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Paul Dupont (01/01/1896)
4.5/5   2 notes
Résumé :
En exil à Bruxelles, brièvement député à Paris puis emprisonné, libéré au 4 septembre 1870, membre du gouvernement de défense nationale, puis député, journaliste et participant à la Commune et encore emprisonné !...

Plan du tome II :

DEUXIÈME PARTIE
(Suite.)
-
CHAPITRE III
Une condamnation. - Chez Victor Hugo. Kermesse flamande. - Victor Hugo à Jersey et à Guernesey. Les portraits de Victor Hugo. Le fauteui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Exilé en Belgique auprès de la famille de Victor Hugo, Rochefort dévoile l'intimité de la vie de foyer des Hugo, lui-même étant apprécié comme un membre de la famille.
Parmi une cinquantaine de détails, les jugements littéraires de Victor Hugo, retranscrits par Rochefort m'ont particulièrement intéressé : il admire La Fontaine non pas tellement pour la morale des fables mais pour la qualité des vers, et se montre presque jaloux d'un de ses contemporains aujourd'hui oubliés : Auguste barbier, pour son oeuvre qui était célèbre à l'époque : Iambes et Poèmes.
Rochefort lui recommanda ardemment « Le rouge et le Noir » De Stendhal ; Victor Hugo fut profondément atterré par ce choix, déçu même que Rochefort lui ait suggéré une oeuvre si mal élaborée :

« J'ai tenté de lire ça, me dit-il ; comment avez-vous pu aller plus loin que la quatrième page ? Vous savez donc le patois ? »
« Moi, s'obstinait Victor Hugo, je ne me passionne pas pour des fautes de français. Chaque fois que je tâche de déchiffrer une phrase de votre ouvrage de prédilection, c'est comme si on m'arrachait une dent.
Et il me développa cette théorie :
-Voyez-vous , les seules oeuvres qui aient chance de traverser les âges sont les oeuvres vraiment écrites. Croyez-vous que si Candide, De Voltaire, était du même style que le Rouge et le Noir, nous le lirions encore ? Montesquieu reste parce qu'il écrit. M. Stendhal ne peut pas rester parce qu'il ne s'est jamais douté un instant de ce que c'était qu'écrire.

Et il ajouta cette sentence sévère, que je livre à l'examen public :

Personne n'a plus que moi d'admiration pour le génie presque divinatoire De Balzac. C'est un cerveau de premier ordre. Mais ce n'est qu'un cerveau, ce n'est pas une plume. le style est l'art d'exprimer avec des mots toutes les sensations. Relisez Balzac : vous vous apercevrez bien vite qu'il ignore sa langue et que presque jamais il ne dit les excellentes choses qu'il voudrait dire. Aussi l'heure de l'oubli sonnera-t-elle pour lui plus tôt qu'on ne pense. »

Et très honnêtement, je doute que Rochefort ait déformé ses propos car lui-même a tenté avec énergie de défendre Stendhal, en vain.

La famille Hugo fonde, avec un cercle d'amis et écrivains, le journal « Le Rappel » avant les élections législatives de 1869 et incite fortement à voter pour des candidats de partis radicaux car on juge que l'opposition, même dans le parti républicains, est une opposition molle et contrôlée dans ses initiatives.
Rochefort, évidemment soutenu par le journal, se présente à deux élections. Il en perd une contre Jules Favre, principal représentant des républicains, et en gagne une autre dans une circonscription laissée vacante.
L'observation frappante est que, lorsque l'on ajoutait ensemble les votes républicains et ceux en faveur de Rochefort, la présence bonapartiste se réduisait à 10% à peine du total. Contraste saisissant avec la province, où le parti bonapartiste continuait de régner en maître incontesté. Une fois de plus, c'était à Paris et dans quelques grandes villes que le vent de révolution et de contestation souffle avec le plus de force.

Elu député, à peine a-t-il mis un pied hors du train dès son retour en France que les autorités cherchent à l'arrêter. Mais l'indignation soulevée par cette arrestation prématurée était telle que le gouvernement se voyait contraint de revenir sur ses pas et d'ordonner une libération immédiate.

Il a reçu tout le long de vrais coups de poignard par la presse, même celle républicaine qui selon lui, recevait des menaces pour le discréditer, le diffamer.
Et il est vrai qu'il paraissait suspect que Villemessant, le directeur du Figaro à l'époque, autrefois proche de Rochefort au point d'avoir co-fondé son journal polémique « La Lanterne » et qui semblait toujours le soutenir discrètement à la veille de son exil forcé en Belgique, se soit retourné subitement contre lui.

