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EAN : 9782373557091
82 pages
Unicite (31/03/2022)
5/5   6 notes
Résumé :
"Poète de l’errance, d’un exil inscrit dans sa chair et dans ses multiples lieux de vie, Grégory Rateau nous livre dans ce recueil, plein de cris, de souffrances mais aussi de quêtes de vérité, de simplicité douloureuse, des raisons d’exister, de croire en une rédemption dans un monde traversé par les fléaux de la déraison humaine (...) la poésie de Grégory Rateau nous intime de dresser le poing, de hausser le verbe, de nous opposer au réel qui conspire à nous rendr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je lance la chanson « Hurt » de Johnny Cash « sur une vieille radio oubliée/ dans le grenier » (p. 38) et avec mon verre (imaginaire) de tourbe Laphroaig (mais le souvenir d'une bonne « țuica » peut aussi faire l'affaire) je m'installe dans une chaise longue pour musarder au soleil en poésie : « que les mots coulent comme une étreinte/que la vie s'y consume » ; je me délecte des vers de ce « nouveau croyant/ à genoux devant la fulgurance du verbe » (p. 12). Je débarque dans une Bucarest contemporaine où « l'herbe gangrène le béton » (p. 32). Je retrouve mon cher Panaït Istrati « dans une taverne du vieux port de Brăila » avec « [ses] grands yeux qui moussaient/ non de vengeance/ mais de fraternité » (p. 25) ou Fernando Pessoa (p. 59). Dans ma sieste je suis éblouie par ce « kaléidoscope rétinien/ d'ombres roumaines striées de veines » et je m'imagine accéder « à cette torpeur molletonnée de l'entre-soi » (p. 24).
L'incandescence de cette poésie d'un exil extérieur et intérieur est revigorante et en compagnie du poète je « [m]'enivre de paysages » (p. 22) d'ici, de là. Il suit de braves prédécesseurs : Benjamin Fondane, Philippe Jaccottet, Yves Bonnefoy.

C'est fort en émotions comme lorsque dans « La pierre tombale », il « retrouve ces murets en feu/ myriades de petites taches d'ombres et de lumière/ [qui] y jouent à la marelle des lézards bariolés » (p. 35). L'enfance ressurgit « lorgnant du coin de l'oeil/ la mappemonde pour école buissonnière » (p. 40), mais elle s'arrête aussitôt (p. 37). Elle « surgit ( de nouveau, plus loin) dans un contre-jour/ avant de s'émietter sur le mur » (p. 54) et laisse la place à cette « adolescence […] pluvieuse » (p. 53). Grâce à sa maturité acquise, entre autres, au « cinématographe » (p. 66), le poète peut « se dresser face au réel » pour déjouer sa conspiration (p. 66).

Une grande musicalité dans cette poésie si païennement divine.
Une très belle réalisation des éditions unicité, avec une préface très inspirée de Catherine Dutigny.
Un vrai coup de coeur !
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"Un kaléidoscope. de multiples éclats du monde réel, en constant mouvement, leur retentissement sensible dans une conscience et un corps, la saisie des impromptus des jours dont le poème garde trace pour longtemps, tout cela intervient dans la relation que le lecteur peut entretenir avec ces poèmes qui (r)avivent son propre regard sur le monde."

Jean-Baptiste Para, rédacteur de la Revue Europe

J'ai eu la chance de recevoir le recueil en avance. Cette critique d'un rédacteur de la revue Europe n'est pas usurpée bien au contraire. Les poèmes de Grégory Rateau sont si expressifs, ils rappellent le meilleur de Rimbaud, des visions exaltées, des terres incultes, des déserts de feu, des incantations, un cri, un verbe moderne mais d'une grande exigence. le choix du titre est parfait, le poète dresse le poing contre ce réel qui ne jure que par les actualités d'un soir, lui veut tendre vers l'intemporalité et il y parvient. En seulement quelques mois ses poèmes ont circulé dans toutes les revues les plus importantes en Europe et sur des sites pointus, les retours sont dithyrambiques. On est très loin des vieux rimailleurs du dimanche et des poèmes bâclés d'une jeunesse qui confond l'oralité et le verbe charpenté dans un minimum de vécu et de souffrance pour faire naître des images immortelles. Un nouveau voyant est né. Je vous le promets!
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Conspiration du réel
Grégory Rateau
Poésie
Préface de Catherine Dutigny
Éditions unicité 2022

