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EAN : 9782707320193
473 pages
Editions de Minuit (14/02/2008)
4.13/5   15 notes
Résumé :

Ce livre est la réunion et la mise au point des textes que j'ai, depuis une trentaine d'années, consacrés à la question du réel et de ses doubles fantomatiques. Il développe ainsi un sujet unique, qu'on peut définir comme l'exposé d'une conception particulière de l'ontologie, du " savoir de ce qui est " comme l'indique l'étymologie du mot. Ma quête de ce que j'appelle le réel est très voisin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Les philosophes qui ne professent pas les idées que j'aime à entretenir m'exaspèrent. Encouragée par Clément Rosset à m'acheminer plus sévèrement dans l'honnêteté, je le reconnais : je n'aime pas un philosophe en raison de la justesse de ses prétendues démonstrations mais uniquement en vertu de l'adresse dont il aura fait preuve à soutenir, par sa folie, un peu de ma propre folie.


Clément Rosset s'en prend essentiellement à une certaine philosophie métaphysico-transcendantale qui, pour se justifier d'exister, en appelle à des concepts abstraits témoignant de l'insatisfaction des philosophes (et des hommes en général) à l'égard de la réalité. Les philosophes des siècles précédents témoignaient encore parfois de quelque difficulté dans la tâche de désolidariser l'invention de ces notions de leur ressentiment envers la vie tandis que, malheureusement, les philosophes de notre temps, s'appuyant sur la pseudo-objectivité scientifique, se rendent plus aveugles sur les motivations qui les enjoignent à défendre tel paradigme plutôt que tel autre. Poussant parfois l'audace jusqu'à considérer que leurs idées sont autonomes, ils ne prennent même plus la peine de leur donner une densité suffisante pour les rendre habiles à contrer l'objection. L'argument de la belle âme suffit : si une idée procure à l'homme des sensations agréables, alors elle doit être vraie. Une certaine lignée de la philosophie se résumerait donc à la valorisation de ses préférences personnelles.


Une autre philosophie est cependant possible. Il s'agit de la philosophie que nous appelons matérialiste, avec toutes les connotations dénigrantes qui peuvent être associées à ce terme à notre époque qui, pourtant, de son matérialisme des intérêts, ne veut rien voir. Parménide est le chantre historique de cette philosophie matérialiste. Clément Rosset considère pour sa part le matérialisme historique comme la possibilité d'atteindre une sorte de repos intellectuel par le contentement suscité par l'état de quiétude. Ainsi que Freud indiquait, par la pulsion de mort, que la vie n'est qu'une longue et pénible trajectoire jusqu'au retour à l'inanimé – que le principe de plaisir ne vise rien d'autre que l'anéantissement des tensions provoquées par l'oscillation entre manque et assouvissement – le matérialisme philosophique rappelle à l'homme qu'il ne croit désirer autre chose que le néant qui l'entoure la presque totalité de son temps qu'en vertu d'un idéalisme colporté par les mots bien davantage que par la réalité des expériences. La seule sagesse philosophique qui vaille serait ainsi – quoi ? sinon la mise sous silence du petit homme assoiffé de reconnaissance qui pense que la réalité ne lui apporte pas assez et qui reporte sa pleine satisfaction aux calendes grecques métaphysiques. le matérialisme philosophique, ce serait : savoir être un animal qui se repose et qui jouit de se reposer sans penser au temps qui passe, à la gloire qu'il manque, aux tâches qu'il n'accomplit pas, à l'image de soi qu'il ne construit pas, au surplus de plaisir qu'il rate, à la rage de souffrance qu'il évite malencontreusement.


