oscille entre la joie et la colère, électrisés par leur amour, et par le tournage d'un petit film à Tripoli, une ville elle aussi sous très haute tension. Noir de soleil est un roman où l'on se déchire, où l'on se séduit, se traque, se trahit, un roman électrisé par ce film qui traque l'amour et la violence qui déchire le Liban. le narrateur de Noir de soleil est en quête de lumière, celle qu'évoquent Noces et l'eté d'Albert Camus. Ce voyage au Liban sera cette lumière et cette légèreté gracieuse – « Je viens de la grisaille, toujours cette même teinte uniforme qui plane tout autour, sans jamais laisser percer la moindre parcelle de lumière et d'espoir ».

Noir de soleil est un roman qui se glisse dans l'ombre et la lumière, dans les soubresauts, et les éclats de l'une et l'autre, dans les regards des libanais croisés dans la rue, dans les mots des acteurs du film, dans les rues qui se vident de leur agitation solaire. Tout va très vite dans ce roman, tout n'y est que sauts et soubresauts, humeurs, cris et silences, portés par une langue tendue comme la corde d'un arc.

« le reflet dans le miroir m'apparaît pour la première fois comme un ami, le seul à ne jamais m'avoir fait faux bond. Je lui souris. Je me surprends même à penser à ma propre mort, aux larmes d'Ana, de ma famille, de mes ennemis, j'ai de la tendresse pour moi-même ».

Noir de soleil, inspiré par Camus, l'est aussi par le cinématographe, le narrateur s'y projetant, comme il se projette dans le film qu'il réalise avec son amie, c'est sous leur regard : Tripoli ville ouverte et Voyage au Liban (1), et comme dans les films de Roberto Rossellini, rien n'est jamais gagné d'avance, le déchirement, l'effondrement ne sont jamais très loin. Grégory Rateau signe là son premier roman, vif, acéré, tranchant, comme le sont les libanais qu'il croise, qui traversent son film, qui infiltrent son roman. Il ne prend pas de gants, il écrit au crochet, à l'uppercut, gauche, droite, gauche, droite, jusqu'au round suivant. La langue de Grégory Rateau s'offre ainsi, rêche, dure, elle vient de la rue, elle en a l'âpreté, la virulence et la vitalité. Noir de soleil témoigne de tout cela, face au soleil, et face à la mer, dans des noces imaginaires.



Philippe Chauché, la cause littéraire
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Un livre brûlant sur la passion de deux êtres dans un Liban en guerre. On pense bien sûr au Camus lyrique de ses débuts que l'auteur cite directement dans son titre mais il fait sans doute aussi un clin d'oeil plus marqué à Gérard de Nerval et son fameux Soleil noir. le style est vraiment très affûté, à l'os, l'auteur boxe avec les mots, le rythme est soutenu, impossible de lâcher le livre. Il me rappelle un peu Carver avec une pointe de Fante par moment lorsqu'il esquisse le portrait des Libanais avec de l'humour mais surtout beaucoup d'autodérision ce qui rend son personnage touchant (l'auteur a mis beaucoup de lui-même dans ce protagoniste). Ce jeune auteur est à suivre, j'attends d'ailleurs avec impatience son nouveau roman. Je découvre en ce moment sa poésie dans les revues, il a un talent fou. Une fan.
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Nostalgie d'une époque où l'on pouvait encore voyager sans contrainte sanitaire et gros coup de coeur pour le premier roman de Grégory Rateau. Un livre que j'ai dévoré à l'occasion d'une traversée Italie-Corse-France sur la Méditerranée.
À travers cet ouvrage, on s'envole pour le Moyen-Orient et on découvre un Liban d'après la guerre civile, un pays aux multiples facettes, parfois fascinantes, d'autres fois plus complexes nous est dépeint. Mais ce voyage se révèle bien plus qu'un simple dépaysement, il devient un voyage initiatique pour Arthur et Ana qui doivent mener à bien un court métrage alors que la montre et les éléments jouent contre eux. La découverte culturelle laisse place à la difficulté de faire avancer ce projet cinématographique sans oublier les conflits sentimentaux qui mettent le couple à rude épreuve dans un contexte traditionaliste. L'union entre les personnages principaux résistera-t-elle à la pression et aux enjeux professionnels ? le film verra-t-il finalement le jour ? A quoi ressemble la vie au Liban dans les années 2010 ? Autant de questions (et bien d'autres) qui trouveront des éléments de réponses dans Noir de soleil. Alors à vos livres !
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Lorsque Arthur atterrit à Beyrouth avec sa petite amie Ana, il est loin d'imaginer ce qui l'attend. Venu pour tourner un film, le tout jeune homme va se trouver confronté à une série de difficultés auxquelles il n'était pas préparé. Cette ville à la tonalité crépusculaire, qui porte encore bien visibles les traces du conflit qui l'a déchirée, où règne la débrouille et où les relations entre les individus restent régies par des codes très précis qu'il faut posséder, va lui imposer une série d'épreuves qui vont non seulement le contraindre à repenser l'oeuvre qu'il s'apprête à réaliser, mais aussi et surtout le conduire à se remettre en question.

