AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,63

sur 174 notes
5
9 avis
4
19 avis
3
13 avis
2
1 avis
1
0 avis
Avec Rue Darwin Boualem Sansal entraîne le lecteur dans l'histoire d'une famille algérienne, celle de Yazid, le narrateur, qui découvre à la mort de sa mère, en retournant dans le quartier Belcourt à Alger, que son parcours d'enfance est très compliqué. L'histoire est dominée par le personnage d'une femme, Djéda, la grand-mère, à la tête de la tribu des " Kadri ", et d'une immense fortune qui provient du bordel qu'elle tenait et qui jouxtait son domicile. Yazid y fut élevé, avant d'en sortir avec sa mère adoptive et de s'installer à Belcourt. A cause de l'histoire tourmentée de l'Algérie depuis la guerre d'indépendance jusqu'à nos jours, la famille déjà atypique dès ses origines est disséminée à travers le monde. La distance qui se crée dans les liens familiaux entre les frères et les soeurs partis faire leur vie à l'étranger, qui parfois ont modifiés leur prénom pour mieux se fondre dans les pays d'accueil et ceux qui sont restés au pays natal et ont été victimes de tous les bouleversements qu'il a subi, est magnifiquement traitée. L'auteur montre la souffrance du peuple qui vit pratiquement en état de guerre permanent depuis des décennies, il dénonce la corruption qui gangrène les régimes successifs de L'Algérie. Il explique à travers le parcours du plus jeune frère Hédi, le processus de recrutement et d'endoctrinement des islamistes intégristes et rappelle avec force son rejet. En faisant d'un rabbin, le personnage de sagesse, chez lequel Yazid se réfugiait, il fait la preuve de sa tolérance et de son refus de l'opposition entre les religions. Avec le personnage de Daoud, un des frères du narrateur, qui intègre une communauté juive, change son prénom en David, il aborde également le thème de l'homosexualité dans la religion musulmane. le roman est très fort, il aborde des sujets souvent difficiles, mais il emporte le lecteur, par son sérieux, par sa truculence, par son foisonnement. Les prises de positions de Boualem Sansal, en tant que écrivain algérien sont très courageuses, il refuse l'extrémisme, prône le rapprochement entre les religions, l'acceptation des différences, milite pour une vraie démocratie dans son pays. J'ai eu le plaisir d'assister à une rencontre d'écrivain dont il était l'invité, ses propos m'ont impressionné, j'en garde un grand souvenir. L'Académie Française a bien eu raison de lui décerné le Grand Prix 2013 de la Francophonie.
Commenter  J’apprécie          51
Boualem Sansal nous parle de sa vie: enfant dans l'Algérie Française des années 50, adulte dans l'Algérie d'après l'indépendance. Sur ce fond (et notamment sur celui du chaos que connait ce pays depuis cinquante ans, notamment du fait du fanatisme islamiste - que l'auteur dénonce courageusement -), c'est l'histoire de sa famille qui nous est livrée. Histoire d'un enfant à qui l'on a menti, élevé par une grand-tante tenancière d'une maison close, et victime de mensonges portant sur les identités de son grand-père (et donc de son père) et de sa mère. Celle-ci était tout simplement une des prostituées du bordel de la tyrannique grand-tante, et le bébé avait changé de mains à l'initiative de celle-ci le jour-même de sa naissance. On imagine le traumatisme de l'enfant face à ses questions laissée ensuite sans réponses, ou assorties de réponses évidemment dilatoires. le traumatisme, la souffrance dureront toute la vie; ce qui n'empêchera pas l'auteur d'avoir de l'affection, et de l'indulgence, vraiment, pour tout ce monde: sa vraie mère, sa mère adoptive, ses nombreux frères et soeurs (vrais ou faux eux aussi). Se livrer à ce point sur ces sujets douloureux a probablement libéré l'auteur d'un lourd poids. Soit. Oublions la vision trop personnelle et la tristesse de ces choses intimes, et retenons ces deux choses de ce livre: d'abord une très belle écriture, avec quelques passages vraiment brillants, vifs, et d'un grand réalisme. Et ensuite le malheur de ce pays, mal traité par des hommes politiques sans vision et corrompus, ce qui conduit ses fils (les pauvres bougres, mais hélas aussi les plus brillants d'entre eux) à rechercher à l'étranger un espoir, ce qui ne fait que compliquer le problème local et y prolonger, et en accentuer, le chaos.
Commenter  J’apprécie          50
« Rue Darwin » Boualem Sansal (Gallimard 240 pages).
J'ai eu un peu de mal à rentrer dans les premières pages, peut-être à cause de quelques apparentes incongruités d'écriture, mais finalement, j'ai fini par m'immerger avec beaucoup de plaisir dans cette belle histoire, compliquée par de nombreux mélanges de périodes.
Un homme en quête de son passé, de son identité, de sa filiation, à cheval entre l'Algérie et la France d'aujourd'hui, l'Algérie d'hier et d'avant-hier. C'est assez passionnant, bien enlevé du point de vue de l'écriture, même si c'est foisonnant, au point de temps à autres de s'y perdre un peu. On suit les héritiers d'un bordel tenu par une matrone qui y fait fortune, place son argent, ses gens partout où elle peut. Les portraits son incisifs, aimants, même quand les personnages sont durs, telle la « grand-mère. » C'est un drôle de monde, là-bas de bouge, ici de fortunes faites. C'est poignant d'entrevoir la vie des femmes du bordel, de sentir le poids des origines.
Sansal n'épargne guère le régime dictatorial et corrompu de l'Algérie de l'indépendance, ni du monde du FLN d'hier et d'aujourd'hui. La critique sociale de l'Algérie contemporaine est acerbe, sans concession (les fonctionnaires, les hôpitaux, la corruption, les arrivistes qui font fortune…). Il y a parfois de longues phrases d'une page, mais pertinentes et qui passent bien, lorsqu'elles insistent sur un aspect particulier que l'auteur veut développer, pour convaincre ou saturer de détails explicatifs le lecteur. Pour parler des manipulations criminelles entre le pouvoir et les islamistes, BS écrit « on jetait le cadavre dans le jardin du voisin et on s'en lavait les mains ». Il y a des références à des personnages connus (Camus, Bouteflika qui n'est évoqué que par le surnom de « président Abdelaziz 1er »), des points de vues bien balancés (sur la guerre d'indépendance, les islamistes, l'antisémitisme de la société algérienne), des réflexions plus philosophiques ou distanciées sur la vie, la mort, l'amour fraternel…
En bref, un vraiment TRÈS BON roman, qui donne envie, après « le village de l'Allemand », et malgré « petit éloge de la mémoire », de poursuivre la lecture de BS.

