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EAN : 9782715226272
352 pages
Le Mercure de France (28/09/2006)
4.28/5   9 notes
Résumé :
Le grand philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) fit avec sa famille un voyage en Europe de 1803 à 1804 quand il avait quinze ans.
Arthur tient quotidiennement un journal, écrivant pêle-mêle anecdotes et réflexions sur trois gros cahiers. Le Journal de voyage témoigne d'une vive sensibilité artistique et d'une curiosité insatiable. L'adolescent observe tout : à Londres, à Paris, à Toulon, à Genève, il note les paysages, les monuments, les spectacl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Récit du tour d'Europe effectué par Schopenhauer – âgé de 15 ans – et ses parents, de mai 1803 à août 1804.
Son impressionnant carnet d'adresses permet à la famille d'être régulièrement invitée dans la bonne société tout au long de son périple. le programme consiste en visites touristiques et à aller aux concerts, au théâtre et à l'opéra autant de fois que possible.

Les descriptions des paysages, monuments, jardins, musées, manufactures… sont très nombreuses – sans doute trop – et montrent la sensibilité et la grande maturité de l'auteur.
Les plus intéressantes concernent ce qui a le plus changé : l'agriculture, l'état des routes, l'entretien des villes... et en particulier les moeurs.
La qualité de l'accueil à Rotterdam s'oppose ainsi aux « dîners anglais ennuyeux et guindés » ; on découvre qu'entre Orléans et Bordeaux, on est importuné à chaque poste par « une foule de femmes insupportables » qui vendent des couteaux ; que les habitants de Chamonix et de Genève sont d'une amabilité extrêmes comparés au reste de la Suisse…

A Montpellier : « En ce moment il y a surtout des Anglais qui viennent séjourner dans le midi de la France, région peu onéreuse, aussi bien pour refaire une bourse qu'une santé. En d'autres temps, ils sont très nombreux. Ce rassemblement d'étrangers donne à Montpellier l'aspect d'une ville de cure. »

A Marseille : « Je suis convaincu que Marseille est la plus belle ville de France. (...) Je trouve que Marseille a beaucoup de ressemblance avec Londres. (...) On y rencontre des gens de toutes nationalités, surtout beaucoup de Turcs, de Grecs et de Marocains, qu'on croise partout, et dont les vêtements originaux n'attirent plus le regard des Marseillais, qui y sont habitués. »

A Vienne (Autriche) : « Une particularité de la société viennoise est qu'elle s'exprime partout en français alors qu'elle est composée d'Allemands. On entend davantage parler français qu'allemand. Cette habitude est assez ridicule et de ne s'explique que par le fait que le français en tant que langue de conversation dépasse en qualité toutes les autres, et aussi parque que l'allemand parlé à Vienne est très mauvais. Mais cette habitude devient tout à fait insupportable lorsque le français, comme cela se produit de manière effrayante, est atrocement mutilé, ce qui n'arrive que trop souvent. En société on mange très bien et copieusement à Vienne, mais chez les traiteurs et dans les endroits publics c'est affreux. (...) Ce qui est étonnant à Vienne, c'est le nombre de Turcs qu'on y voit ; ils y sont presque aussi nombreux qu'à Marseille, mais en grande partie ce sont des Arméniens et très différents, quant aux vêtements, des Marocains qu'on voit à Marseille. Dans tous les cafés, et tous les endroits publics, on a mis des coussins spécialement pour eux. »

Les deux mois passés en France de novembre 1803 à janvier 1804 dans la foulée d'un séjour en Angleterre sont l'occasion de nombreuses comparaisons entre Londres et Paris.
Le bon pavement et la propreté des rues de Londres s'opposent ainsi aux ruelles en ruisseau de Paris pleines de boue et mal pavées.
« Les rues me semblent désertes, comparées à celles de Londres qui sont animées par un incessant tourbillon de voitures et de piétons. (…) mais ici, plus souvent qu'à Londres, on découvre quelques beaux bâtiments, et quelques belles places. Nous sommes passés par la rue Saint-Honoré où se trouvent les plus belles boutiques de Paris, mais elles sont moins attrayantes que celles de Londres. La perspective que l'on a du pont Neuf est très belle. Ce quartier est très animé mais le pont Neuf en lui-même ne rivalise par – et de loin – avec les ponts de Londres. (…) Nous sommes passés devant Le Louvre et le Palais des Tuileries, qui sont bien dignes de la gloire et de la renommée qu'ils ont acquises et d'être considérés comme deux des plus beaux bâtiments d'Europe. Nous traversâmes aussi la place Vendôme qui, sans aucun doute, n'a pas son équivalent à Londres. »

