De sa lecture il y a treize ans, je n'ai pas gardé un souvenir prégnant d'"
Ingrid Caven" de
Jean-Jacques Schuhl – je ne loupais alors aucun Goncourt inattendu –, mais il m'avait au moins intrigué, et sans doute donné l'envie d'y revenir car, devant le présentoir, je n'ai pas hésité une seconde à m'emparer de ces nouvelles neuves (2014) sous le titre aux inflexions confidentielles "
Obsessions".
Il ne s'agit pas de nouvelles au sens où on l'entend généralement mais plutôt de textes qui forment un kaléidoscope bizarre, représentatif de cet écrivain velléitaire (cinq livres en quarante ans) : la nuit, la mode, la jet-set, un certain cinéma disparu et de la poésie baudelairienne. Les références entre ces textes sont ouvertes et le fil rouge est clair, Schuhl parle moins d'
obsessions – je trouve le mot tracassant – que de ses spleens artistiques. Ceux-ci n'ont rien d'un scabreux BDSM ainsi que le souffle la quatrième de couverture. le tout forme un ensemble intime dont la forme brouillonne, spontanée et rythmée correspond à l'univers de Schuhl, un peu rock mais champagne, dandy et rêveur, kitsch comme un Warhol. Et j'ai beaucoup aimé.
"Fidèle à elle-même, elle était encore une autre" : le premier récit, Gangster japonais, se termine sur cette phrase clé. Être toujours un autre, un gangster pourquoi pas, s'emparer du personnage qui transcendera l'effacement et l'insignifiance du soi, vivre le romanesque, devenir le mythe. Dans une interview de Libération, l'auteur rappelle Eustache, Fassbinder ou Rassam qui "étaient transis par le cinéma, ils le vivaient, fumaient ou embrassaient les filles comme ils l'avaient vu dans les films". Dans la nouvelle "Obsession" justement, Schuhl écrit : "...la gauloise entre les dents, lentement, je me suis passé le pouce sur la lèvre inférieure : j'ai imité Belmondo qui imitait Bogart, ça s'appelle la transmission..."
(Suite du billet sur Marque-pages, lien ci-dessous)
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