Ou encore Emile de Girardin, directeur d'un journal républicain « Le Siècle » qui donnait des conseils à Rochefort sur son journal, qui le soutenait, et qui, en un éclair, le qualifie de candidat de l'outrance et tout un arsenal d'injures sans nuance ou des railleries de mauvais goût révélant une mauvaise foi assez évidente.
Tout cela fait dire à Rochefort que l'opposition républicaine était très relative, la presse restant très largement soumise quoiqu'en dise le pseudo libéralisme de la décennie 1860 ; une situation résumée par des expressions telles que le « Libéralisme à l'eau de guimauve » ou « opposition douceâtre et endormeuse ».

Le temps manquait à Rochefort en tant que député, car il fut vite emprisonné. Quoi qu'il dise, il était toujours dédaigné ou ignoré.
Il déposa un jour un projet de loi pour instaurer un service militaire obligatoire, la menace prussienne se faisant de plus en plus oppressante chaque année, on lui rétorquait que la mesure est « puérile et ridicule » sans plus d'explications.

Rochefort prit la parole également pour s'insurger contre l'expulsion d'un député républicain espagnol, sur le point d'être livré aux carlistes où il serait incarcéré.
Et bien que la belle assemblée regorgeât de près d'une trentaine de républicains, il n'eut aucun soutien sauf de Raspail, qui n'était pas intégré dans le parti.
Les autres républicains feignaient d'ignorer l'enjeu en cause, même le fameux Léon Gambetta ne prendra pas la parole à ce sujet, ordre du parti.

D'ailleurs, où étaient ces mêmes Gambetta ou Jules Favre, figures héroïques de la IIIème république, lors du drame de l'assassinat de Victor Noir, suivi de l'emprisonnement arbitraire des rédacteurs du journal « La Marseillaise » dont faisait partie Rochefort, et suivi d'un acquittement spécial par une haute cour corrompue jugeant Pierre-Napoléon Bonaparte ?
Un « silence de mort » était la seule réponse à ces tragédies.
En dépit de quelques recherches, je ne vois pas l'ombre d'une réaction, pas même un soupir de mécontentement ou d'indignation de Gambetta ou Jules Favre à ce sujet.
Seul Raspail, encore une fois, s'insurge contre ces infamies, ce qu'on constate dans les débats parlementaires retranscrits dans le journal des débats politiques et littéraires du 12 janvier 1870.

Gambetta, pourtant, en sa qualité d'avocat, avait autrefois montré une certaine sensibilité pour la défense des libertés publiques, en prenant la défense des journalistes accusés dans l'affaire Baudin en 1868. Mais une fois devenu député et englué dans les filets du parti républicain, il a préféré se tapir dans l'ombre et se soumettre aux ordres du parti, choisissant ses combats avec un opportunisme assez déconcertant.

Rochefort, lui, fut jeté en prison pour avoir osé exprimer son indignation suite à l'assassinat de son collaborateur Victor Noir.
Le prétexte ? Un appel à l'insurrection dissimulé dans une petite phrase à la fin de son article : « Peuple français, est-ce que décidément tu ne trouves pas qu'en voilà assez ? » (…) Et puis, de toute façon, n'eut-t-il rien dit qu'il eût été condamné tout de même car il fallait abattre le journal tout entier, chose faite d'ailleurs, tous les rédacteurs de son journal furent condamnés ou persécutés suite à l'assassinat de Victor Noir.
Condamné à 6 mois de prison, sa peine fut prolongée de façon tout aussi arbitraire car on redoutait de le relâcher. Là aussi, où étaient alors les députés républicains ?

Depuis sa cellule, Rochefort continuait de publier des articles en signant par de faux noms.
Lors des visites autorisées, il glissait ses articles dans les mains de son fils qui n'avait même pas 10 ans.
Sa cellule de prison ressemblait étrangement à une salle de festivité, décorée de fleurs aux mille couleurs, de vins fins, de chocolats délicats et de friandises, ainsi que d'autres cadeaux variés, tous apportés par des lecteurs fidèles, témoins de leur soutien inébranlable.

Libéré par l'effervescence populaire à la suite de la proclamation de la république le 4 septembre 1870, Il est accueilli en héros par une foule en délire.
Il est placé dans une voiture à l'instar d'un roi du carnaval, suivi par un cortège spontané qui se dirige joyeusement vers l'Hôtel de ville.
Ici siégeaient les membres du gouvernement de défense nationale, composé des chefs de file de l'opposition républicaine modérée : Gambetta, Jules Favre, Ferry, Jules Simon… Ces derniers, acculés par la pression populaire, acceptent à contrecoeur Rochefort dans leur rangs sans toutefois lui attribuer de portefeuille ministériel. Jules Favre aurait dit à cette occasion : « mieux vaut encore l'avoir dedans que dehors. »

Rochefort, dans ses mémoires, n'exagère pas. Plusieurs journaux de l'époque attestent de cet enthousiasme populaire pour sa personne, l'un d'eux allant même jusqu'à prétendre que c'était le seul événement digne de mention lors de cette journée historique :