Alors que dans l'affrontement du matérialisme et de l'idéalisme, ce dernier remporte souvent les suffrages – car l'homme encourageant l'idéalisme pense peut-être passer, aux yeux des autres et par un étrange phénomène de contamination, pour l'idéal lui-même – nous ne remarquons pas que l'idéalisme est le principe dynamique revendiqué par tous les totalitarismes partiels de la pensée, en politique, dans les sciences ou en amour. L'idéalisme, dans sa recherche de la coïncidence entre réalité et idéal, ne veut pas reconnaître qu'il ne peut qu'éviter cette rencontre car il en mourait et deviendrait alors matérialisme.


Par pitié, demande Clément Rosset, pour lui-même comme pour nous autres : redevenons simplets. Nous nous amuserons certes moins, mais nous nous reposerons davantage.

Lien : https://colimasson.blogspot...
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Ce livre rassemble plusieurs études de Clément Rosset sur des thèmes qui lui étaient chers: le réel et ses doubles, c'est-à-dire, les fantasmes créés par les hommes pour mieux affronter un réel incompréhensible et insupportable. Clément Rosset s'appuie sur de nombreuses références littéraires et artistiques pour nous faire comprendre que les hommes sont d'irrémédiables angoissés du réel, prêts à se réfugier dans n'importe quelles histoires parallèles (ces fameux doubles fantasmatiques) pour jeter un voile sur ce qu'ils ne sauraient affronter directement.
Livre très accessible, car dénué de tout pédantisme et académisme grossier, mais exigeant de par la profondeur de ses analyses.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
outefois, ces formes radicales de refus du réel restent marginales et relativement exceptionnelles. L’attitude la plus commune, face à la réalité déplaisante, est assez différente. Si le réel me gêne et si je désire m’en affranchir, je m’en débarrasserai d’une manière généralement plus souple, grâce à un mode de réception du regard qui se situe à mi-chemin entre l’admission et l’expulsion pure et simple : qui ne dit ni oui ni non à la chose perçue, ou plutôt lui dit à la fois oui et non. Oui à la chose perçue, non aux conséquences qui devraient normalement s’ensuivre. Cette autre manière d’en finir avec le réel ressemble à un raisonnement juste que viendrait couronner une conclusion aberrante : c’est une perception juste qui s’avère impuissante à faire
embrayer sur un comportement adapté à la perception. Je ne refuse pas de voir, et ne nie en rien le réel qui m’est montré. Mais ma complaisance s’arrête là. J’ai vu, j’ai admis, mais qu’on ne m’en demande pas davantage. Pour le reste, je maintiens mon point de vue, persiste dans mon comportement, tout comme si je n’avais rien vu. Coexistent paradoxalement ma perception présente et mon point de vue antérieur. Il s’agit là moins d’une perception erronée que d’une perception inutile.
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Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserves l'impérieuse prérogative du réelle. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu’il semble raisonnable d’imaginer qu’elle n’implique pas la reconnaissance d’un droit imprescriptible – celui du réel à être perçu – mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Tolérance que chacun peut suspendre à son gré, sitôt que les circonstances l’exigent : un peu comme les douanes qui peuvent décider du jour au lendemain que la bouteille d’alcool ou les dix paquets de cigarettes – « tolérés » jusqu’alors – ne passeront plus. Si les voyageurs abusent de la complaisance des douanes, celles-ci font montre de fermeté et annulent tout droit de passage. De même, le réel n’est admis que sous certaines conditions et seulement jusqu’à un certain point : s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s’il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs.
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Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserve l'impérieuse prérogative du réel. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu’il semble raisonnable d’imaginer qu’elle n’implique pas la reconnaissance d’un droit imprescriptible – celui du réel à être perçu – mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Tolérance que chacun peut suspendre à son gré, sitôt que les circonstances l’exigent : un peu comme les douanes qui peuvent décider du jour au lendemain que la bouteille d’alcool ou les dix paquets de cigarettes – « tolérés » jusqu’alors – ne passeront plus. Si les voyageurs abusent de la complaisance des douanes, celles-ci font montre de fermeté et annulent tout droit de passage. De même, le réel n’est admis que sous certaines conditions et seulement jusqu’à un certain point : s’il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l’abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s’il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs.