Commenter  J’apprécie          50
Voilà une histoire foisonnante de personnages qui se croisent ou s'évitent sur une période qui va du début des années 50 jusqu'à nos jours. Sans cesse, Boualem Sansal nous transporte d'un lieu à l'autre, d'une époque à l'autre avec certaines redites nécessaires pour démêler les fils de ce passé qui ne cesse de ressurgir.

La mère de Yazid, le narrateur, va mourir d'un cancer et son fils décide de l'amener à Paris, depuis Alger, pour tenter une dernière chance de guérison. C'est aussi une dernière chance pour elle de revoir ses enfants dispersés sur plusieurs continents. Ainsi, la jeunesse algérienne part se former à l'étranger, décrocher des diplômes et…ne revient pas.
La mort de celle qui l'a élevé ramène Yazid dans le quartier Belcourt et dans cette rue Darwin où il retrouve ses souvenirs d'enfance, bien que les noms des rues et des places aient changé. Tout au long de ce roman, l'auteur n'a de cesse de remonter dans ce passé, retrouvant le bled, à Borj Dakin où Lalla Sadia, dite Djéda, règne sur un bordel qui lui permet de développer une fortune qui va s'étendre des deux côtés de la Méditerranée.
Petit à petit, les fils se démêlent mais la quête de Yazid n'aboutira qu'au terme de longues recherches. L'auteur décrit bien l'engrenage qui amène ces filles, parfois mineures, à se réfugier auprès de Djéda qui fait office de grand-mère, entre autres, pour Yazid, Daoud et Faïza qui est légèrement plus âgée que le narrateur. Elle s'affirmera plus tard comme un personnage important.
Tout au long de ce livre, nous croisons puis retrouvons ainsi plusieurs personnages dont la vie permet de suivre l'évolution de l'Algérie durant la seconde moitié du XXe siècle et le début des années 2000.

