La lucidité

Le roman débute dans un bureau de vote prêt à recevoir les bulletins à l'occasion des municipales dans une ville sans nom, dans un pays sans nom. Elections au terme desquelles quatre vingt trois pour cent des votants ont inséré dans l'urne, un bulletin blanc. le gouvernement siégeant, là même, s'ébranle et y voient une offense. une épidémie ? Un acte terroriste ? Un complot ? Alors que précisément la démocratie a été exprimée, eux y voient un déni. Imaginant leurs postions outrageusement menacées, ils décident l'état de siège pour la capitale, s'installent ailleurs et se cherchent un bouc émissaire pour laver l'affront et solutionner cette affaire. Toutes les distorsions de la réalité sont commodément requises, tous les coups permis, leur vérité devra être La vérité, ce, bien sûr, au nom du bien public (isn't it).
Sur la forme, inédite, la lecture de la Lucidité est une véritable expérience, hors norme, un marathon durant lequel il faut souvent reprendre son souffle et trouver ses repères. On y parvient, avec un plaisir décuplé par l'effort, en recevant l'aide subtile d'un narrateur bienveillant qui manie humour et digressions avec intelligence.
Un grand moment de lecture où l'on termine essoufflé, échevelé, éreinté mais ravi !

Encore un roman merveilleusement bien écrit, c'est un bonheur de lire Jose Saramago ! Par contre, là, ça prend bien aux tripes, ça file une trouille monstre... Encore plus à l'approche d'une période électorale. Parodie de justice, bouc-émissaire, bêtise humaine... le Pouvoir tout puissant et son aveuglement. L'Aveuglement justement, celui du roman précédent, qui m'avait bien remué lui aussi.

Chaque oeuvre de Saramago est majeure . Celle ci dresse une photographie brillante de l'absurdité de la politique , et de ce à quoi celle ci peut conduire . Ici tout n'est que fiction , mais le tout est tellement fort , à l'image des livres de Kafka que l'on ne peut sortir de ces pages indemne. Lire ce roman devrat étre déclaré d'utilité publique . Une autre oeuvre indispensable de ce grand auteur trop méconnu ....

Roman à la fois littéraire et éminemment politique. Sur le plan littéraire, on retrouve avec plaisir le style de Saramago prix Nobel de littérature. Sur cet aspect, j'indique seulement que la lecture peut être déroutante ou difficile. le texte est très dense, avec de longues phrases et des parenthèses dans le récit qui peuvent parfois perdre le lecteur distrait.
Sur le plan politique, ce roman interroge le lien entre le peuple et son gouvernement. Dans nos sociétés contemporaines, ce lien existe quasi exclusivement par le biais des élections. Or, jusqu'à quel point peut considérer le gouvernement comme légitime si le peuple s'éloigne des élections ? le roman explore l'hypothèse d'une série d'élections ou seuls des bulletins blancs sont dépouillés. Les citoyens votent, mais ne s'expriment pas en faveur d'un parti ou d'un autre. Comment interpréter ce silence ? le gouvernement désemparé retourne la faute sur les citoyens, les accuse de mal voter, ou de ne pas savoir voter. Il faut chercher des coupables. Finalement, comme une traduction matérielle de ce qu'est le vote blanc ignoré du système électoral, le gouvernement s'isole. Il devient maître de néant, incapable de comprendre son peuple. Ainsi ce roman suscite une réflexion importante sur le vote blanc dont il ressort que le gouvernement qui refuserait de considérer l'expression politique du vote blanc finirait par se couper de son propre peuple et gouverner sur le vide. L'absurdité de la situation décrédibilise les autorités, et fait de l'abstentionniste un héros lucide.
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Acerbe, percutant, lucide

Humoristique et brillant.
Et si on votait tous blanc?

J'ai énormément apprécié ce livre et je m'interroge sur le pourquoi, pour nous les français les votes blancs ne sont pas comptabilisés ?

BIBLE POLITICIENNE OU MISSEL SUPERFÉTATOIRE ?
Vêtu de blanc,l' homme serait-il inexorablement candide, invisible perfide au point de nuire, ce qui au regard de nos politiciens leur permettrait de crier à l'hérésie après lecture.
Ces gens livides sus-nommés qui par un dirigisme sénescent, sectaire et acariâtre déploient des sarabandes complices, montagnes de duplicité criminelle dans une démesure incoercible et perverse, s'agissant alors d'un drame politique du au nombrilisme qui réfute la clairvoyance( la lucidité !) pour créer un esprit délétère phobique et permissif avilissant la communauté humaine, base de notre société; Sinécure permanente et contemporaine - elle n'a jamais été aussi actuelle- ici décrit par un orfèvre prévoyant donc lucide qui déroule son ouvrage non phantasmagorique ,comme un pamphlet onirique salvateur sans pérorer glissant quelques apophtegmes personnels délicieux mémorables se distinguant d'une tautologie ratiocineuse laissant à Sulpice (ST) l'idée que le vote blanc peut se sublimer par l'aspect grégaire seul des éléments qui le déclare.

José Saramago (1922-2010) est un journaliste et écrivain portugais, passionné de langue et de littérature française, mais aussi et surtout, d'histoire. Souvent considéré comme un polémiste d'extrême-gauche, signataire de plusieurs théories conspirationnistes, l'oeuvre de Saramago est un aller-retour permanent entre L Histoire et le présent, donnant à ses romans une dimension quasi intemporelle. le récit porte souvent une valeur d'apologue, basé sur une trame fantastique, il permet de mieux interpréter le réel, d'analyser l'époque, de la comprendre, comme dans le radeau de pierre (1986) par exemple, roman dans lequel la péninsule ibérique se détache de l'Europe et dérive sur l'Atlantique. La plume est dense, et permet à l'ironie de faire respirer un parler bavard, fait de phrases à rallonge, remplies d'incises.

La lucidité (2005) est un roman difficile à « classer ». Entre récit d'anticipation et conte politico-philosophique, ce roman propose un décryptage cynique de la machine politique, sur une trame fantastique. Pour ce faire, Saramago nous entraîne dans un pays tourmenté par un cataclysme électoral : le résultat de la dernière élection a vu sortir des urnes, près de 83% de votes blancs. L'auteur imagine alors la bulle politique en plein chaos, prête à tout pour crever le silence d'un peuple des plus solidaires, semble t-il. Avec ce roman, Saramago soulève une réflexion qui ne se dit jamais tout haut : plutôt que de choisir par défaut, pourquoi ne pas faire le choix renoncer, de dire non ? La lucidité est un remède burlesque pour toutes les victimes de déception politique avec préméditation.