Au Palais Royal, « se trouvent des boutiques aussi luxueuses et élégantes qu'à Londres, qui distraient les promeneurs qu'on voit à longueur de journée déambuler sous les arcades. »

A Notre-Dame de Paris : « La façade est surchargée d'ornements, par exemple des centaines de petits saints affreux ont été sculptés dans le portail. de plus, elle n'est pas d'un style gothique absolument pur et sa beauté ne se compare pas avec celle de la cathédrale d'Anvers ou la Westminster Abbey. A l'intérieur, on découvre quelques tableaux médiocres. »

A Montmartre : « Si je compare cette vue avec celle que l'on a de la tour de la cathédrale Saint-Paul de Londres, il saute aux yeux que Paris est beaucoup plus petite. »

Les commentaires de Schopenhauer, toujours plus attaché à l'observation qu'à la réflexion, présentent un grand intérêt en donnant des indications précises, datées, sur des détails de l'état du patrimoine souvent négligés par d'autres ouvrages sur la période :

A Versailles : « Bien qu'il ne soit pas aménagé au goût du jour et ne réponde pas aux critères esthétiques actuels, selon lesquelles tout ce qui est ancien est à bannir, la majesté de ce parc, qui en aucun cas ne peut être niée, les escaliers tout en marbre qui conduisent à de somptueuses terrasses, les grandes allées rectilignes bordées de statues de marbre, conviennent beaucoup mieux à la résidence d'un roi que les allées tortueuses d'un jardin anglais. (…) C'est d'ailleurs avec grand plaisir que l'on constate que ce jardin a très peu souffert après la Révolution. Tout est en parfait état et le gouvernement actuel en prend soin. (…) Les meubles et tapisseries du château ayant été vendus, il n'y a plus trace de l'ancienne splendeur. »

Au Panthéon : « Il n'est pas encore achevé, et ne le sera certainement pas de sitôt. Cependant, c'est sans nul doute un des plus beaux bâtiments d'Europe, (…) jusqu'à ce jour, seul Jean-Jacques Rousseau y repose. »

