Jusqu’à maintenant, le mot cancer a été appliqué uniquement au domaine médical et il fait très peur du fait qu’il est associé à des menaces de dégénérescence physique et de mort. Nous pouvons désormais appliquer le mot à la psychologie, car il y a de nombreuses analogies entre la dégradation du corps physique et celle de la structure psychique. Le cancer qui s’attaque à la pensée présente une menace parce qu’il provoque une dégénérescence du plaisir de vivre et peut conduire au désespoir qui, lui, s’apparente à une forme de mort morale.
Lorsque le cœur émotif n’est plus alimenté adéquatement en joie, il devient à risque de développer l’anxiété généralisée, les troubles paniques, des phobies diverses, la dépression, l’épuisement professionnel ou le stress post-traumatique. Ces troubles majeurs de la structure psychologique s’apparentent facilement à l’insuffisance cardiaque et à l’infarctus du myocarde que peut subir le corps humain.
De la même manière, si on démontre à un enfant que la quiétude est synonyme de sécurité ou que la turbulence est dangereuse, il deviendra convaincu que la vie doit égaler le calme. L’instinct de survie qui le guide le poussera à rechercher la pondération pour s’assurer de demeurer en vie. Il peut se sentir en danger lorsqu’il se trouve en situation d’agitation et devenir possiblement incapable de relever les défis de la vie qui exigent parfois d’être très actif. Il fera tout en sorte pour saboter différentes situations d’action perçues par lui comme trop périlleuses.
Tout enfant qui naît est incapable d’assurer ses besoins et est complètement dépendant des personnes qui l’entourent. Pour lui, la solitude constitue réellement un risque de mort, mais, durant ses premières années de vie, il développe lentement une certaine autonomie à travers le développement de ses capacités de marcher, de parler et de communiquer. Vers l’âge de six ans, l’apparition de la logique lui démontre que, même s’il se retrouve seul, il peut faire appel à de l’aide extérieure. Lorsque la logique intervient efficacement, la fausse croyance se résorbe d’elle-même et l’autonomie se développe normalement.
Cependant, même lorsque la logique est installée, de nombreux enfants ne parviennent pas à se convaincre que la solitude ne représente pas un danger et demeurent dépendants de la présence des autres. Parce qu’ils n’ont pas développé de réelle autonomie et qu’ils ont la fausse impression de n’être rien sans la présence des personnes significatives, ils vivent dans la peur continuelle de les voir disparaître et de se retrouver seuls, ce qui constituerait pour eux une forme de mort, de non-être.
Les déchets que représentent les peurs, les peines, la rancune, la culpabilité, la honte et les doutes refoulés étaient désormais identifiés comme constituant la matière purulente des abcès psychologiques que sont, entre autres, le ressentiment, l’apitoiement sur soi, l’incapacité à finaliser un deuil ou une rupture affective, les explosions de colère envers soi ou envers autrui ainsi que l’autodestruction.
À l’image du sang qui alimente le cœur physique, la joie est un besoin essentiel de la structure psychique que j’ai surnommée le cœur psychologique. C’est elle qui procure le bonheur de vivre et qui contrebalance les peines et les peurs. Tout comme c’est le cas pour le sang, la circulation de la joie peut elle aussi subir des blocages pouvant mener aux infarctus psychologiques que sont la dépression et le stress post-traumatique ou à l’insuffisance d’alimentation positive qui fait perdre le contact avec le bonheur, la confiance, les certitudes, l’estime de soi, l’intérêt pour la vie et l’espoir.