Selon Baudelaire, «La poésie n'a pas d'autre but qu'elle-même.» On pourrait penser qu'elle n'a aucune fonction particulière, mais c'est loin d'être le cas car chacun peut lui attribuer les fonctions qu'il désire, dans le style qu'il privilégie. « Conspiration du réel » est un magnifique recueil qui peut porter fièrement l'étendard de la Poésie avec un P majuscule.
Le langage poétique de Grégory Rateau tient à la puissance des images, dont certaines, brutales, secouent à juste titre une certaine inertie de l'esprit. J'ai cité Baudelaire, car je retrouve dans les poèmes de Grégory Rateau une volonté de mêler le beau et la souffrance, le bien et le mal. Loin de moi la volonté d'une comparaison: Grégory Rateau rend hommage, non seulement à Baudelaire, mais aussi à tous ceux qui l'ont accompagné dans ses nombreuses pérégrinations. Ses voyages, ses rencontres, ses expériences, ont été sa quête de vérité, d'espoir en la nature humaine; une quête qui lui a permis de trouver sa place dans une vie souvent malmenée. Ses poèmes sont tels les « photos de l'album» qu'il partage avec le lecteur et c'est un plaisir de les parcourir: des « Îles d'Aran, à la « Ballade irlandaise » ou à « Beyrouth By Night », de « Bucarest » à « Château Rouge » ou à Katmandou… C'est encore du plaisir de voir des êtres à travers les yeux du poète: « En travaillant la terre » ou « Les Voisins »…
Le lecteur voyage, observe et ressent aussi, à travers le coeur, sans filtres superficiels, du poète. On en ressort grandi.

Catherine Dutigny a écrit une belle préface, qui se termine ainsi :

« Au-delà des murs lépreux, des terres incultes, des horizons blafards, des humiliations, des envieux, des faux amis, la poésie de Grégory Rateau nous intime de dresser le poing, de hausser le verbe, de nous opposer au réel qui conspire à nous rendre faibles, dépendants du regard des autres. Oeuvrer toujours plus loin, toujours plus fort pour donner du sens. »

Quatrième de couverture

« Un kaléidoscope. de multiples éclats du monde réel, en constant mouvement, leur retentissement sensible dans une conscience et un corps, la saisie des impromptus des jours dont le poème garde trace pour longtemps, tout cela intervient dans la relation que le lecteur peut entretenir avec ces poèmes qui (r)avivent son propre regard sur le monde. »
Jean-Baptiste Para, rédacteur de la Revue Europe

« Une énergie taille les mots et court tout au long de ces textes. Comme si on se trouvait au bord d'une rupture, d'une faille, mais sans jamais tomber. »
Sébastien Minaux ( Alexis Bardini) poète.

Où est-il celui qui parlait le langage des astres?

Celui capable de réformer le monde
ou de l'embrasser d'un souffle acide
de l'enrouler d'un bon mot
jusqu'à l'implosion des sens
de faire de tout ce qui était
cendres incandescentes
(…)
Extrait du poème « Pour qui parle le poète ? »