« L'arrivée de M. Henri Rochefort à l'hôtel de Ville est peut-être le seul épisode pittoresque que j'aie rencontré sur ma route, dans une longue journée où j'étais partout.
Ce qu'il y a de merveilleux dans cette révolution, c'est que ceux qui l'ont vue n'ont rien à raconter. Pas d'épisodes, pas de batailles, et - si ce n'est qu'on renversait partout les emblèmes de l'Empire - on se fût cru au retour des courses. »
(Journal La Presse - 6 septembre 1870)

La formule cynique de Jules Favre trouve aussi écho dans un autre ouvrage, mais est attribuée à M. Ernest Picard : « Rochefort était député, mais Rochefort était à Sainte-Pélagie (prison), mais Rochefort paraissait à tous ces avocats un personnage un peu fantaisiste. Il n'y avait pas moyen pourtant de se passer de sa popularité, et l'opinion générale fut formulée par M. Picard, je crois : « Il vaut mieux l'avoir dedans que dehors.» On le mit dedans. Une foule l'avait arraché à la prison et l'amenait en triomphe. » (journal d'un officier d'ordonnance - juillet 1870 - février 1871 - Comte d'Hérisson)

En tant que membre du gouvernement de la défense nationale, Rochefort surprend par sa modération, Jules Simon le juge « assez taciturne, mais modéré et sensé dans ses déclarations et dans ses votes. » (Extrait de « Souvenir du 4 septembre » de Jules Simon).

Pourtant, bien qu'il eut la lucidité de discerner de grossières erreurs, sa seule réaction a été de démissionner par absentéisme dès le mois de novembre 1870.

il plaidait auprès du général Trochu pour que celui-ci accepte l'aide de Garibaldi face aux prussiens mais il céda promptement face à son refus non expliqué.

De la même manière, Il a insisté pour que se tiennent des élections municipales promises pour le 2 octobre 1870 et ajournées de peur que les résultats ne bouleversent la composition du gouvernement provisoire :

« Je m'exténuais en observations auxquelles, je dois le dire, s'associa Jules Ferry »
Ils passent leur vie à combattre l'absolutisme et ils ne pensent qu'à l'exercer dès que l'occasion s'en présente. »

Cet ajournement, cumulé avec la désastreuse nouvelle de la réédition de Metz, provoqua le soulèvement du 31 octobre 1870, préfigurant la Commune avant l'heure.

Un mensonge honteux poussa Rochefort à démissionner : lui, qui siégeait en tant que membre du gouvernement, s'est vu exclu d'une information cruciale : une réunion de négociation planifiée entre Bismarck et Jules Favre.

C'était véritablement l'anarchie : le général Trochu et Jules Favre optent pour une résistance héroïque tout en n'y croyant pas un instant, chacun accusant l'autre d'erreurs successives. Quant à Gambetta, il s'envole pour Tours en montgolfière, créant un gouvernement parallèle : il édicte ses propres décrets, contracte un emprunt au nom de la France, accepte l'aide refusée par Garibaldi, mène diverses opérations militaires... Tout cela sans l'approbation, voire sans informer le gouvernement parisien...
Ernest Picard, Jules Favre et le général Trochu voulaient même abolir tous les journaux : « Sous prétexte de fausses nouvelles, Ernest Picard demandait la suppression pure et simple de tous les journaux, ce qui fut bien sûr refusé, car cela n'aurait fait qu'exacerber l'inquiétude générale. »

L'armistice fut un processus long et douloureux, Rochefort reprochait à Jules Favre sa formule : « Pas un pouce de notre territoire. Pas une pierre de nos forteresses » mais de son côté, sa position était plutôt floue.

Malgré les bombardements constants de Paris à la fin décembre et début janvier 1871, la détermination populaire à résister ne faiblissait pas. L'affiche rouge, placardée dans les rues dans la nuit du 5 au 6 janvier, témoigne de cette illusion : « Nous sommes 500 000 combattants et 200 000 Prussiens nous étranglent ! »

Rochefort fut réélu lors des élections législatives de février 1871, après l'armistice. Il fonda aussi un nouveau journal, « le Mot d'Ordre », qui fit surtout polémique pour un article soulignant l'hypocrisie des autorités en place, qui, bien logées confortablement à Versailles, envoyaient des obus sur Paris.
Rochefort évoqua ensuite l'idée de démolir l'hôtel de Thiers à Paris comme une forme de rétribution possible, mais la présentait plutôt comme une hypothèse ironique que comme une menace sérieuse. Il conclut en déconseillant de le faire, car l'hôtel démoli serait aussitôt remplacé par un autre plus luxueux, le tout aux frais du contribuable.
Pour cet article, il fut traduit devant le tribunal militaire pour « commandement de bandes armées en vue du pillage et de la destruction des propriétés privés » et condamné à la déportation… On s'est enfin débarrassé de Rochefort, pense-t-on !

(Suite au tome III)
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