"Rue Darwin" est une fresque très dense, écrite avec beaucoup de sensibilité et d'humanité. Ce roman met en scène beaucoup de mystères, de sous-entendus et quantité de vies brisées…jusqu'à la mise au point finale.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          60
Prix du Roman Arabe 2012

La rue Darwin est une rue d'Alger, du quartier populaire Belcourt ; c'est là que s'est déroulée une grande partie de l'enfance du narrateur, Yazid.
Le livre s'ouvre sur une scène d'hôpital : à la Pitié-Salpêtrière la mère de Yazid, enfin, celle qu'il appelle maman, est en train de mourir ; ses frères et ses soeurs venus des divers pays où ils se sont installés, USA, Canada, France, et lui Yazid qui vivait avec elle en Algérie, l'entourent une dernière fois. Un seul enfant manque : Hédi, le petit dernier venu sur le tard, qui fait le djihad en Afganistan. Et c'est cette femme mourante, qui dit à son fils aîné : "Va, retourne à la rue Darwin".
Avec des aller-retour entre présent et passé, B. Sansal nous raconte une histoire de famille en même temps que l'Histoire de son pays des années 50 à nos jours.
L'histoire de famille n'est pas simple, elle est même plutôt extraordinaire ; qui est-il exactement, ce fils aîné, ce Yazid ? Point de repère : une grand-mère, très riche (richesse née d'un bordel qui jouxte sa grande maison), qui règne sur un véritable empire ; chez elle, sont élevés ensemble de nombreux enfants, dont Daoud, le petit garçon fragile qui ressemble étonnament à Yazid et dont celui-ci retrouvera la trace beaucoup plus tard. Et la mère, qui est vraiment la mère de Yazid ? On ne le saura qu'à la fin du récit même si on peut le deviner plus tôt.
Quant à l'histoire de l'Algérie, on la connait un peu : mais elle est présentée ici d'une façon originale, sans fard, elle questionne, elle interpelle...

Humanité, poésie, empathie et humour, mais aussi tristesse, rage, dureté sont les sentiments qui dominent ; véritable quête d'identité d'un homme et d'un pays, un récit passionnant d'une grande richesse et d'une étonnante clairvoyance. Et dans cette puissante ode à la famille au sens large, il y a aussi des pages absolument magnifiques sur Alger !

Extrait : "Dans mon souvenir, je suis dans la maison de grand-mère, dans une vaste chambre haute de plafond contigüe à la sienne, avec d'autres enfants, des garçons, des filles, sept, huit, dix, je ne suis pas sûr du nombre, ces petits ça bouge tout le temps. Ils faisaient partie de la maisonnée, on les traitait comme les enfants du sérail, tous s'en occupaient et personne. Ils ne manquaient de rien et en même temps on avait l'air de ne pas savoir qui ils étaient et ce qu'ils fabriquaient là. C'était le bon plaisir de Djéda qu'ils fussent avec nous et qu'on les traitât comme ses enfants." (p 71)