Loin de ses repères habituels, Arthur a le sentiment que tout lui échappe. En premier lieu Ana, qui lui reproche son manque de maturité, et plus largement sa vie, dont il a le plus grand mal à tenir les rênes, plus préoccupé qu'il est par la satisfaction immédiate de ses désirs, qu'il s'agisse de fumer une cigarette ou de faire l'amour avec la jeune femme, que d'envisager l'avenir.

C'est donc le voyage initiatique de ce jeune homme que nous sommes invités à suivre, un parcours qui se teinte des sombres lueurs d'un Beyrouth terrassé par la chaleur. Il se dégage de ce texte une atmosphère particulière, et il faut sans doute accepter de se laisser guider par les pensées d'Arthur si l'on veut l'apprécier. Des pensées fluctuantes, confinant au ressassement parfois irritant d'un être en devenir peinant à se définir et à trouver sa voie, un être qui se trouve à cet instant précis où, au sortir de l'adolescence, il faut définitivement quitter l'enfance pour faire face désormais à ses responsabilités, assumer les conséquences de ses actes et devenir adulte.

Lien : https://delphine-olympe.blog..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Camus ne saurait dire mieux. Qu’est-ce que le bonheur sinon l’accord vrai entre un homme et l’existence qu’il mène ? Ainsi le noir de l’encre célèbre la luminescence des mots. Ainsi un jeune auteur, Grégory Rateau, célèbre la toute-puissance qui exalte des pages de Noces, ensemble de quatre essais rédigés en 1936 et 1937 par Camus, alors âgé de vingt-trois ans. Le titre de son premier roman, Noir de soleil, est d’ailleurs emprunté à Noces à Tipisa, l’un des quatre essais, où « à certaines heures la campagne est noire de soleil ». Comprendre noire de monde. S’éprendre de ce noir de vies.

Un premier roman, c’est toujours un pari. Sur quoi d’ailleurs, sinon sur ce rapport à soi ; ce grand tumulte, ce rapport en soi à la vie. Du moins c’est bien cela qui doit suinter. Et page après page, à corps égaux, âmes égales, c’est ce à quoi l’auteur nous invite ; nous comble. Autobiographique à chaque phrase. Au détour de chaque émotion. Il est question d’un cinéaste et de sa compagne, originaire du Liban. Retour pour elle dans un pays en guerre que lui découvre pour la première fois. Ils souhaitent tous deux réaliser un film. Celui-ci verra d’ailleurs le jour, du moins sous la forme d’un court-métrage ayant pour nom Ziad, réalisé par Grégory Rateau et sa compagne Sarah Taher, en 2013. Filmé à Tripoli, qui plus est. Où il est difficile d’aimer. Ce que ces pages nous révèlent.

Où il est impossible d’aimer sans cette part immense de doute, cet amour fou, irrévocable pour ce pays en ruines. Noir de soleil. Ce titre explose littéralement dès les premiers paragraphes. Car la première image de ce pays, qui semble ne jamais être sorti du chaos, c’est justement le noir. Panne de courant à la sortie de l’aéroport. De là, si vous avez une certaine exigence et de l’amour et de la vie, vous ne lâcherez plus ce livre. Les balles qui sifflent. Corps en fusion telle entre les pages de Noces. Ce pays, ces interdits. Ces personnages tour à tour incroyables, inoubliables que l’on y croise. L’exaltation de cet auteur au beau milieu de ce chaos. L’amour dès lors vertigineux des mots.

