Voila un livre très bien écrit, doté d'une intrigue remarquable, de personnages d'une rare épaisseur.
Mais que c'est long, que c'est long et interminable.
Commenter  J’apprécie         00
Il y avait donc au monde d’autres choses, d’autres êtres, d’autres préoccupations que Pam et les enfants, la banque, le shopping du samedi, la télévision et les vacances à l’île de Wight. À moins que tous ces auteurs ne fussent des menteurs, il existait une vie intérieure, une expérience extérieure, un nombre infini de choses à voir et à faire. Et la passion existait aussi.
Il voulait tomber amoureux, il voulait vivre, voir des choses, explorer et découvrir. Comprendre. Mais tout cela était impossible pour un homme marié, qui avait deux enfants, un beau-père et un poste à l’Anglian-Victoria Bank. D’ailleurs, de qui pourrait-il tomber amoureux ? Il se voyait se rendant chez ses amis les Heysham, un samedi matin où il trouverait Wendy toute seule. Et ils tomberaient amoureux l’un de l’autre. Comme Lancelot et Guenièvre. Comme Tristant et Yseult. Il avait également songé à Joyce pour tenir le rôle de l’amoureuse
Toute son euphorie de la nuit s’était évanouie. Il n’avait aucune idée de la façon dont il fallait s’y prendre pour faire la cour à une femme. Il allait être aussi difficile de parler d’amour à Una qu’il l’aurait été d’en parler à Rose, et cette idée le terrifiait. L’inviter à déjeuner était impossible ; lui faire des avances était impensable. Il était marié, et elle le savait. Pam, plus encore que les romans, l’avait convaincu que si on déclarait son amour à une femme qui n’était pas dans les mêmes dispositions, on recevait immanquablement une gifle. Surtout si on était marié et elle aussi. Il semblait qu’en certaines circonstances, ce fût une insulte que de dire à une femme qu’on l’aimait.
Cet argent éveillait en lui une sorte d’excitation, une fièvre semblable à celle que ressentent la plupart des hommes à propos des choses du sexe. Il le regardait, le tripotait, doucement d’abord, puis d’une main plus rude, comme s’il avait été sa propriété, comme s’il en avait possédé beaucoup d’autre.
C’était une assez jolie femme de trente-sept ans, mais qui avait le défaut de trop se farder, ce qui la vieillissait de plusieurs années. Toutes les deux heures, elle disparaissait pour aller s’appliquer une nouvelle couche de rouge à lèvres ; lorsqu’elle était jeune fille, la mode était aux lèvres d’un rose brillant. Sur une étagère de la cuisine, elle avait constamment un tube de rouge et un pot de fard à paupières.
Voyez-vous, Una a trente-deux ans. Elle n’est pas vilaine, certes ; mais on ne peut pas dire, non plus, qu’elle soit particulièrement affolante. De plus, la plupart des hommes qui pourraient lui convenir ont tous soit une femme soit une maîtresse. D’autre part, elle ne sort guère et ne voit pratiquement personne.
Pedro Almodovar - "En chair et en os"