La force des auteurs comme
Frédéric Dard (ou
Simenon, ou
Ellroy), c'est de privilégier les personnages sur l'intrigue, de conter, avant tout des histoires d'hommes et de femmes. Et c'est pour ça qu'ils nous touchent tant. L'intrigue, finalement, passe après. Et là où
Frédéric Dard est doublement fort, c'est que ses intrigues sont quand même en général parfaitement ficelées. A cet égard, "
Mausolée pour une garce" est sans doute son chef-d'oeuvre, puisqu'il fait étalage de ces talents sur près de 500 pages (tous les romans de Dard que j'avais lus jusque-là étaient au format "standard" de 250 à 280 pages). L'histoire parvient à nous tenir en haleine sans un seul temps mort, et sur la distance, il trouve le temps de nous faire connaître, comprendre, ressentir l'ensemble de sa galerie de personnages (on parle quand même de près de 10 caractères dépeints avec une grande précision), aristos, voyous, parvenus, clochards, jeunes désoeuvrés, dans toutes leurs dimensions, leurs peurs, leurs forces, leurs contradictions. La virtuosité des dialogues est magnifique, alternant avec l'argot des voyous et ce langage à la fois soutenu et un peu faux, mais complètement littéraire et musical, comme dans les pièces de théâtre d'après-guerre. C'est
Balzac, Dickens,
Faulkner qui auraient enfin réussi à devenir populaires, c'est une histoire puissante, bizarre, vraie, "pleine de bruit et de fureur qui ne signifie rien", c'est donc la vie même.