Jean-François Jacq, Buzz on web

https://www.buzzonweb.com/2021/04/la-chronique-litteraire-de-jean-francois-jacq-gregory-rateau-noir-de-soleil
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C’est donc ça Beyrouth, une année de préparation pour ne rien voir. La première chose que je fais en général, c’est de m’en griller une en regardant au loin, mais là, rien à faire, on n’y voit que dalle. J’ai la tête qui tourne, les jambes en compote, le manque de nicotine sûrement et la fatigue, je me souviens à peine avoir récupéré nos deux bagages. Ana parlemente avec un taxi qui s’est garé un peu plus loin puis elle me fait signe de rappliquer dare-dare avant qu’il ne change d’avis sur les tarifs. Mes premières visions de la ville pourraient être le prolongement d’un rêve commencé dans l’avion, tout en clair-obscur, traversé par des luminaires orangés découpant des parcelles du visage poilu du conducteur qui me demande si je veux en fumer une à force de me voir loucher comme un toxico sur son paquet de clopes Camel. Je lui réponds que oui puis je me sers sans me faire prier. Les premières taffes allument une migraine qui n’en finit plus. J’ouvre la fenêtre en grand car Ana commence déjà à râler que l’odeur devient aussi agressive que dans la petite chambre de bonne de la rue Monge que l’on vient à peine de quitter. La chaleur qui rentre dans la voiture est suffocante, je ressens, en plus de la migraine, deux pressions sur mes tempes, comme si des
doigts hostiles étaient en train d’appuyer dessus pour me faire avouer quelque chose que j’ignore complètement. Je bâille instinctivement pour dépressuriser mes deux oreilles, la pression retombe aussitôt mais les sons de la cité me parviennent dans un écho brutal et percent mes deux tympans. Des klaxons, des ambulances, de la musique arabe se répondent d’échoppes en échoppes, un brouhaha indescriptible qui n’est pas dénué de charme, et me rappelle un peu le bordel enivrant des souks de Marrakech. Ma fumée se mêle à ses consœurs du voisinage, des narguilés parfumés, des cigares de mauvaise qualité. Je commence enfin à respirer normalement quand soudain une odeur de pneu me prend aux narines et ne me quitte plus à mesure que la ville de Beyrouth se dresse à l’horizon telle une montagne constellée d’étoiles."
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"Cette envie de faire ce film là-bas, je la dois en réalité à l’écrivain Albert Camus. Ses bains de mer avec les femmes décrits dans Noces et L’Été m’avaient vraiment remué, je m’y voyais déjà de ma terrasse de Château Rouge où je travaillais à l’accueil d’une école de commerce, avec la pluie sur les bâches embrumées, ma clope tremblante au bout du bec, les pieds complètement gelés, avec juste un chauffage au-dessus de ma tête qui ne faisait rien de plus que de me brûler le crâne. Je viens de la grisaille, toujours cette même teinte uniforme qui plane tout autour, sans jamais laisser percer la moindre parcelle de lumière ou d’espoir. Il faut imaginer un peu ce que cela peut faire à un banlieusard comme moi de lire des descriptions solaires telles que « la campagne était noire de soleil », alors que moi je m’en souvenais à peine de ce fameux soleil. Et quant à la mer, cela ne m’inspirait rien d’autre que l’ombre des cons bodybuildés qui paradaient, des gonzesses cramées aux U.V. qui prenaient leur postérieur en selfies ou des gamins qui venaient enterrer ma serviette dans le sable pour en faire des châteaux éphémères. Rien à voir donc avec les illuminations d’Albert."
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"Je déteste prendre l’avion, non vraiment, j’ai toujours cette impression désagréable d’être pris en otage, de ne pouvoir me lever avant que le clignotant ne passe au vert et qu’une voix au micro ne me donne enfin l’autorisation de me soulager. Et puis se lever pour aller où ? Il n’y a ni passerelle à l’avant pour prendre l’air comme sur un bateau, ni de wagon-restaurant pour boire un verre en regardant défiler les paysages par la vitre du train, encore moins d’aire d’autoroute pour en fumer une petite en veillant à ne pas jeter sa clope près de la pompe à essence, simplement le vide sous nos pieds et une maigre carcasse métallique censée nous en protéger. En plus, sur leur foutu siège tout étriqué, je n’ai jamais assez de place pour mettre mes pieds, et si on joue de malchance, comme c’est souvent mon cas, on est toujours réveillé par un gros type qui veut aller lâcher quelques pets tranquilles car l’avion lui détraque salement l’estomac. Je ne parle même pas des hôtesses, elles te vendent de la soupe avec le même sourire Colgate, figé, rétractable dès que tu as le dos tourné."
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"Nous étions dans l'attente, chacun attendait quelque chose de différent mais l'état d'hébétude inquiète dans laquelle nous étions, était similaire, excepté bien sûr pour le Syrien, sa souffrance était totalement hors de notre portée. Je me rendais souvent avec lui sur la terrasse qui surplombait les toits de la ville pour en griller une. Nous n'échangions jamais nos noms, et nos dialogues, dans un anglais approximatif, se limitaient toujours à des bribes d'actualités croisées. Il avait bien essayé de me parler de sa femme mais ne trouvant plus les mots, il avait fini par renoncer à tout désir de s'épancher. Sa détresse était palpable dans ses yeux agités qui fixaient toujours le lointain avec la même crainte mêlée d'un fol espoir qui semblait lui faire le plus de mal."
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