A Lyon à propos de la place Bellecour : « On est consterné de voir cette belle place jonchée de pierres, débris des maisons qui ont été démolies à l'époque où avait été prise la folle résolution d'anéantir toute la ville. Bonaparte a posé lui-même la première pierre en vue de la reconstruction de la ville, mais ceci n'a guère donné de résultat. »
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Le deuxième bal où nous nous rendîmes est le bal de l’hôtel Franklin, souvent appelé bal Anglais, bien qu’on n’y rencontre pas d’Anglais. Le local et la fréquentation de ce bal sont plus élégants qu’au premier; les souscripteurs sont presque tous des habitants des Chartrons, à savoir des marchands, et beaucoup d’étrangers. L’assistance se compose d’environ cent cinquante personnes. On danse dans une salle extrêmement vaste, mais qui manque singulièrement de hauteur de plafond. Outre celle-ci, il y a une salle où l’on joue à l’écarté, le seul jeu du moment en dehors de la bouillotte. L’éclairage de ce bal est bon, mais l’ameublement aussi médiocre que celui de l’Intendance. Je trouve un peu mesquin dans ce genre de bal, qu’on doive s’acquitter sur-le-champ des consommations. Lorsqu’à dix heures et demie nous entrâmes, nous fûmes pratiquement les premiers. Durant les trois derniers jours du carnaval, les masques se promènent dans la rue. Ceci est un grand privilège accordé au peuple mais qui cette fois, mécontent, participa très peu. Le Mardi gras, nous visitâmes les deux mascarades principales. D’abord nous allâmes au Grand-Théâtre. L’entrée de ce bâtiment somptueux étonne, et plus encore en ce jour de fête. De chaque côté de la porte, à l’intérieur, il y a deux escaliers de pierre très beaux, menant à une galerie magnifique, soutenue par des colonnes précieuses, chefs d’oeuvre de l’architecture. Le parvis, les escaliers, la galerie sont illuminés par des éclairages multicolores et remplis par la foule colorée des masques. Celui qui découvre ce spectacle pour la première fois est très surpris. La bâtisse est vraiment très importante. Elle comprend la grande salle de spectacle, une vaste salle de concerts, et peut-être encore six grandes pièces. En dépit de son immensité, il y avait dans tout ce bâtiment, dans loges, dans les couloirs, une foule si pressante qu’il était presque impossible de danser. Comme le prix des entrées (trois livres) était beaucoup trop bas, il en résulta un inévitable brassage des couches de la société, ce qui se décelait surtout à la présence d’une très forte odeur d’ail qui, dans ces régions, est l’apanage des gens du peuple. Cela est fort désagréable, surtout pour l’étranger. Bien qu’en ce jour de fête on voie plus de masques qu’à l’ordinaire, je pouvais compter un masque pour douze personnes non masquées. Parmi tous ces masques, aucun n’était extraordinaire ni original. La principale distraction de la plupart des personnes qui fréquentent ces bals est le jeu. Dans une longue pièce, il y a deux séries de tables qu’on peut louer pour douze livres; à chacune d’elle se trouvent un ou deux Dominos, mais aussi parfois des personnes non travesties, souvent des femmes, qui ont près d’elles un énorme tas de faux louis d’or et qui, en frappant avec des cornets sur la table, incitent les amateurs à jouer aux dés avec elles, pour n’importe quelle somme, ne dépassant toutefois pas un louis d’or. Généralement, elles gagnent, car beaucoup engagent leurs bons louis d’or contre les leurs qui sont faux. Il y a aussi une table de change, où l’on donne cinq mauvais louis d’or pour deux bons. Dans une autre salle, on joue à la roulette.
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Lorsqu'on voit les reliques et monuments de tous ces poètes, héros et rois des différents siècles (ou plutôt leurs ornements), rassemblés ici dans ces murs gothiques, il est beau de se demander s'ils sont maintenant unis sans être séparés ni par les siècles ni par leur condition ; il est émouvant de se demander ce que chacun a pu emporter avec lui de sa gloire et de sa grandeur. Les rois laissèrent leur couronne et leur spectre, les héros leurs armes, les poètes la gloire. Mais parmi eux, il y a les grands esprits qui ne tiraient pas gloire des choses extérieures mais d'eux-mêmes. Ceux-ci, dis-je, ont pu préserver leur grandeur et emporter d'ici-bas tout ce qu'ils possédaient.
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Le monde regardé ainsi d'en haut est un spectacle si fantastique et si curieux qu'il doit pouvoir consoler celui qui est assailli de soucis.
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L'oeil doit être habitué à la vue des montagnes pour bien mesurer leur hauteur et apprécier leur distance.
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Videos de Arthur Schopenhauer (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Arthur Schopenhauer
« […] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […] » (Roland Jaccard.)
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Vauvenargues : https://www.buchfreund.de/de/d/p/101785299/luc-de-clapiers-marquis-vauvenargues-1715-1747#&gid=1&pid=1 Georges Perros : https://editionsfario.fr/auteur/georges-perros/ Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jpg Prince de Ligne : https://tresorsdelacademie.be/fr/patrimoine-artistique/buste-de-charles-joseph-prince-de-ligne#object-images Jules Renard : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a5/Jules_Renard_-_photo_Henri_Manuel.jpg Blaise Pascal : https://www.posterazzi.com/blaise-pascal-french-polymath-poster-print-by-science-source-item-varscibp3374/ André Ruellan : https://www.babelio.com/auteur/
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>Histoire, géographie, sciences auxiliaires de l'histoire>Biographie générale et généalogie>Philosophes et psychologues : biographies (91)
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