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Joseph Dan (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070428137
701 pages
Gallimard (15/05/2003)
3.92/5   12 notes
Résumé :

Gershom Scholem donne ici toutes les clés nécessaires à la compréhension de la kabbale, ce courant mystique, né dans l'Antiquité, et qui a trouvé sa forme définitive au XXe siècle. Les concepts sont exposés avec une clarté d'expression étonnante au regard de la complexité des œuvres et des thèmes abordés. La kabbale constitue donc un état des connaissances en matièr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le grand savant Gershom Scholem (1897-1982) rédigea en hébreu la plupart de ses études et recherches sur la Cabale. Cet ouvrage-ci est toutefois traduit de l'anglais et n'a pas été conçu par l'auteur lui-même : c'est une compilation de tous ses articles concernant la Cabale écrits pour l'Encyclopedia Judaica. Le recueil est paru en 1974 aux éditions Keter, et en 1998 pour la première version française. On appréciera le délai.


La Kabbale (selon la graphie anglaise) ou Cabale (selon la graphie française que préférait Charles Mopsik) est comparable au coeur de la piété juive, tandis que le Talmud et les commandements en seraient le corps agissant dans le monde visible. Pour des raisons de classement, on la définit comme une "mystique", mais Scholem a soin de différencier cette "mystique" juive de celle des chrétiens ou des musulmans. Ceux-ci recherchent l'union extatique avec la divinité, tandis que les Cabalistes (dont certains n'excluent pas les extases) fondèrent un savoir spéculatif extrêmement abstrait, voire aride, et pourtant pénétré d'une grande et intense poésie et même, d'une sorte de "mythologie", selon les termes de Scholem. La Cabale est affaire de livres et de savants, de piété ardente et d'intense recherche intellectuelle. Elle unit la plus abstraite des spéculations et l'élan humain vers le divin.


C'est ce que Scholem explique dans la première partie de l'ouvrage, consacrée à l'histoire de la Cabale et à ses concepts fondamentaux. Ensuite, l'auteur étudie son livre fondateur, le Zohar, et une série d'événements historiques qui n'auraient aucun sens en dehors de la Cabale : la crise messianique de Sabbataï Tsevi (1666), le mouvement de Jakob Frank en Europe Centrale . On trouve encore, rangée alphabétiquement, une série de courts articles sur la magie et les principaux objets ou personnages à valeur cabalistique (comme l'étoile de David, l'ange Métratron, la démone Lilith, le Golem etc). La dernière partie est un répertoire alphabétique des grandes figures de la Cabale, de l'Espagne du XIII°s aux espaces de la diaspora juive occidentale et ottomane du XVIII°.

La sobriété, la méthode impeccable et la rigueur de l'historien des idées qu'est Scholem, sont vraiment bienvenues dans ce domaine où charlatans, faussaires et New-Agers à développement personnel et "spiritualité", pullulent.
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Ce livre est d'une lecture difficile mais il mérite l'effort car il examine un aspect mal compris du judaïsme, sa vitalité spirituelle et mystique sur deux millénaires, et son ouverture à d'autres écoles de pensée – néoplatonicienne, soufi et chrétienne. Les dictionnaires ne rendent pas justice à la Kabbale, hésitant entre occultisme et mystique. C'est le cas du Dictionnaire culturel en langue française De Robert avec ses deux entrées : Cabale « Science occulte qui prétend faire communiquer ses adeptes avec des êtres surnaturels », et Kabbale « Tradition juive donnant une interprétation mystique et allégorique de l'Ancien Testament, notamment par un déchiffrage formel de suite de lettres et de nombres ». Scholem nous avertit : « La Kabbale n'est pas un système simple dont les concepts fondamentaux puissent être expliqués d'une façon directe et simplifiée, mais il s'agit plutôt d'une multitude d'approches différentes, souvent très éloignées les unes des autres et parfois tout à fait contradictoires » (p 163). Il dit ailleurs, de façon plus positive : « La Kabbale représente une tentative théologique, accessible à une minorité, dont l'objectif était d'introduire dans la structure du judaïsme traditionnel, sans porter préjudice à ses principes fondamentaux non plus qu'à ses normes de conduite, une perception essentiellement mystique du monde » (p 303). Une tentative de résumé est donc exclue et le lecteur se reportera à une table des matières très développée.