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Ce recueil a été une vraie claque. J'ai découvert la poésie de Grégory Rateau dans les revues (il est vraiment partout et à raison), de suite, j'ai été capté par un souffle, une rage bien légitime, une force expressive qui lui est propre. Loin du "poétique" pour faire véritablement de la poésie. On sent l'ombre de Rimbaud, Baudelaire, Artaud, et d'autres maudits. Grégory parle pour ceux qui souffrent sans filtre, il cherche désespérément cette main tendue, fraternelle, dont parlait le jeune Rimbaud dans ses lettres aux Parnassiens. Je partage depuis peu ici mais j'ai beaucoup lu de poésie, celle-ci est la seule poésie dite contemporaine que je soutiens pleinement. Il faut vous précipiter sans hésiter. La poésie n'est pas morte, la preuve en est !
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Un livre magnifique, un auteur qui vit sa poésie, un résistant des mots. Suivez-le au travers de ces poèmes vous découvrirez un homme amoureux de la langue française, un poète du monde.
La poésie n'est pas morte ! Grégory Rateau en est l'exemple le plus vivant. Laissez-vous embarquer dans son monde où vous trouverez certainement votre place.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Avant-propos

Plus de courant
plus de divertissement
des natures mortes ici et là
ça grouille dans tous les coins
l’angoisse sur une corde à linge
l’ennui
le rien
Je saisis mon briquet
la flamme s’étire lentement
se prosterne devant mon ombre orgueilleuse
la pièce est prise de délires
on ne peut plus l’arrêter
La Camera obscura
se déploie par-delà ma rétine

Je dois absolument calligraphier dans l'urgence
en simple exécutant
je suis le passeur
des non-civilisations à venir

Une vieille plume traîne dans un tiroir
un peu de salive
de l’encre injectée
et la voici qui exulte
qui pénètre la page
s’incurve dans sa blancheur
Image du monde inversée
frustrations
souvenir d’une existence
entièrement déréglée
par la lumière bleutée des algorithmes
Dépendance volatile
altération de tout
du Je
Un vaste réseau fantôme aux ramifications profondes
relié aux quatre coins du monde
à rejouer sans cesse les mêmes notes privées de musique
jusqu’à cette libération honteuse
Retour à cet anonymat définitif

Quand soudain
d’autres sons grignotent la piste
des gémissements de l’aube
un beat orchestré
dont mes oreilles serviles
ne pouvaient plus s’émouvoir
avant ce Black-out passager
terreurs nocturnes providentielles

Je prête l’oreille à l’inconnu
J’entends l’appel
Les mains jointes vers le portrait du jeune poète
et dans un dernier mantra de jazz
je tourne sur moi-même comme un derviche
pour que l’on scelle enfin la connexion mystique

J’aimerais tellement en être
que les mots coulent comme une étreinte
que la vie s’y consume
Un nouveau croyant
à genoux devant la fulgurance du verbe
que je souhaite égale à la grâce des feux-follets
ces âmes persécutées
hurlant dans les caves
pour qu’on les libère
À mon tour de prier
retour à la bougie
Que sa lueur ne faiblisse
avant que mon pouvoir
ne s’obscurcisse
que ma médiocrité
ne soit révélée
qu’à la lumière du jour enfin ressuscitée

(pp. 11-13)
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LA CONSPIRATION DU RÉEL

J’aimerais m’embarquer
dans la douceur de ce large
sans nom, sans destination

Rouleur d’éternité
nulle escale
voyager en solitaire
en prendre plein les embruns

Un ressac de présent concentré
bout au vent
fumer l’horizon jusqu’à ce point fixe
cette lueur qui pique les yeux
où convergent mes dernières forces vives

Saisir cette brèche
résister un bon coup
contre ce sel qui s’accroche à mes basques
me ronge au talon d’Achille

Abattre les voiles
me dresser face au réel
déjouer cette conspiration
les proches, les envieux, les faux-amis

Fureur contre ce siècle qui monnaye le temps
contre la houle qui fige mon sang
ma jeunesse pétrifiée
coule à pic

Dans un dernier sursaut de bon sens
je me glisse par le hublot grand ouvert
le repos du marin enfin
cette peur panique du noir, primale
sauvé par le spectacle d’un poisson-lanterne

Je sais maintenant où jeter l’ancre
sans peur
dans les bas-fonds
où les courants murmurent une dernière fois
avant de définitivement se taire
c’est d’ici
que je regarderai les bateaux passer
sans jamais plus s’arrêter

(pp. 66-67)
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POUR QUI PARLE LE POÈTE ?