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La coïncidence du réel avec lui-même, qui est d’un certain point de vue la simplicité même, la version la plus limpide du réel, apparaît comme l’absurdité majeure aux yeux de l’illusionné, c’est-à-dire de celui qui, jusqu’à la fin, a misé sur la grâce d’un double. Un réel qui n’est que le réel, et rien d’autre, est insignifiant, absurde, « idiot », comme le dit MacBeth. MacBeth a d’ailleurs raison, sur ce point : la réalité est effectivement idiote. Car, avant de signifier imbécile, idiot signifie simple, particulier, unique de son espèce. Telle est bien la réalité, et l’ensemble des événements qui la composent : simple, particulière, unique – idiotès -, « idiote ».
Cette idiotie de la réalité est d’ailleurs un fait reconnu depuis toujours par les métaphysiciens, qui répètent que le « sens » du réel ne saurait se trouver ici, mais bien ailleurs. La dialectique métaphysique est fondamentalement une dialectique de l’ici et de l’ailleurs, d’un ici dont on doute ou qu’on récuse et d’un ailleurs dont on escompte le salut.
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Ma quête de ce que j’appelle le réel est très voisine de l’enquête sur l’être qui occupe les philosophes depuis les aurores de la philosophie. A cette différence près que presque tous les philosophes s’obstinent à marquer, tel naguère Heidegger, la différence entre l’être et la réalité commune, alors que je m’efforce pour ma part d’affirmer leur identité.
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Vidéo de Clément Rosset
"J'entre ici en perdante. Je sais que les mots ne pourront rien. Je sais qu'ils n'auront aucune action sur mon chagrin, comme le reste de la littérature. Je ne dis pas qu'elle est inutile, je dis qu'elle ne console pas." C'est ainsi que débute Inconsolable, le livre que nous explorons au cours de cet épisode.
À travers un récit porté par une narratrice confrontée à la mort de son père et qui scrute, au quotidien, la douleur, la tristesse, le monde qui n'est plus le même et la vie qui revient malgré tout, son autrice, la philosophe Adèle van Reeth, tente de regarder la mort en face et de mettre des mots sur cette réalité de notre condition d'êtres mortels. C'est un livre qui parle de la perte des êtres chers et qui est en même temps rempli de vie.
Adèle van Reeth nous en parle au fil d'un dialogue, où il est question, entre autres, de la difficulté et de la nécessité d'écrire, de la vie avec la tristesse et d'un chat opiniâtre. Et à l'issue de cette conversation, nos libraires Julien et Marion vous proposent de découvrir quelques livres qui explorent la question du deuil.
Bibliographie :
- Inconsolable, d'Adèle van Reeth (éd. Gallimard) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21563300-inconsolable-adele-van-reeth-gallimard
- La Vie ordinaire, d'Adèle van Reeth (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20047829-la-vie-ordinaire-adele-van-reeth-folio
- le Réel et son double, de Clément Rosset (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/501864-le-reel-et-son-double-essai-sur-l-illusion-e--clement-rosset-folio
- L'Année de la pensée magique, de Joan Didion (éd. le Livre de poche) https://www.librairiedialogues.fr/livre/1177569-l-annee-de-la-pensee-magique-joan-didion-le-livre-de-poche
- Comment j'ai vidé la maison de mes parents, de Lydia Flem (éd. Points) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16192372-comment-j-ai-vide-la-maison-de-mes-parents-une--lydia-flem-points
- Rien n'est su, de Sabine Garrigues (éd. le Tripode) https://www.librairiedialogues.fr/livre/22539851-rien-n-est-su-sabine-garrigues-le-tripode
- Vivre avec nos morts, de Delphine Horvilleur (éd. le Livre de poche) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21199965-vivre-avec-nos-morts-petit-traite-de-consolati--delphine-horvilleur-le-livre-de-poche
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