Plusieurs points sont frappants pour le contemporain de culture occidentale. Dans son chapitre sur l'évolution historique de la Kabbale, Scholem illustre la relation d'amour/haine du christianisme vis-à-vis du judaïsme : Jules III ordonne un autodafé du Talmud en 1553, et pourtant la bibliothèque Vaticane conserve de nombreux manuscrits kabbalistes. La Kabbale fascine les intellectuels de la renaissance, et Pic de la Mirandole l'omniscient y trouve même les preuves de la Trinité et de l'Incarnation ! Dans les concepts fondamentaux de la Kabbale, c'est la cosmogonie — antérieure à la Genèse — qui accapare l'attention. Dans l'enseignement de Moïse Cordovero et d'Isaac Luria (Safed, 1534-1572), Ein-Sof, l'Être éternel et infini, proche de l'Un des néoplatoniciens, active Sa volonté et Ses émanations (les Sefirot) pour créer un cosmos fait de sphères concentriques, traversées par le rayon de la pensée divine. Une contraction de Dieu — le zimzum — est nécessaire à la création hors de Dieu car à défaut l'univers serait Dieu et ce serait le panthéisme de Spinoza, hérésie écartée plusieurs siècles à l'avance : « Dieu est tout ce qui existe, mais tout ce qui existe n'est pas Dieu » (p 248). Frappante aussi est la mise en abyme du Nom ineffable dans la Torah — laquelle dévoile le Nom mystique par le développement du nom des lettres qui composent le tétragramme — et l'idée que l'omission d'un seul de ses mots en détruirait l'équilibre sacré. Enfin la place de l'homme au centre d'une orbite de révolution dans une transmigration des âmes : « Tout se sépare de l'Un et retourne à l'Un, et le point de retour de ce cycle se trouve en l'homme » (p 252).

Ces éclats de compréhension de la part du contemporain occidental sont partiels et probablement fautifs. Il en reste une perception vertigineuse, qui interroge sur la formation des idées des kabbalistes : provient-elle d'une vision mystique, d'une nouvelle révélation, mise en forme et amplifiée par l'entraînement à la géométrie et aux nombres au sein d'une religion aniconique ? Pas de trace en effet des riches populations de dieux, de géants, de héros et d'animaux fabuleux de la mythologie gréco-latine. Une autre interrogation est la réception de la (des) Kabbale(s). Un chapitre est consacré à son rayonnement, c'est-à-dire à sa réception positive, mais ne discute guère l'opposition d'une éventuelle orthodoxie. La raison apparaît peut-être p 180, à propos des Sefirot : « Il n'existe pas de définition canonique » qui pourrait s'opposer à une orthodoxie. Quoiqu'il en soit, ces conceptions théologiques — aussi complexes que la christologie dans l'Église primitive et la sainteté des icônes dans l'Empire byzantin — n'ont pas été le motif de ruptures politiques ni de massacres.

Après les concepts fondamentaux de la Kabbale, le lecteur trouvera des chapitres plus faciles touchant des personnages insignes comme Isaac Luria, le poète philosophe, Shabbataï Zevi, le messie apostat, ou des figures cabalistiques au sens courant comme la chiromancie, la numérologie (la gematria), la démonologie, Lilith et le Golem.

Scholem écrit ses articles avec une pénétration méticuleuse (le livre compile ses contributions à l'Encyclopedia Judaica), en historien scrupuleux qui rend compte de toutes les variantes qu'il a rencontrées, sans laisser paraitre aucun signe d'adhésion personnelle ou religieuse. le nombre des références et l'index des personnes citées sont impressionnants. En revanche le glossaire fourni par l'éditeur est très insuffisant, alors qu'on trouve une dizaine de mots en italique par page. Il ne définit pas des concepts aussi fondamentaux que l'Ein-Sof, la Merkavah, les Sefirot ou le zimzum.

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Illustre le fait que la Kabbale juive a été en grande partie écrite au Moyen-Age pas dans l' Antiquité et comporte une dimension syncrétique (paganisme, hindouisme, antiquité grecque).La Kabbale se nourrit aussi de la Bible et du Talmud, de l' expérience de la vie en diaspora.Une mystique qui a aussi influencé le christianisme.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
La kabbale lurianique (d'Isaac Louria, XVI°s) affirmait l'existence d'un lien étroit entre la pratique religieuse du juif qui accomplit les commandements, les méditations pour la prière et le discours messianique. Toutes les créatures sont en exil depuis le tout début de la création et la charge de restaurer chaque chose à sa propre place incombe au peuple juif, dont l'histoire et le destin symbolisent l'état de l'ensemble de l'univers. Les étincelles de divinité sont dispersées partout, ainsi que les étincelles de l'âme primitive d'Adam ; mais elles sont retenues prisonnières de la Kelippah (=écorce), la puissance du mal, et doivent être rachetées. Toutefois cette rédemption ne peut être réalisée par une action finale unique, mais elle s'effectuera au terme d'une longue suite d'agissements qui en préparent la réalisation. Ce que les kabbalistes appellent "restauration" (tikkun) suppose à la fois le processus qui permettra de retrouver l'harmonie - ce qui constitue la tâche essentielle du peuple juif - et le résultat final, l'état de rédemption annoncé par la manifestation du Messie, qui est le signe de la dernière phase. La libération politique ainsi que tout ce qui s'y rattache du mythe national n'étaient considérés qu'en tant que symboles d'un processus cosmique qui, en fait, se produisait dans les racines secrètes de l'univers. On n'envisageait pas qu'il puisse y avoir conflit entre le contenu national et politique traditionnel de l'idée messianique, et la nouvelle connotation spirituelle et mystique que celle-ci revêtait dans la kabbale lurianique. Ceux qui étaient sensibles à la théologie kabbalistique du judaïsme, et ils étaient nombreux, concentraient leurs activités afin de hâter la venue du "monde du tikkun", par une vie ascétique qui, bien que strictement conforme aux exigences de la Loi, était en fait pénétrée de messianisme.