Où est-il celui qui parlait le langage des astres ?

Celui capable de réformer le monde
ou de l’embraser d’un souffle acide
de l’enrouler d’un bon mot
jusqu’à l’implosion des sens
de faire de tout ce qui était
cendres incandescentes

Où es-tu ?

Toi le dernier Nadir
fais-nous entendre ta voix
tu ne peux plus t’adresser qu’à une poignée
tu dois parler à tous
Descends de ton Zénith
de ta copieuse bibliothèque
Reviens-nous d’Abyssinie
de l’or autour de la taille
Distribue tes trésors au peuple
accompagne-les dans leur retraite

Mais il est peut-être déjà trop tard

Car voici venu le temps des nombrilistes
des briseurs de rêves
Dans ta silencieuse fureur
tu nous as tourné le dos à tous
sans distinction aucune
Ton verbe est à présent inaudible
Ta race est devenue la triste risée des puissants
Invente donc un nouveau langage
Libère-nous des mères abusives
Des costumes étriqués
Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été
Fais de chaque vision
notre éternité
Reviens-nous
Toi l’enfant
Le voyant
Le dernier mendiant

(pp. 62-63)
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BUCAREST

Sur tes trottoirs enduits de poudre
des séraphins ivres se laissent aller
jeûnent à coup de temps mort
de petits compromis fumeux dans l'amnésie du soir

Ici, on s'arrange comme on peut avec les trocs
à l'ombre des blocs
les journées se grignotent
se recrachent aussitôt

Sur tes boulevards, les volants
à coup d'aigreurs bureaucratiques
basculent. Klaxon contre klaxon
les mouettes mitraillent le sol

Tout s'étiole lentement
les ancêtres en file indienne
se prosternent devant le pope
un cierge allumé au nom des exilés

Les gloires statufiées veillent au grain
sur tes planches éventrées
boyaux et viscères du faste d'antan
la vie s'accroche à des relents de beauté

Des cratères sur le pavé
les gamins improvisent
à saute-mouton pieds nus
et hop, dans ton énorme gueule

Dans l'impasse, l'herbe gangrène le béton
un vaste portail mauresque
des résidus de lumière pendus aux fenêtres
les Mille et une Nuits dans un trompe-l'œil

Tout ici appelle aux souvenirs
on glisse sur toi en reconnaissant seulement des bribes
en fulminant sur un ailleurs
dans l'impossibilité, pourtant, de te fuir

(pp. 32-33)
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LA PIERRE TOMBALE

Je retrouve ces murets en feu
myriades de petites taches d’ombre et de lumière
y jouent à la marelle des lézards bariolés
le clocher grandiloquent
est toujours à sa place
entre le ciel et des auréoles de pins

Perché au sommet du village
contrefort surmonté d’une grande croix
de grottes où les plus hardis copulent
où les enfants jouent aux adultes
le cimetière en escalier
amène un brin de gravité
surtout le grincement de son terrible portail

Car ici rien ne perdure
tout est mouvement
d’une fécondité pérenne
balayé par de courtes saisons
le soleil rancunier
ne laisse que peu de place à l’entracte hivernal

La jeunesse de tous les pays afflue
shorts et casquettes dans un patchwork décalé
les gamins courent entre les pierres tombales
indifférents aux inscriptions carbonisées
aux supplications des veuves éplorées

Les vieilles les dévisagent d’un sale air
avant de sourire aux soutanes
et l’arbre comme un long mât
prêt à se jeter dans le Lot

Un patronyme retient mon attention
des générations au coude-à-coude
le souvenir de la voix étranglée de mon père
athée convaincu
et sa prière en murmure

La photo jaunie d’un homme lui ressemblant
je suis toujours incapable de nommer toutes les fleurs
pot-pourri sans odeur
son visage ne me dit rien non plus
seul le goût de l’Aneth me revient
une intuition soudaine
l’éternité pour me familiariser avec sa moustache

(pp. 35-36)
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