Commenter  J’apprécie          20
Ce roman de Boualem Sansal Rue Darwin ne manque pas de nourrir d'intéressants débats sur le concept de l'illégitimité vu à travers le terme de "pupille" qui désigne son héros, Yazid, dont les origines remontent à une "grande maison" (euphémisme de "maison close") et "pupille de la nation" référant aux enfants victimes des guerres et donc à l'Histoire.
Thématiquement proche de harragas par la construction de ses personnages féminins hors des repères culturels traditionnels, est une dés origine littéraire du mâle de la tribu confiée à une jeune adolescente, Sadia, devenue "Djeda" qui règne sans partage sur la tribu des Kadri, du début du vingtième siècle aux premières années de l'indépendance de l'Algérie. Mais son royaume, qui s'étend du village de Ouled Abdi en contrebas des monts du Zaccar jusqu'en France, à Paris, Vichy et d'autres capitales de l'Occident est bâti sur la mystérieuse "grande maison", "la citadelle" vers laquelle affluent, des villages, de pauvres jeunes filles, abusées, trompées, engrossées, battues, atteintes de maladies dont on tait les noms et l'origine.
Là, derrière, son palais où activent ses fidèles servantes, ses confidents, ses fondés de pouvoir, ses courtiers, ses scribes, ses cadis, ces jeunes filles vivent un autre monde, dans l'autre monde, insoupçonné, inimaginable dans les us et coutume de la tribu sans mâle. Elles y font des "pupilles" comme l'indépendance du pays aura ses "pupilles de la nation".
Commenter  J’apprécie          120
Un pan de l'histoire algérienne révélé dans la dignité par un fils de. à l'identité éclatée dans tous les sens du terme. Une charge sans concession qui réhabilite l'homme en condamnant un système. Sansal soulève le couvercle au dessus de la marmite dans laquelle mijote la fabrique à mythes dans les coulisses des histoires familiales ou nationales. ça grouille de mille mensonges et de non-dits qui étouffent l'individu. Au final, du miasme et des diktats, le salut vient de la littérature grâce à ces êtres qui affrontent la vérité avec des mots. le fils de P. acquière alors le statut d'homme à part entière, le seul doté d'une conscience alors que les autres se contraignent ou se soumettent à jouer un rôle pour échapper au regard de leur conscience.
Commenter  J’apprécie          30
C'est le troisième livre que je lis de cet auteur après le Village de l'Allemand et 2084. Toujours avec la même délectation. Boualem Sansal sait tisser une histoire très complexe et avec des racines historiques bien profondes.
L'auteur nous conduit sur les traces du narrateur, Yazid, dans l'Algérie ancienne (enfin pas trop quand même – juste 50 ans auparavant au moment de la décolonisation) pour y puiser ses souvenirs de la Rue Darwin dans le quartier Belcourt à Alger en particulier où il a passé la plupart de son enfance. Avant, si j'ai bien compris, il était dans le bled.
L'ouvrage commence par la mort de sa mère dans un hôpital à Paris et il finit par la mort de sa mère, sauf que ce n'est pas la même.
Sa peinture de l'Algérie d'autrefois est envoûtante. Bien meilleure que dans « Angélique et le Sultan » d'Anne et Serge Golon. Boualem Sansal a un talent indéniable de conteur tel Shéhérazade , il dévide l'écheveau de ses souvenirs d'enfance dans un pays magnifique, troublé mais troublant aussi. Un régal de lecture.
Quand on pense qu'Albert Camus a vécu lui aussi à Belcourt, on ne peut qu'approuver la réflexion page 147 de l'auteur : « Il y a autant de lieux que de regards, chacun voit son Belcourt à lui ».
Commenter  J’apprécie          80
Après "2084", j'ai eu envie de lire un autre roman de cet auteur algérien, Boualem Sansal. : "Rue Darwin" qu'il a publié en 2011 et que je ne connaissais pas encore.
Un roman imprégné de son histoire personnelle et de celle de sa famille. Une langue chamarrée et chatoyante comme l'enfance qu'il décrit auprès de la tonitruante grand-mère Djéda, à la fois tenancière de bordel et chef de clan toute-puissante. Pendant ma lecture, j'étais aux côtés du narrateur dans cette Algérie cosmopolite qu'il décrit sans complaisance mais avec tant d'amour enfoui.
Mais ce roman c'est aussi une quête d'identité, celle du narrateur, que l'on suit avec empathie et qui, au fur et à mesure du roman, s'approche de sa Vérité, celle du secret enfin dévoilé de ses origines.
J'ai aimé infiniment aussi cette écriture pleine d'humour, malgré une gravité que l'on ressent en profondeur, notamment à l'évocation de ce jeune frère perdu parce que saisi par les griffes du fanatisme.
Un roman drôle, tendre et clairvoyant.
Commenter  J’apprécie          30
Une belle découverte de cet auteur
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (390) Voir plus



Quiz Voir plus

Famille je vous [h]aime

Complétez le titre du roman de Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon _ _ _

chien
père
papy
bébé

10 questions
1431 lecteurs ont répondu
Thèmes : enfants , familles , familleCréer un quiz sur ce livre

{* *}