p. 378-379, sur les années précédant la venue du faux messie Sabbataï Tsvi.
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Une grande partie de la littérature de la kabbale consiste en un commentaire sur le Pentateuque, les Cinq rouleaux et le livre des Psaumes, et le Zohar lui-même fut, dans une large mesure, écrit sous la forme d'un commentaire du Pentateuque, Ruth et le Cantique des cantiques. Des livres tels que les commentaires sur le Pentateuque de Menahem Recanati, de Bahya ben Asher, de Menahem Ziyyoni et d'Abraham Saba devinrent des textes kabbalistiques classiques. On peut remarquer aussi le fait qu'il n'y a pratiquement pas de commentaires kabbalistiques pour parler dans leur totalité des livres des Prophètes ou du livre de Job et du livre de Daniel. Seules quelques rares exégèses isolées d'extraits de ces textes ont tendance à revenir régulièrement à propos de certaines interprétations kabbalistiques. Le seul commentaire kabbalistique connu qui ait jamais été composé sur l'intégralité de la Bible est le Minhat Yehudah du XVI°s, écrit au Maroc par un auteur inconnu, dont de larges extraits ont été conservés dans divers manuscrits. En dehors du Pentateuque, seul le Cantique des cantiques a fait l'objet d'un grand nombre de commentaires kabbalistiques, à commencer par celui d'Ezra de Gérone jusqu'à tous ceux qui ont été écrits à des époques récentes.

p. 274
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L'expulsion d'Espagne en 1492 représente un tournant capital dans l'histoire de la kabbale. Le profond bouleversement de la conscience juive engendré par la catastrophe fit tomber la kabbale dans le domaine public. Bien que largement répandue au cours des générations précédentes, elle restait réservée à une certaine élite qui ne sortait que rarement de sa tour d'ivoire. Les objectifs de certains, les auteurs du Zohar et du Sefer ha-Peli'ah entre autres, qui voulaient créer une oeuvre à la portée historique et sociale, ne furent pleinement atteints qu'au XVI°S. De même, il faudra attendre cette époque pour que l'esprit eschatologique, qui prévalait chez certains en Espagne, soit associé à l'orientation fondamentale de la kabbale. Avec l'expulsion, le messianisme fit partie intégrante de la kabbale. (...) Cette combinaison de mystique et d'apocalyptique messianique transforma la kabbale en une force historique très puissante.

pp. 136-137
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Il y a une relation évidente ... [avec] la magie, qui se fonde sur le pouvoir créateur des lettres et des mots. En fait, on pourrait affirmer que le Sefer Yetsirah [Livre de la Formation] par des "lettres dans lesquelles la terre et le ciel furent créés", de la même façon que, selon le Talmud, Betzalel, l'architecte du Tabernacle, détient la connaissance de leurs combinaisons (Berakhot 55a). C'est de là que procèdent les théories concernant la création du Golem par la récitation, dans un ordre donné, de toutes les combinaisons possibles des lettres créatrices. Il n'est pas exclu que le Sefer Yetzirah eût initialement des visées magiques de ce type bien que, sur ce point, les avis soient partagés.

p. 76
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Extrait de la préface, p. 9 : l'oeuvre de Scholem.
Dans les livres et les articles où Scholem aborde les problèmes contemporains, il ... considère le judaïsme comme une entité vivante, en perpétuel développement, qui ne peut être enfermée dans les limites d'aucun principe, d'aucun dogme. Personne ne s'est opposé avec autant de vigueur à la position assimilationniste ... : il a approché le monde des idées avec une totale assurance, en représentant d'une grande tradition qui n'a nul besoin d'être embellie ou falsifiée pour tenter d'obtenir la reconnaissance des autres. On peut dire qu'il a été le plus grand sioniste du domaine spirituel : ce que Ben Gourion a accompli en politique - l'égalité de l'état juif avec les nations -, Scholem l'a fait dans le monde de la culture : l'égalité de la tradition juive avec les autres cultures.
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